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Les griffes de luxe et d’horlogerie ne sont pas simplement portées : elles sont aussi chantées. Rolex, Cartier ou Audemars Piguet se scandent au même titre que Louis Vuitton, Prada ou Versace. Des preuves d’amour autrefois spontanées, aujourd’hui encadrées par de solides accords commerciaux.
« Bébé, j’aime pas ton ex, mais j’kiffe sa Rolex / Sa haine j’la gère avec ma Jaeger, mais j’lui f’rais pas de quartiers avec ma Cartier / Faut qu’il s’taille, ou dans sa face ma Panerai. » Vous ne connaissez pas ce tube de la rentrée ? Normal, il n’existe pas. Ou du moins, pas encore… Car en matière de rap et de pop, la haute horlogerie est omniprésente, au même titre que le luxe en général.
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Jay‑Z, le précurseur
Le phénomène n’est pas nouveau. En 2005, Audemars Piguet se rapproche de Jay‑Z pour une édition limitée de sa Royal Oak Offshore « Jay‑Z » de 100 pièces célébrant le 10e anniversaire de la star en musique. Le chiffre 10 est serti de diamants et chaque montre est accompagnée d’un iPod préchargé de la totalité de sa discographie.
Ce joli coup marketing est signé François‑Henry Bennahmias, alors patron d’Audemars Piguet aux États‑Unis. Il deviendra par la suite CEO de la manufacture, qu’il propulsera au panthéon des rares marques milliardaires (en chiffre d’affaires). Jay‑Z qui, à lui seul, pèse 2,5 milliards de dollars (estimation Forbes 2023) a plusieurs fois renvoyé la balle à Audemars Piguet dans ses textes, comme dans Off That (2009) : « I’m so tomorrow the Audemars says yesterday. »
Trio de tête dans le monde du rap de luxe
La réalité des ventes horlogères se transpose dans l’univers de la musique avec une troublante proximité. Ainsi, le trio de tête des marques les plus courues et cotées que sont Rolex, Patek Philippe et Audemars Piguet sont aussi parmi les plus citées en musique, selon le site spécialisé Lyrics.com : Rolex (12974 mentions), Patek Philippe (12358 mentions) et, plus loin, Audemars Piguet (4836 mentions), devancé par le joaillier Cartier (12424 mentions).
Dans les marques françaises, Dior et Chanel se taillent la part du lion. Le luxe à la française a toujours le vent en poupe, de la montre à la haute couture, en passant par le champagne. Le luxe reste donc une cible de prédilection pour les artistes de rap.
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S’y côtoient des rappeurs de seconde zone, des stars du hip‑hop et bon nombre d’artistes français de dernière génération épris de Louis Vuitton, comme Sofiane (« Il va pas durer longtemps, ça il le sait / En Louis Vuitton propre, le sale il le fait », 2017) ou Damso (« Gilet blanc taché d’sang, caché dans casier d’adolescent/Cardigan, Louis Vuitton pour deux francs, montant d’fabrication », 2018).
Pour ces artistes et tous les autres, il s’agit d’occurrences textuelles par milliers, radiodiffusées par millions, et l’impact publicitaire, bien qu’indirect et parfois d’un goût discutable, est colossal. Il est d’ailleurs à double sens : si la marque profite de la notoriété de l’artiste, l’inverse est également vrai.
Échange de bons procédés
Dans son dernier album (Renaissance, 2022), Beyoncé ne cite pas moins de 15 marques différentes – jolie performance pour un album qui ne compte que 16 pistes. Avec une mention spéciale pour le titre éponyme, véritable revue de détail du dressing de l’artiste: « Need it/ Versace, Bottega, Prada, Balenciaga, Vuitton, Dior, Givenchy, collect your coins, Beyoncé. »
Depuis qu’elle est devenue le visage de Tiffany & Co. en 2021, Beyoncé a également inclus la marque à plusieurs reprises dans sa musique. Elle est en pole position dans Alien Superstar ainsi que Heated, chanson dans laquelle elle dit : « Got a lot of style, got a lot of Tiffany on me. »
Échange de bons procédés entre une marque de luxe et une artiste dont le mari n’est autre que… Jay‑Z. Et LVMH, qui a récemment acquis Tiffany & Co., a, en retour, pris 50 % des parts chez Armand de Brignac, la marque de champagne de Jay‑Z. Le family business ne s’est jamais aussi bien porté qu’entre deux disques de platine.
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