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The Good Culture
« Hôtel du bord des larmes », « Garder la tête hors de l’eau », « 200 chambres, 200 salles de bains ».... The Good Life dresse la liste des 9 romans palpitants à dévorer cet automne.
Nombre de romans ont pour personnage principal un hôtel, un endroit souvent effervescent où peuvent se côtoyer intrigues et amours, drames et péripéties, complots et trahisons. Sélection.
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1 – L’émouvant
François et Cécile se sont aimés. Mais le temps, la vie, les événements ont fait que… Alors, pour « bien faire les choses » pourquoi ne pas essayer un « divorce-hôtel » ? En un week-end, tout est réglé, paraît-il. On fournit avocat, notaire et même des massages bien-être…
Naissance d’une passion, description des émois, érosion des sentiments, Elsa Flageul touche directement à l’âme de son lecteur. Elle dresse un entrelacs de portraits sensibles, dans lequel les personnages se croisent, les relations se nouent, les histoires s’amorcent.
Les mots sont justes, émouvants et délicats : « Une histoire d’amour, c’est comme un film qu’on adore. Elle n’existe que dans le cœur de celui qui la raconte. Avec des images manquantes. » Conjuguant finesse et humour, elle nous entraîne dans sa quête de l’image présente qui fait advenir la vie. Et alors que tout semble consumé, la flamme peut à nouveau jaillir.
Hôtel du bord des larmes, Elsa Flageul, J’ai Lu, 224 p., 7,50 €.
2 – Le glaçant
Pour Jack Torrance, le plan est idéal : être le gardien de l’Overlook, splendide hôtel des Rocheuses fermé pendant l’hiver à cause de la neige. Un lieu rêvé pour enfin terminer d’écrire son livre. Un bol d’air frais garanti pour toute sa famille. Sauf que l’Overlook porte un passé sanglant : suicides et meurtres s’y succèdent depuis des années.
Immortalisé par Stanley Kubrick avec l’inoubliable Jack Nicholson, Shining a le don de faire frissonner sans lumière. Et plus encore que dans le film, on assiste, impuissant, à la désintégration mentale de Jack. Car ce palace isolé semble doué d’une conscience autonome et malfaisante qui réduit les êtres à des pantins.
Dans ce huis clos oppressant, l’écriture de Stephen King distille avec froideur suspens et angoisse. Il aborde avec une rare justesse des thèmes comme la solitude, l’alcoolisme, la télépathie ou le combat de l’écrivain contre la page blanche. Une fois le livre lu, jamais plus un bruit inconnu dans le couloir d’un hôtel ne vous semblera anodin.
Shining, Stephen King, Le Livre de poche, 576 p., 9,70 €.
3 – Le policier historique
Berlin, 1934. Résolument antinazi, Bernie Gunther a quitté la police avant d’en être expulsé pour assurer la sécurité dans un palace de la ville. À l’approche des jeux Olympiques, les contacts sont louches entre promoteurs immobiliers, officiels du Reich et comité olympique américain.
Mais quel rapport entre un corps repêché dans le canal et cette mort « naturelle » dans une suite de l’hôtel Adlon ? Dans ce sixième volume, on retrouve avec joie ce qui fait le sel de l’œuvre de Philip Kerr : une précision historique, des dialogues ciselés et un style grinçant.
Clients étranges, femme fatale et rebondissements en cascade, rien ne manque dans cet opus où les méchants rivalisent de cruauté. La ville est en effervescence, l’antisémitisme, criant et Bernie se bat avec ses contradictions. Appât du gain, amour ou convictions politiques ne pèsent pas bien lourd sur la balance déréglée du Bien et du Mal.
Hôtel Adlon, Philip Kerr, Le Livre de poche, 672 p., 9,90 €.
4 – Le voyage immobile
Installé au somptueux palace de Bussaco, au Portugal, Valery Larbaud s’amuse, pour rompre l’insomnie, au jeu de la digression sur la vie dans un hôtel. Inspiré par sa propre expérience de riche héritier malade et souvent cloîtré, il revient sur la condition étrange de voyageur sédentaire. Entre pensées philosophiques et merveilleuses anecdotes, il décrit des vies d’éternels étrangers.
Jamais avare de paradoxes – « Notre condition est nomade. Les résidences permanentes sont une aberration de ce désir de changer, de poursuivre, d’être un autre ailleurs, toujours » –, Larbaud glorifie la langueur et les moments suspendus. Finesse et profondeur de ses observations, à retrouver dans les merveilleuses gravures de Jean Émile Laboureur, qui magnifient ce court texte hors du temps.
200 chambres, 200 salles de bains, Valery Larbaud, Les Éditions du Sonneur, 64 p., 12 €.
5 – Le décalé et hilarant
Années 2000. Les stars ont déserté le mythique Chelsea Hotel, mais l’établissement pullule encore d’excentriques, d’artistes et de névrosés de tout poil. Au milieu de cette faune bigarrée, une gamine de 7 ans tente tout son possible pour se faire des amis. Et pas toujours avec le succès escompté.
