The Good Business
The Good Life a rencontré Zhou Jiangong, CEO et rédacteur en chef du China Business News, le tout premier journal privé sur l'économie chinoise.
The Good Life a posé 5 questions à Zhou Jiangong, l’homme à la tête du journal chinois qui s’octroie la liberté de parole… sans jamais froisser la censure.
The Good Life : Dans quel contexte votre journal a-t-il été créé ?
Zhou Jiangong : Le China Business News est né en 2004. A l’époque, la Chine n’avait pas de grand quotidien économique et financier, or son économie avait déjà atteint une taille critique. Certes, il y avait bien quelques magazines ainsi que des journaux spécialisés, mais ils étaient tous contrôlés par le gouvernement ou par le Parti communiste chinois (PCC). Le China Business News a été le tout premier journal privé sur l’économie chinoise, basé à Shanghai. A cette époque, la municipalité avait déjà décidé de se positionner comme un centre international dans quatre domaines : la finance, le commerce, l’économie et le transport. Il fallait donc qu’elle ait aussi son journal économique, un quotidien qui soit un peu l’équivalent local du Financial Times ou du Wall Street Journal.
TGL : Quelle est votre force par rapport à vos concurrents ?
Z. J. : Parce que notre siège est à Shanghai, je pense que nous sommes plus internationaux que le Quotidien économique du XXIe siècle, notre concurrent de Canton. Shanghai étant un centre financier mondial, nous sommes obligés de couvrir la finance de tous les points du globe. Par exemple, nous avons des correspondants à New York, Londres, Tokyo, Hong Kong et Singapour. Auparavant, nous avions mêmes des journalistes à Moscou et à Paris. Deuxièmement, nous sommes très spécialisés. Nos lecteurs sont des investisseurs, des hauts fonctionnaires, des économistes. Dans notre équipe, il y a des économistes de formation ou des journalistes avec un background international. Certains, comme moi, ont fait des études à l’étranger, puis sont revenus en Chine. En mandarin, on nous appelle les haigui, les tortues de mer… Enfin, nous avons mené des enquêtes d’investigation sur des scandales dans des sociétés chinoises qui ont eu beaucoup d’impact.
TGL : Quels sont vos challenges, aujourd’hui, en tant que rédacteur en chef ?
Z. J. : Les challenges sont surtout d’ordre économique et technologique, avec le ralentissement de l’économie chinoise et la puissance de l’Internet mobile. Cela a impacté nos recettes publicitaires. Cette année, notre journal va peut-être passer dans le rouge et devenir déficitaire pour la première fois depuis dix ans. Pour vous donner une idée, nos revenus publicitaires ont baissé de 50 % par rapport à 2012. Mais attention, je ne parle que du quotidien, car nous compensons avec nos activités sur le numérique. Le second phénomène, c’est le raz‑de‑marée des smartphones. Du coup, les lecteurs qui lisent et achètent le journal papier sont de moins en moins nombreux.
TGL : Justement, pouvez-vous nous parler de votre stratégie sur le numérique ?
Z. J. : En Chine, les journaux privés sont très récents, ils n’existent que depuis vingt ou trente ans à peine. Par conséquent, ils ont moins bien résisté qu’ailleurs à la vague soulevée par Internet et les nouveaux médias. Aujourd’hui, en plus de notre site web, nous avons également notre propre application. Nous utilisons aussi les réseaux sociaux chinois, en particulier Weibo [le Twitter chinois, NDLR ] et WeChat [l’équivalent chinois de WhatsApp, plus de 800 millions d’utilisateurs, NDLR]. Ce sont ces plates-formes qui désormais nous apportent des revenus publicitaires. Chaque jour, notre site compte 4 millions de pages vues !
TGL : Votre site Internet est gratuit pour l’instant. Pensez-vous instaurer un système payant ? Ou bien arrêter le journal papier pour ne faire que du web ?
Z. J. : En Chine, la compétition entre les journaux est très féroce. Alors, un modèle payant… C’est difficile à imaginer pour l’instant. Quant à arrêter le print, je pense que cela n’arrivera pas. Même si, cette année, tant de journaux à Shanghai ont cessé de paraître ! Et cela va probablement continuer en 2017. La mairie attache tellement d’importance aux nouveaux médias qu’elle a accepté de condamner des journaux dans lesquels elle avait elle-même investi. Mais le China Business News ne va pas fermer. Nos lecteurs sont fidèles et nos abonnements sont stables. C’est la première chose. Ensuite, en Chine, beaucoup pensent que les articles parus dans le journal papier ont plus de crédibilité que ceux publiés sur le web. Par exemple, les hauts fonctionnaires chinois préfèrent lire le journal en print. Donc, nous allons continuer, avec des articles de fond, des tribunes, tout en améliorant nos infographies et le design du journal.