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Les constructeurs automobiles multiplient les incursions dans le monde de la mode, délaissant les catwalks pour se frotter au bitume. Une technique de communication Fast&Furious qui touche aussi bien les grands designers que les petites marques en recherche d'attention. Entre Tommy Hilfiger et son Hilfiger Racing Club, Agnès b. qui nous rhabille en Renault, et Peugeot qui devient partenaire de la Fashion Week, la voiture se plie à toutes les modes et enclenche définitivement la seconde.
Vous souvenez-vous de ce temps où les chaussures Sparco avaient la cote et où l’on s’arrachait les bombers rouges Ferrari ? Un temps oublié de la sphère mode, l’univers de l’auto revient en force dans les vestiaires. La preuve.
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La fashion en mode auto
On connaît Tommy Hilfiger pour son style preppy et son amour du grand air, entre collections célébrant les sports nautiques ou l’équitation. Aujourd’hui, le designer new-yorkais a choisi d’embrasser l’imaginaire du sport automobile. Sa collection automne 2025, baptisée The Hilfiger Racing Club, rejoue l’ambiance des paddocks et des circuits vintage. Blousons à écussons, chemises Oxford revisitées, pantalons larges et denim oversize habillent non pas des pilotes automobiles mais le comédien Nicholas Hoult et l’indémodable Claudia Schiffer.
L’esthétique race s’invite aussi chez des marques plus confidentielles, à l’instar du label Gertrude qui, le 25 septembre dernier, dévoilait à Marseille sa collection inspirée de l’univers du monster truck : une collection capsule revisitant les codes de l’auto avec des pièces aux coupes amples et ornées d’imprimés à la gloire de ces fous du volant, dont le jersey Motor proposé en édition limitée et numérotée.
De son côté, Agnès b. profite du revival de la Renault 5 en version E-Tech électrique pour designer un vestiaire rendant hommage à cette voiture mythique. Casquette, foulard et veste floquée du chiffre 5 font les beaux jours de cette collection unisexe qui apporte un coup de frais à une voiture qui a récemment fêté ses cinquante printemps.
« La mode et l’automobile partagent des fondamentaux solides : le produit et la marque, analyse Caroline Le Bars, directrice associée Stratégie et Transformation chez Frog, membre de Capgemini Invent. Vous pouvez facilement citer de grandes marques de mode comme de grandes marques automobiles, ce qui est moins évident dans d’autres secteurs. Et dans les deux cas, l’innovation produit est centrale. On y retrouve les mêmes codes : le goût du craft, du travail sur la matière, de la personnalisation… Choisir une sellerie ou un volant, c’est comparable au sur-mesure dans le luxe. On retrouve aussi la logique des séries limitées ou des exclusivités. »
Choisir, dans le cas de la Renault 5 E-Tech électrique, une créatrice de renom telle qu’Agnès b. n’est en rien un hasard et s’inscrit dans une réflexion marketing globale de la marque qui cherche à séduire de nouveaux clients tout en flirtant avec la nostalgie : « Agnès b. a toujours eu ce lien avec la jeune génération, note Caroline Le Bars. Même si la marque est ancienne et française, elle garde une capacité à rester en mouvement et à dialoguer avec les nouvelles générations. C’est un peu comme la R5 : elle a 50 ans, mais sa version électrique prouve qu’elle sait se réinventer et rester désirable. Les couleurs choisies sont vives, très instagrammables. »
Du côté de l’Italie, Versace s’associe à Ford dès 2019 en intégrant l’iconique logo dans son vestiaire, hissant ainsi ce symbole populaire dans un univers de luxe. Le contraste entre l’accessibilité d’un constructeur grand public et l’exclusivité d’une griffe de haute couture invite avant tout à la désirabilité : un jeu gagnant-gagnant pour l’image des deux marques, dans lequel le perdant reste le portefeuille du consommateur, puisqu’un hoodie coûtait, lors du lancement de cette collection, la bagatelle de 1 100 euros.
L’arrivée avec fracas, en septembre, de Luca de Meo à la tête de Kering illustre parfaitement les liens profonds existant entre la mode et le secteur de l’automobile. Après avoir, durant cinq ans, dirigé Renault, il est aujourd’hui chargé de redresser les finances du groupe de luxe français. Si cette arrivée a surpris tout le monde, elle reste totalement cohérente aux yeux de Caroline Le Bars : « Chez Renault, Luca de Meo a voulu dépoussiérer l’image de la marque, la rendre plus shiny et attractive pour la génération Z, qui n’est pas seulement le client de demain, mais déjà celui d’aujourd’hui. On retrouve d’ailleurs proportionnellement plus de clients à très haut pouvoir d’achat chez les Gen Z que dans la population globale, qui consomme aussi bien des marques de luxe que d’automobile. »
Pimp my ride
L’incursion du monde de la mode dans celui de l’auto se déploie aussi dans l’habitacle. Difficile de faire plus spectaculaire que la Phantom Syntopia, présentée par Rolls-Royce en 2023. Confiée à la créatrice néerlandaise Iris van Herpen, connue pour ses silhouettes futuristes et ses expérimentations alliant technologie et couture, cette pièce unique a demandé quatre ans de travail. Résultat : une carrosserie « Liquid Noir » aux reflets oscillant entre violet, bleu et doré, tandis que l’intérieur se voit paré d’organza, de broderies et d’un toit illuminé façon ciel étoilé, avec sièges parfumés s’il vous plaît. Un combo luxe/auto qui n’en est pas à son coup d’essai, puisque dès 1976, la marque américaine Lincoln confie à quatre maisons le soin de customiser sa Continental Mark Series, dont Pucci et Givenchy. En France, il faut attendre les années 1990 pour qu’un créateur appose sa signature sur une voiture, à l’instar de Kenzo et sa Twingo florale, pendant que Paul Smith, de l’autre côté de la Manche, livre une Mini Cooper aux effets full bariolés.