Hilarante et absurde (l’idole de jeunesse de Nicolaia Rips est Groucho Marx), cette libre autobiographie foisonne d’anecdotes et de rencontres loufoques. De l’école primaire jusqu’à son entrée à l’université, on suit les expériences de l’autrice avec des baby-sitters pas banales ou dans le difficile apprentissage de la lecture.
Chapitres courts et rythmés, écriture fluide et sans ennui, le récit est bourré de vitalité. Pas facile d’être une enfant originale dans un New York aseptisé. Pourtant, échecs, drames et douleurs deviennent autant d’aventures tendres et drolatiques. Un roman d’apprentissage aux accents beatnik chez les millennials.
Garder la tête hors de l’eau, Nicolaia Rips, Pauvert, 312 p., 18 €.
6 – Le fascinant
Fin de l’été, un jeune allemand retourne avec sa fiancée dans l’hôtel de son adolescence sur la Costa Brava. Un séjour anodin ? Pas vraiment. Au fil des rencontres, des fêtes et des drames, l’ambiance se dégrade, le temps tourne à l’orage.
Et puis, il y a ce jeu, posé au milieu de la chambre, qui devient l’obsession, un war game où l’Allemagne gagne toujours à la fin. Premier roman de l’écrivain chilien, Le Troisième Reich porte en germes les écrits à venir. Un style épuré, lent et inattendu. Des personnages aussi lugubres qu’inquiétants (mention spéciale pour le Brûlé, le Loup et l’Agneau). Et une fascination pour le mal.
À mesure que l’hôtel se vide, le personnage se consume, se désintègre et plonge dans un monde parallèle en emportant avec lui le lecteur. Une spirale infernale qui balaie tout sur son passage par sa violence souterraine. Une puissante mise en abyme sur la perdition et la mélancolie dans un décor de carte postale surannée.
Le Troisième Reich, Roberto Bolaño, Folio, 432 p., 9,40 €.
7 – Le voyage en littérature
Les hôtels ont toujours attiré les écrivains. Pour s’y ressourcer, s’inspirer et écrire en toute quiétude. Ou pour y loger des intrigues, des personnages et des passions. De Paris à Buenos Aires, en passant par Jérusalem ou Positano, Nathalie de Saint Phalle suit les pas de Saint-Exupéry, Henry Miller ou Moravia. Lupanars, palaces ou hôtels miteux : dans un formidable travail de collecte, l’auteure dresse un catalogue érudit de plus d’une centaine d’établissements à travers e monde.
Correspondances, témoignages, extraits de journaux intimes ou passages de roman, c’est un regard inédit qui éclaire le quotidien de grandes figures des lettres. Histoires d’amour et d’amitié, mort violente, exil forcé, l’ouvrage déborde d’anecdotes originales. Opportunité aussi de découvrir, au hasard des pages, l’envers du décor : terrasses cachées, chambres maudites, escaliers interdits et les merveilleux cocktails chers à Hemingway.
Hôtels littéraires. Voyage autour de la Terre, Nathalie H. de Saint Phalle, Denoël, 496 p., 25,35 €.
8 – Le joliment allumé
Quelle tribu atypique, ces Berry ! Et fichue idée que de poursuivre le rêve d’un père en ouvrant un hôtel en Europe, puis aux États-Unis. Car en plus de Frank, le gay polyglotte, Franny la rebelle, la petite Lilly et Egg le dur d’oreille, vous croiserez dans les étages un ours, un labrador pétomane empaillé, un géant noir, des gauchistes et quelques prostituées.
Dans un mélange étonnant de comique et de tragique, Irving trimballe un univers baroque et joliment allumé. Trouvailles improbables, incroyables situations, c’est un bric-à-brac d’émotions distillées avec malice par un conteur hors pair qui pulvérise les tabous. Conventions littéraires oubliées, limites de la narration repoussées… Ici, même la mort d’un héros peut prêter à sourire.
Descendre à l’Hôtel New Hampshire n’a cependant rien d’anodin : perte, sexualité et famille dysfonctionnelle sont abordées sans fard. Mais on garde de ce voyage romanesque un souvenir nostalgique et savoureux de folie douce mâtinée de chantilly viennoise.
L’Hôtel New Hampshire, John Irving, Seuil, 572 p., 25,90 €.
9 – Rio à la dérive
Un meurtre épouvantable est commis dans une pension du quartier populaire de Lapa, à Rio de Janeiro. Les pensionnaires sont soupçonnés. Un flic peu recommandable mène l’enquête. Mais qui a bien pu se livrer à ces mutilations aussi étranges ? Frei Betto, dominicain et conseiller spirituel de Lula, profite du format polar pour éclairer les ombres du Pain de Sucre.
Il connaît bien le terrain. Ce militant et intervenant social a été emprisonné durant la dictature et la galerie de portraits/suspects (journaliste, apprentie comédienne, policier, transsexuel, enfants des rues…) est à rebours de l’image de carte postale de Rio.
En semant des indices au fil des pages, il présente une vision autrement plus poisseuse, et hyperréaliste, de la mégapole. En fait, seuls l’amour et la sensualité semblent offrir un horizon d’espoir aux pensionnaires d’une cité à la dérive. Une plongée en apnée sans concession au plus profond du Brésil contemporain.
Hotel Brasil, Frei Betto, L’Aube, 336 p., 9,60 €.
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