×
Suite au succès de la dernière foire d’art SP-Arte, à Sao Paulo, les artistes brésiliens ne se sont jamais aussi bien portés. Reportage, 2025 - TGL
Suite au succès de la dernière foire d’art SP-Arte, à Sao Paulo, les artistes brésiliens ne se sont jamais aussi bien portés. Reportage, 2025 - TGL
Marine Mimouni

The Good Culture // Art

Sao Paulo, scène majeure de l’art contemporain

Art

The Good Culture

Le sujet n’est pas nouveau. Mais on n’aura jamais autant parlé des artistes brésiliens. Grâce, entre autres, à une Biennale de Venise placée sous le commissariat d’Adriano Pedrosa, par ailleurs directeur artistique du musée d’Art de Sao Paulo. Trente artistes originaires du Brésil ont exposé à Venise, la plus grande délégation jamais vue.

En avril 2024, la foire d’art SP-Arte à Sao Paulo, la plus importante de l’hémisphère Sud, fêtait ses 20 ans. Ce fut, d’un point de vue commercial, un succès. Plus 70 % de ventes par rapport à l’édition précédente, dont 60 % des transactions conclues avec de nouveaux clients. Ces chiffres révèlent peut-être un changement dans ce milieu considéré comme très fermé.


À lire aussi : The Good Exhibition : le modernisme brésilien de Tarsila do Amaral au MoMA


En pleine expansion

« La foire joue un rôle essentiel, tant sur le plan commercial que dans la promotion de l’art brésilien aux niveaux national et international, confirme sa directrice et fondatrice, Fernanda Feitosa. SP-Arte fait également office de baromètre pour le marché brésilien. Nous savons que 2023 et 2024 ont été des années difficiles pour le marché mondial de l’art, mais la performance des galeries de SP-Arte a été positive, indiquant qu’il existe des spécificités incontestables au Brésil. »

Le musée d’Art de Sao Paulo est l’un des plus grands centres culturels du Brésil.
Le musée d’Art de Sao Paulo est l’un des plus grands centres culturels du Brésil. Nicolas Krief

Dans les années 40, les grands industriels brésiliens ont constitué d’importantes collections, devenues pour la plupart la base des musées de Sao Paulo, tels que celui d’Art moderne (MAM) et le musée d’Art de Sao Paulo (MASP), qu’ils ont fondés.

S’ils ont collectionné les grands maîtres européens, ils se sont aussi rapidement intéressés aux artistes de leur pays, en particuliers ceux des années 20 à 50 : Anita Malfatti, Tarsila do Amaral, Candido Portinari, Alfredo Volpi…

Dans une ville comme Sao Paulo, où les apparences comptent, c’est un must de collectionner, de soutenir les institutions financièrement et d’assister à toutes les manifestations artistiques.
Dans une ville comme Sao Paulo, où les apparences comptent, c’est un must de collectionner, de soutenir les institutions financièrement et d’assister à toutes les manifestations artistiques. Nicolas Krief

Puis à la fin des années 50, c’est plutôt du côté de Rio que la scène artistique se renouvelle, avec l’arrivée du mouvement néoconcret, Hélio Oiticica, Lygia Clark, Lygia Pape et, un peu plus tard, le mouvement Tropicalia, qui embrassait toutes les disciplines, y compris la musique avec Caetano Veloso et Gilberto Gil.

La reconnaissance internationale

La vie artistique brésilienne a toujours été d’une grande richesse, mais ce n’est qu’assez récemment que ses artistes (Cildo Meireles, Anna Maria Maiolino, Jac Leirner,Tunga, Ernesto Neto, Janaina Tschäpe, Sebastião Salgado, Beatriz Milhazes ou Vik Muniz) ont été reconnus sur la scène internationale. Il y a donc dans la ville une grande culture et un véritable amour de l’art.

Dans les années 40, les grands industriels brésiliens ont constitué d’importantes collections, devenues pour la plupart la base des musées de Sao Paulo, tels que celui d’Art moderne (MAM) et le musée d’Art de Sao Paulo (MASP), qu’ils ont fondés.
Dans les années 40, les grands industriels brésiliens ont constitué d’importantes collections, devenues pour la plupart la base des musées de Sao Paulo, tels que celui d’Art moderne (MAM) et le musée d’Art de Sao Paulo (MASP), qu’ils ont fondés. Nicolas Krief

De la part des élites d’abord, petit monde clos qui tient les rênes du marché. Dans une ville comme Sao Paulo, où les apparences comptent, c’est un must de collectionner, de soutenir les institutions financièrement et d’assister à toutes les manifestations artistiques.

