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Pour son quatrième show-car nostalgique développé dans le cadre d’une collaboration, Renault a choisi le designer Ora ïto. Objectif : réinterpréter la R17 en un objet rétrofuturiste et élégant. Un destin inattendu pour le coupé populaire né en 1971, qui connaîtra un nouveau jour au Mondial de l’Auto 2024. Ses créateurs nous ont expliqué leur démarche.
Nostalgiques de ces coupés 4 places populaires de l’époque, basés sur de bien peu sportives familiales, on se souvient notamment de la Renault 12, qui donna naissance aux demi-jumelles R15 et R17 — un style qui ouvrit plus tard la voie à la Fuego (basée sur la R18) pour les années 80.
Plus de 92 000 exemplaires de la R17 furent ainsi produits entre 1971 et 1979. Ses lignes évoquaient (un peu) les muscle cars américaines, bien que dans des dimensions et avec des motorisations certes bien plus modestes (108 ch au maximum, même en version siglée Gordini, alors le label de sport de la marque au losange). Sous la direction de Gaston Juchet, de nombreux détails faisaient de la R17 une voiture pleinement ancrée dans son époque avec ses couleurs pop, son bouclier chromé entourant la calandre à 4 phares ronds, les jalousies latérales ou encore, à l’intérieur, les 4 fûts de compteurs ou son volant tulipé.
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Une série de concepts design et artistiques
Renault a lancé ces dernières années une série de collaborations avec des artistes et designers pour revisiter son passé. Ainsi, la 4L revue par Mathieu Lehanneur s’est transformée en « chambre d’hôtel à ciel ouvert » en 2021, puis Pierre Gonalons s’est amusé à sublimer la R5 originelle en bijou ludique avec sa R5 Diamant toute de rose vêtue, tandis que la designeuse néerlandaise Sabine Marcelis a imaginé une version minimaliste et futuriste de la première Twingo l’an passé, toute en surfaces translucides. Voici donc venu le tour de la R17, présentée à la Maison5 jusqu’au 11 septembre, avant de parader au concours Chantilly Arts & Elegance Richard Mille du 12 au 15 septembre, puis de trôner sur le stand Renault du Mondial de l’Auto de Paris du 14 au 20 octobre.
Pour Ora ïto, c’est une première fois : le designer polyvalent avait bien dessiné des vélos, tramways, métros, mais jamais d’auto. Alors, pour repenser ce modèle qui était dans le paysage avant sa naissance, il a dû commencer par s’en imprégner, le comprendre, un travail peut-être plus compliqué que s’il s’agissait d’une carte blanche totalement libre. Ici, il fallait partir d’une voiture existante avec toutes ses contraintes et voir quelles étaient les possibilités d’intervention avant de se lancer dans une réinterprétation en style restomod. Autrement dit, une injection d’esthétique contemporaine dans une voiture ancienne, dans l’esprit du fameux spécialiste californien Singer, connu pour ses sublimes Porsche anciennes transfigurées. « J’ai cherché à comprendre l’identité de cette voiture et comment la faire fonctionner dans mon univers, mon alphabet volumique », explique Ora ïto. « Elle me faisait penser à un requin, je suis très inspiré par la nature et pour moi, le requin, c’est un des plus beaux objets de design qui existe. » Un bon début.
S’en est suivi un travail à quatre mains avec les équipes de Renault, sous la responsabilité de Sandeep Bhambra, responsable du design avancé, pour un projet concentré en seulement une dizaine de mois. Un gros effort a été fait sur les proportions pour cette auto très étroite. Elle a ainsi été élargie de 17 cm, son empattement (l’espace entre les roues avant et arrière) a gagné 10 cm, allongeant le capot pour mieux équilibrer l’ensemble, tandis que la suspension a été surbaissée et le coupé est assis sur de grandes roues de 19 pouces avec des pneus plus larges à l’arrière. Finie, l’impression fluette d’origine. Les portières et les vitrages restent, et un véritable body kit en carbone vient muscler le tout, mais sans tomber dans la démesure. « Il fallait vraiment trouver la bonne proportion pour que ça ne fasse pas voiture de rallye. Ce qui était important pour moi, c’était d’apporter beaucoup d’élégance à cette voiture, une notion de luxe qui lui redonne ses lettres de noblesse », commente Ora ïto.
Less is more
Tous les éléments superflus ont été éliminés un par un, lissés, au point qu’en regardant les photos studio de l’auto, on a l’impression de voir des images 3D. L’objectif : ramener l’objet à son essence même. « J’ai voulu rendre l’auto la plus intemporelle, la plus pure, qu’en un coup d’œil on puisse en identifier les points forts. On y retrouve l’ensemble du vocabulaire que j’ai pu développer à travers tous les objets que j’ai créés pendant 25 ans », explique Ora ïto. Ainsi, les jantes pleines striées de sillons rappellent un flacon de parfum signé du designer, et la forme carrée aux coins arrondis des passages de roues évoque la géométrie typique de ses créations. Le choix d’une couleur spéciale, Brun galactique, très pailletée comme un ciel étoilé, contribue fortement à l’élégance du projet.
La sportivité esthétique de l’auto se retrouve d’ailleurs dans les qualités dynamiques de ce concept unique, mais roulant. Le 4 cylindres avant a été troqué pour un moteur électrique arrière qui fait de la R17 electric restomod une propulsion, promettant d’être autrement plus ludique avec sa puissance de 270 ch et ses trains roulants modifiés. Dommage, elle est plutôt faite pour briller sur les podiums que pour battre des records de piste.
Intérieur : esprit mobilier
« En entrant dans l’habitacle, on a l’impression de pénétrer dans une capsule spatio-temporelle où on ne sait plus si on est dans le monde réel ou le monde virtuel », s’amuse Ora ïto. « Il y a un côté vraiment cinématographique ici, comme dans le film *Bienvenue à Gattaca*. Cette voiture-là est tellement épurée qu’on a l’impression qu’on est dans un futur imaginé il y a des années… », renchérit Sandeep Bhambra. Pour Ora ïto, les références cinématographiques ici sont plutôt de l’univers de Moonraker ou même Austin Powers.
En tout cas, c’est le fruit d’un travail qui laisse la part belle au soin du détail : « J’ai isolé chaque partie pour la travailler comme un petit objet, avec ce niveau de détail, mais qui donne toute sa force à cette voiture. » La laine bouclée, les tissus en tons beiges et marrons, l’ambiance y est en tout cas, soulignée par les petits écrans façon high-tech rétrofuturiste aux affichages customisés. Le souci du détail, toujours, pour plonger dans une ambiance unique. Qui aurait cru que la R17 pourrait être aussi cool un jour ?
Site internet de Renault
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