Musique
The Good Culture
C'est la première webradio indépendante de France. Son nom ? Radio Meuh.
Une radio 100 % musicale qui joue la carte du terroir et connaît un rayonnement national ? C’est tout le paradoxe du succès de Radio Meuh, devenue, en quinze ans, la première webradio de France, depuis son studio de La Clusaz, en Haute-Savoie.
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Une success-story à la française
La formule ferait certainement sourire Philippe Thévenet, fondateur, en 2007, de Radio Meuh, média en ligne de musique continue qu’il dirige depuis La Clusaz. Loin des pépites de la tech que nous jalouse la Silicon Valley, son projet associatif a nécessité beaucoup de nuits blanches et de débrouille pour assurer sa viabilité économique.
Non seulement cette radio permet à son fondateur de vivre de sa passion de la musique sans avoir à quitter son village de Haute-Savoie, mais en plus elle s’est imposée en tant que première webradio indépendante de France, creusant son sillon entre les ondes à l’ancienne et les offres de streaming.
Bientôt quinquagénaire, Philippe Thévenet a traversé l’adolescence à l’époque où les musiques se découvraient dans la presse spécialisée, sur la bande FM, et chez le disquaire. Le mystère des artistes aux noms Radio Meuh au pic de la musique Une radio 100 % musicale qui joue la carte du terroir et connaît un rayonnement national ?
C’est tout le paradoxe du succès de Radio Meuh, devenue, en quinze ans, la première webradio de France, depuis son studio de La Clusaz, en Haute-Savoie. par pascal bertin cochés dans les colonnes des Inrockuptibles ou de Rock & Folk, l’attente de pouvoir dénicher tel ou tel disque quand on vit dans un village de montagne… tout concourait à une quête permanente de la nouveauté.
« Gamin, je me faisais des compilations sur cassettes en enregistrant la radio, se souvient-il. Puis je suis devenu un gros consommateur de CD. Mais à La Clusaz, on manquait de FM musicales intéressantes, sauf les jours où il faisait beau et qu’on arrivait à capter la radio suisse Couleur 3 ou Nova chez des copains qui avaient le satellite ! »
Des passionnés de musique
Vient alors l’heure pour Philippe de se décider sur une voie professionnelle. Travailler dans la musique, oui, mais comment faire quand on ne veut pas quitter la Haute-Savoie ? Après avoir abandonné l’idée de lancer sa propre station FM, solution coûteuse et complexe d’un point de vue administratif, la démocratisation d’Internet et l’arrivée du haut débit lui sourient.
« On a attendu d’avoir un serveur à un prix abordable pour le streaming et on s’est lancés en 2007. Radio Meuh a été l’une des premières webradios, née la même année que l’arrivée de YouTube en France ! »
De la musique et rien que de la musique en continu, 24 heures sur 24. Son concept est clair comme de l’eau de source de montagne, reflet généreux de l’étendue des goûts de Philippe et de ses copains. « Nous sommes plus des passionnés de musique que des gens de radio. Nous n’avions, de toute façon, pas les moyens de réaliser des émissions. »
Philippe numérise sa collection de CD et en tire des playlists disco funk qui forgent l’identité de l’antenne. Autour de cette base, la ligne s’élargit à la pop, la folk, la world music, la house… « Dès le début, la programmation a été pensée en fonction des heures de la journée. Cela a fait la différence pour les auditeurs. »
Partie de zéro, la radio connaît une augmentation régulière de son trafic, dépassant sa commune, son département, sa région, puis trouvant un écho national à son offre garantie sans blablas. « Nous avons bénéficié d’un bon bouche-àoreille, en particulier grâce aux saisonniers qui parlaient de nous en rentrant chez eux, à quoi s’est ajouté l’impact des réseaux sociaux sur lesquels les auditeurs nous partageaient. »
Un excellent référencement par les portails de webradios a renforcé sa visibilité. À la présence sur le web s’est ajoutée l’application pour smartphone qui a encore élargi le potentiel d’écoute et son auditoire.
Un festifal et des DJ-sets
Gratuite et sans publicité, Radio Meuh n’avait que peu de sources de revenus. Philippe Thévenet a profité des portes ouvertes par sa marque pour la représenter dans les soirées où il joue comme DJ. Depuis 2010, il se produit à un rythme effréné – encore deux week-ends par mois actuellement – aux quatre coins de la France, offrant au public ce bon groove qui a fait la réputation de sa radio.
En 2012, le partage de sa bonne parole musicale en live prend une nouvelle dimension avec le Radio Meuh Circus Festival, une petite semaine de concerts et de DJ-sets organisée au printemps dans La Clusaz.
La reconnaissance de la marque à l’échelle nationale est validée en 2015 par l’arrivée sur ses ondes du DJ Laurent Garnier pour une émission mensuelle qui élargit l’antenne à l’électro et à la techno, et attire un nouveau public. À tel point qu’en 2023 Radio Meuh se classe première webradio de France en nombre d’écoutes.
C’est même à Paris qu’elle réalise ses meilleurs scores, en particulier grâce aux boutiques, bars et restaurants qui la diffusent. Un vrai paradoxe pour un projet dont le nom, le logo à la vache et le slogan – « Enjoy music from Reblochonland » – jouaient la carte du local, mais se sont révélés être des choix payants grâce à un sens du marketing involontairement redoutable.
Cette bonne humeur alliée au plaisir revendiqué des valeurs du terroir imprègne les éléments de communication du média et de son festival, tranchant avec le sérieux des radios installées autant qu’avec la froideur des plates-formes de streaming.
Du sérieux, il en faut toutefois pour assurer la pérennité d’une entreprise fondée sous forme associative et transformée en société en 2019, afin de se donner les moyens de ses indispensables développements et ne plus faire reposer l’affaire sur le seul Philippe Thévenet. Au point même que la publicité y a fait une discrète apparition et que des offres d’abonnement sont désormais proposées avec divers avantages aux adhérents.
Que les amoureux de la vache de Radio Meuh se rassurent : si elle a conquis le cœur et les oreilles de l’Hexagone, les alpages où s’ébattre sur les hauteurs de La Clusaz suffisent à son bonheur.
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