Issue d’une célèbre famille de grands collectionneurs et mécènes, Camila Yunes Guarita a fondé son agence Kura en 2018, rejointe un peu plus tard par Teodoro Bava, lui-même petits-fils d’un architecte galeriste et collectionneur et arrière petit-neveu de l’artiste Ubi Bava. Depuis leurs bureaux sans prétention de la chic rue Oscar-Freire, ils accompagnent les acheteurs en les conseillant sur la constitution et la gestion de leur patrimoine artistique. Un métier relativement nouveau au Brésil.

« L’attention internationale portée aux perspectives des populations d’origine africaine ou autochtones, en particulier aux États-Unis où de nombreux collectionneurs brésiliens possèdent une résidence secondaire, contribue à une plus grande diversité » ajoute Fernanda Feitosa.
« L’attention internationale portée aux perspectives des populations d’origine africaine ou autochtones, en particulier aux États-Unis où de nombreux collectionneurs brésiliens possèdent une résidence secondaire, contribue à une plus grande diversité » ajoute Fernanda Feitosa. Nicolas Krief

« Nous nous consacrons à 100% au conseil, explique Teodoro Bava, principalement pour des collections privées, mais nous intervenons aussi auprès d’institutions, de musées et de fondations. Nous sommes jeunes, comme notre entreprise, notre métier et notre marché. Il y a au Brésil de grandes collections, mais la plupart d’entre elles ont été constituées par des connaisseurs qui étaient en contact direct avec les artistes. Il y avait très peu de galeries à l’époque. »

Typologie des acheteurs

Alors, qui sont ces nouveaux collectionneurs qui font leur shopping lors des foires, accompagnés par leurs conseillers ? Principalement des fortunes issues de l’agro-industrie.

Autrefois, c’était surtout à Rio que les artistes s’installaient. C’était là que se trouvait leur marché. Mais avec le déplacement de la capitale à Brasilia, l’argent a migré vers Sao Paulo.
Autrefois, c’était surtout à Rio que les artistes s’installaient. C’était là que se trouvait leur marché. Mais avec le déplacement de la capitale à Brasilia, l’argent a migré vers Sao Paulo. Nicolas Krief

« Beaucoup achètent encore pour le statut, admet Teodoro Bava, mais au moins, ils achètent. C’est la raison pour laquelle de nombreuses galeries ont déménagé en dehors des métropoles, à Goiânia, à Brasilia et dans le Mato Grosso. Les magnats de l’agro-industrie ont tellement d’argent ! Cependant, ils ne connaissent pas grand-chose à l’art. Afin de les amener à s’y intéresser, nous organisons des partenariats avec des marques de luxe. C’est une façon d’engager la conversation avec ces nouveaux acheteurs. »

Autrefois, c’était surtout à Rio que les artistes s’installaient. C’était là que se trouvait leur marché. Mais avec le déplacement de la capitale à Brasilia, l’argent a migré vers Sao Paulo. Les galeries de Rio ont fini par y ouvrir des succursales. Quant à la production des œuvres, elle se fait maintenant partout au Brésil, principalement portée par le mouvement afro-brésilien.

« Nous savons que 2023 et 2024 ont été des années difficiles pour le marché mondial de l’art, mais la performance des galeries de SP-Arte a été positive, indiquant qu’il existe des spécificités incontestables au Brésil » dit Fernanda Feitosa.
« Nous savons que 2023 et 2024 ont été des années difficiles pour le marché mondial de l’art, mais la performance des galeries de SP-Arte a été positive, indiquant qu’il existe des spécificités incontestables au Brésil » dit Fernanda Feitosa. Nicolas Krief

« L’attention internationale portée aux perspectives des populations d’origine africaine ou autochtones, en particulier aux États-Unis où de nombreux collectionneurs brésiliens possèdent une résidence secondaire, contribue à une plus grande diversité, ajoute Fernanda Feitosa. Même si ces lourdes taxes à l’importation peuvent donner au Brésil une réputation de marché insulaire, des lois favorables à l’exportation et la forte présence des galeries brésiliennes dans les foires américaines permettent à ces artistes d’accéder aux collectionneurs et aux institutions internationales. Il y a quelques années encore, une galerie brésilienne n’envisageait même pas de représenter un artiste vivant en dehors de Rio, Sao Paulo ou du Minas Gerais. Désormais, elles courent après. »


À lire aussi : Littérature brésilienne : 5 livres pour la (re)découvrir

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture