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Le t-shirt est depuis longtemps un support d'opinions. Appartenance à un parti politique, goûts musicaux, activités sportives... Ce sont désormais les préférences dans l'assiette qui s'accumulent dans la penderie, un intéressant retour sur investissement pour les restaurants qui s'adonnent à l'exercice...
Afficher sur le dos de votre t-shirt le numéro de téléphone de votre restaurant préféré ? Regardez autour de vous, la rue est un bottin ambulant !
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On a tous une collection de t-shirts
Pendus mon armoire : des dizaines de t-shirts égrainés depuis… toujours. Celui de la 20e édition du Défi de Monte-Cristo, course de nage en haute mer collecté, encore mouillée, après avoir avalé les 5 km du parcours. Celui, collector, de la collaboration entre La Plateforme du Bâtiment et le concept-store à la mode Merci, un drôle de mariage initié par Arthur Gerbi, le big boss du magasin, contraint de proposer aux bricolos d’éditer un t-shirt en édition limitée devant leur refus de lui offrir un original, réservé aux employés de la boîte. Mais aussi le plus célèbre d’entre eux, floqué du fameux « I (cœur) NY », ardemment négocié dans une boutique de souvenirs sur la 5e avenue.
Les figures de David Bowie et du groupe The Doors se fraient une place aux côtés de cette collection de t-shirts promo, gratuits ou acquis moyennant paiement, remplissant tous le même objectif : s’afficher sur mon dos afin de s’assurer une (mini) notoriété par le biais de mes déplacements — une version moins onéreuse du 4 x 3 JC Decaux.
Sur les cintres de ma penderie, aux côtés de Ziggy Stardust et du cœur rouge de Big Apple, se retrouvent aussi des t-shirts à l’effigie du restaurant Bouillon République, du Bar Basso, une institution milanaise, et de la cantine marseillaise Spok.
Car, depuis une poignée d’années, une nouvelle typologie de t-shirts se balade dans les rues de Paris. Des tops affichant des noms pas toujours connus du grand public, partageant parfois un numéro de téléphone ou un joli dessin évocateur du service vanté : le restaurant.
Le restaurant pionnier des t-shirts « de merch »
Le rond jaune aux lettres rouges du Hard Rock Café est absent de ma collection. La chaîne de restaurants londonienne, établie en 1970, est pourtant la première a avoir eu l’idée de faire d’un t-shirt son outil de communication. C’est l’illustrateur britannique Alan Aldridge qui en a dessiné le logo, devenu mythique, en 1974 — mais aussi la pochette du deuxième album de The Who, A Quick One, en 1966, et les Chelsea Girls d’Andy Warhol pour l’affiche du film éponyme de 1969.
« Le t-shirt classique avec le logo du Hard Rock Cafe est de loin l’un des vêtements les plus vendus au monde », a assuré Stefano Pandin, directeur général du Hard Rock Cafe Italie et vice-président des opérations en Europe, à Vice France en 2021. Une affirmation invérifiable pourtant vraisemblable, du moins au moment pic de la notoriété de la marque dans les années 90-2000.
Dans les années 2000-2010, le merchandising de restaurants prend plutôt le chemin de la surface lisse de nos tasses à café favorites, le mug Starbucks en tête, que du dos de leurs clients. C’était sans compter sur la pandémie de 2020.
Un tournant pour le t-shirt de restaurant
Rappelons-nous : les restaurants sont contraints à fermer pour une durée indéterminée. Panique à bord. Finalement, la vente à emporter se met en place mais ne remplace pas le chiffre d’affaires généré par un service en salle. Alors, sur les plateformes qui répertorient les restaurants qui ont adapté leur offre à la livraison ou directement sur leurs comptes Instagram, on découvre un produit non-comestible : le t-shirt.
Le Châteaubriand, table étoilée du chef Iñaki Aizpitarte, passe à la pizza : il l’accompagne d’un t-shirt blanc simpliste listant sur son dos toutes les informations nécessaires à la commande. Holybelly, le spot préféré des amateurs de brunch lance son site internet : il est désormais possible de commander une portion de pancakes en parallèle d’un t-shirt.
