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N’en déplaise aux Cassandre et autres tenants du système monétaire traditionnel, le bitcoin continue de séduire de part et d’autre de la planète. Et, malgré l’émergence de nouvelles monnaies virtuelles, il représente à lui seul 50 % de la capitalisation de l’ensemble des cryptomonnaies.
Après avoir atteint un plus haut historique en novembre 2021, le cours du Bitcoin s’est brutalement replié. En mai 2022, il descendait sous la barre symbolique des 30 000 dollars, essuyant une perte de près de la moitié de sa valeur en six mois. Une volatilité forte qui n’a pas échappé aux sceptiques du bitcoin arguant qu’il fallait mieux se tenir à l’écart de la cryptomonnaie née en 2009.
Reste que, partout dans le monde, le bitcoin gagne du terrain. Selon une étude de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan) et KPMG France, 10 % des Français détiennent actuellement des cryptomonnaies. Un chiffre à mettre en regard des 7 % de Français détenteurs d’actions. En Europe, les taux de détention de cryptomonnaies sont plus élevés encore : 14 % de la population aux Pays-Bas, 12 % au Royaume-Uni et 11 % en Italie et en Allemagne. Outre-Atlantique, un Américain sur six aurait déjà acheté ou utilisé des cryptomonnaies.
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Le Bitcoin, une alternative à l’hyperinflation
Si l’Européen et l’Américain moyens s’emparent du bitcoin à des fins d’investissement dans une stratégie de diversification de leur épargne, le bitcoin sert de monnaie refuge dans d’autres pays. C’est le cas, par exemple, au Nigeria, pays où la monnaie subit des dévaluations rapides et brutales. « Il faut bien avoir à l’esprit que, face à une monnaie instable, le bitcoin reste un véritable refuge. On estime qu’entre un tiers et
50 % des Nigérians possèdent actuellement des bitcoins. C’est particulièrement significatif dans un pays où le taux de bancarisation n’excède pas 5 % », souligne Alexandre Stachtchenko, cofondateur et directeur de Blockchain Partner. Au top trois des pays qui détiennent le plus de bitcoins se trouvent l’Inde, le Nigeria et le Viêtnam.
Il explique : « Pour comprendre cet engouement, il faut se poser la question du problème que résout le bitcoin. Contrairement aux monnaies traditionnelles, qui sont des créances, le bitcoin n’a pas de contrepartie. Posséder du bitcoin signifie donc détenir de la valeur sans dette associée. Par ailleurs, la proposition de valeur technique du bitcoin est celle d’un modèle monétaire fini : il n’y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins. En ce sens, le bitcoin s’apparente à l’or ou aux métaux précieux. Si, pendant la période du Covid, la base monétaire a doublé, le bitcoin est resté un outil monétaire non manipulable. »
Ainsi, si avoir un modèle monétaire alternatif n’est pas une priorité pour des utilisateurs de monnaies stables, la cryptomonnaie devient un refuge dans des pays sujets à l’hyperinflation, tels que le Liban, l’Argentine, le Zimbabwe, le Nigeria ou encore le Venezuela. « Dans ces cas, le bitcoin a une vraie utilité pour la population locale », explique Thomas Romain, Senior Partnership Manager chez Bitpanda. De fait, chaque événement qui crée de la défiance dans le monde bancaire crédibilise la proposition de valeur du bitcoin.
Les banques restent à l’écart
À l’image des marchés financiers, le cours du bitcoin est sujet à fluctuations. Un simple tweet d’Elon Musk peut influencer les cours, de même que des grands mouvements à la vente ou à l’achat opérés par des acteurs de poids sur le marché. Par ailleurs, le grand événement aujourd’hui tant attendu et redouté par les adeptes du bitcoin est le « Bitcoin Halving », qui devrait advenir en mars 2024.
« À cette date, la récompense pour le minage de bitcoin sera divisée par deux. Elle sera de 3,25 par bitcoin contre 6,5 auparavant. Le minage va donc devenir moins lucratif, ce qui soulève une question de taille : y aura-t-il encore des volontaires pour le faire ? » s’interroge Thomas Romain.
Pour l’heure, sur les 21 millions de bitcoins, 19,5 ont été minés. En engendrant de la rareté, la fin du minage pourrait avoir pour effet de dynamiser davantage encore le marché de la cryptomonnaie. Si, à ses débuts, en 2013 et 2014, la monnaie virtuelle était ainsi perçu comme un gadget pour geeks, il est désormais scruté de près par les professionnels de la finance.
Aux États-Unis, des acteurs tels que BlackRock se sont d’ores et déjà positionnés sur les cryptomonnaies. Certains fonds européens se penchent sur le sujet et étoffent progressivement leur offre, tentant ainsi d’ajouter des tiers de confiance dans un système basé sur l’absence d’intermédiaires.
Les banques traditionnelles et particulièrement les banques françaises et européennes restent à l’écart. Tout au plus s’emparent-elles de la blockchain, cette technologie sous-jacente au bitcoin qui permet d’ajouter une brique intermédiaire et donc la possibilité de création de valeur.
« C’est un peu à l’image du Minitel dans les années 90. En créant leur blockchain, les banques utilisent un système fermé. Avec plus de 90 % de la population bancarisée en France et en Europe, les établissements traditionnels n’ont finalement aucun intérêt à innover », conclut Alexandre Stachtchenko.
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