Depuis, la plupart des marques ont confié un de leurs modèles à des créateurs de mode, de la Fiat 500 aux couleurs de Gucci à Stella McCartney et sa Jaguar customisée. En 2023, Mercedes-Benz nous prend de court avec Project Mondo G, une Classe G habillée comme une doudoune Moncler, avec zips géants et matelassage XXL à l’appui. L’occasion pour la marque allemande de nous rappeler son amour pour la fashion, elle qui, en 2021, dévoilait déjà un autre projet hors norme : une Maybach imaginée à quatre mains par Gorden Wagener, directeur du design du constructeur allemand, et Virgil Abloh, alors directeur artistique homme chez Louis Vuitton et fondateur d’Off-White. Baptisée Project Maybach, ce coupé tout-terrain électrique pensé comme une « œuvre d’art roulante » mesure près de six mètres, avec capot transparent laissant apparaître des panneaux solaires, garde au sol surélevé et pneus de 33 pouces.
« Pour séduire les clients ultra-luxe, l’automobile doit s’approprier les codes de ce dernier, d’où l’importance des collaborations, confie Caroline Le Bars. Pour la mode, attirer cette clientèle masculine est aussi stratégique, car ce sont à la fois des acheteurs pour eux-mêmes et des gifters, c’est-à-dire des acheteurs pour offrir. Un autre point clé reste l’innovation. Beaucoup de collaborations naissent à l’occasion de lancements : nouveaux matériaux, technologies embarquées, expériences immersives ou virtual try-on. Dans l’auto, cela prouve qu’on est à la pointe, et dans le luxe, cela permet de disrupter le marché en créant le premier produit désirable. »
Au-delà du concept-car unique, la collaboration s’est déclinée en capsule commerciale : la Maybach by Virgil Abloh, produite à 150 exemplaires dans le monde, s’est accompagnée d’une collection capsule de prêt-à-porter et d’accessoires signée Off-White et Mercedes-Benz, prouvant ainsi que la marque n’hésite pas à mettre le turbo lorsqu’il s’agit de la jouer couture.
Peugeot & Mercedes en mode chauffeur
Depuis plus de quinze ans, Mercedes-Benz s’impose comme l’un des partenaires historiques des Fashion Weeks, de Berlin à Madrid en passant par Tbilissi. De 2009 à 2015, la marque devient le sponsor-titre de la Fashion Week de New York, au point que l’événement porte officiellement son nom (Mercedes-Benz Fashion Week New York). La firme met fin à ce partenariat début 2015, préférant concentrer ses investissements sur d’autres capitales. L’objectif, ici, est d’associer son image de constructeur premium à l’univers de la création et du luxe, afin de toucher une audience sensible au design et à l’innovation tout en bénéficiant d’une visibilité internationale considérable. Mais si les chiffres exacts des retombées financières restent confidentiels (voire impossibles à chiffrer), ce partenariat constitue un investissement marketing majeur, où la notoriété et l’image priment sur le retour immédiat.
C’est ce qu’a compris le français Peugeot en signant un partenariat exclusif avec la Fashion Week de Paris, en mettant à disposition de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode plusieurs modèles phares (408, E-3008 et E-5008) afin d’assurer aux invités des trajets taillés sur mesure. Après avoir déployé, en octobre 2024, une flotte de 100 véhicules afin de transporter les convives du défilé Coperni jusqu’à Disneyland Paris, lieu où la marque présentait sa dernière collection, la marque vient de récidiver lors de la dernière Fashion Week en érigeant la DS n°8 comme partenaire officiel de l’événement. Une flotte de 20 véhicules a défilé dans les rues de Paris durant cet événement, avec à son bord des invités, des journalistes et autres influenceurs de mode qui ont pu tester (et partager sur les réseaux) leurs expériences. Pour Peugeot, l’enjeu est clair : dépoussiérer son image et séduire une nouvelle audience, prouvant ainsi qu’on peut fêter ses 215 ans et toujours en avoir sous le capot.
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