Il serait trop facile d’imputer à la vente de ces pièces de merchandising la survie d’une industrie qui se relève encore doucement. Mais force est de constater qu’une tendance est pourtant née pendant que nous étions confinés. « La pandémie a sans aucun doute accéléré la tendance », acquiesce Tony Collins du studio Twototango, spécialisée dans le branding.
Nous ne sommes pas sortis indemnes de ces mois où seules les réunions Zoom nous amenaient à nous habiller avec autre chose qu’un jogging. Le confort est redevenu une priorité. Si les pantalons informes ont retrouvé le chemin de nos placards, les Birkenstocks n’ont jamais été tant portées. Et quoi de plus confortable qu’un t-shirt ?
Une aubaine de communication
2023 : le t-shirt logoté à l’effigie d’un restaurant est devenu une raison supplémentaire de s’y rendre. Les graphismes simplistes imprimés en ligne répertoriant adresse, numéro de téléphone et site internet ont laissé leur place à des dessins toujours plus ambitieux confiés à des agences de création spécialisées.
De retour de quelques années passées à New York, Tony Collis fonde à Marseille le café Deep Coffee. Parce que « tout le monde le fait depuis des années à New York », il crée un t-shirt aux couleurs de son coffee-shop, faisant rapidement des émules autour de lui. Aujourd’hui, Tony vit à Biarritz où il a fondé avec Lilian Chevallier Twototango, une agence de création graphique spécialisée dans le branding pour restaurants. Il compte parmi ses clients des adresses parmi les plus en vue de Paris, Haikara et Bambino, mais aussi des clients branchés à Rennes (Gang) et Anglet (Tinto All Day). « Nos clients nous contactent par bouche-à-oreille. Tous les restaurateurs veulent leur t-shirt ! »
Le comptoir à sandwichs Sarra Deli l’a bien compris : en trois ans d’existence (il vient de fermer ses portes), pas moins d’une demie dizaine de modèles se sont succédés, affichant à tour de rôle une papazade de la princesse Diana, un logo effet vintage et un message, « Cool kids eat sandwich ». Tous les moyens (graphiques) sont bons pour se faire voir sur le dos de ses clients.
De la côte basque à Marseille, de Perpignan à Bruxelles, la vague a définitivement quitté le continent américain où elle est née. Taverna Sagí, à Perpignan, dessine sur le dos de son t-shirt la carte de la gastronomie catalane. Sarment, à Marseille, a demandé à l’artiste Jamais Bien Loin de croquer une table, une édition en collaboration avec la marque Maison Mère. Du côté de la Belgique, les shops de street-food s’en donnent à cœur-joie, à l’image de Panam Kebab qui affiche sur son top un… kebab.
Preuve, s’il le fallait, du succès du phénomène, Twototango est désormais sollicité sur des projets qui sortent de son giron initial. Du branding de restaurants (identité graphique, menu et, donc, t-shirts), le studio répond à des marques de mode (Patine, Ysé) friandes d’illustrer leurs collaborations à coup de dessins rappelant l’esthétique vintage du genre. « On regarde toujours de près ce que fait Roberta’s, la célèbre pizzeria de Brooklyn, l’un des pionniers en la matière. Ils font souvent des collaborations avec des mecs cools, c’est inspirant. »
On retrouve justement les t-shirts graphiques de Roberta’s sur un site marchant, GiftShop, qui se spécialise dans la vente de merchandising de restaurant. Il répertorie des dizaines de marques à son catalogue, de tous horizons et sur tous les continents, et pas seulement sous la forme de t-shirts. Les caves à manger tendance de la capitale y sont largement représentées (Bar Principal, Le Verre Volé) au même titre que des institutions (le bistrot Paul Bert) et des restaurants éphémères qui ont tiré leur révérence (Tontine).
Les Américains de Roberta’s, donc, de Katz’s Delicatessen et de In-n-Out Burger, pionniers du genre, comptent aussi à l’appel de GiftShop, permettant pour la première fois aux Français de se procurer des souvenirs… sans même avoir vécu l’expérience d’un diner. Un paradoxe qui fait néanmoins gonfler la popularité de ces marques outre-Atlantique.
A qui le tour ?
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