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Entre les divers labels, les textes de loi sur la surconsommation et les nombreuses griffes à se réclamer de l’industrie de la mode circulaire, difficile de faire le tri. Justement, The Good Life vous propose le guide ultime du consommateur.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Maintes fois détournée, cette citation du chimiste français Antoine Lavoisier s’applique à la perfection à la mode circulaire. À contre-courant de l’ultra-fast fashion, cette dernière s’impose aujourd’hui comme un début d’élément de réponse à celles et ceux qui se demandent comment mieux consommer.
Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux. Selon la dernière étude en date du Boston Consulting Group (BCG) et du site de seconde main Vestiaire Collective, la valeur estimée du marché d’occasion frôle en 2022 les 120 milliards d’euros et représente près de 3 à 5% de l’ensemble du secteur de l’habillement, des chaussures et des accessoires. En 2028, ce marché pourrait même dépasser celui de la fast-fashion. Pour autant, la mode circulaire reste encore un concept flou, quand bien même de plus en plus d’acteurs de l’industrie textile s’emparent du sujet. Explications.
En 2028, le marché de la mode dite ‘circulaire’ pourrait dépasser celui de la fast-fashion.
Trois grands piliers pour la mode circulaire
Comme tout ce qui touche à l’économie circulaire, la mode circulaire se construit autour de trois grands piliers : le réemploi, la réutilisation, et le recyclage. Plus simplement, elle repose sur l’idée que rien ne doit être jeté, mais plutôt injecté dans un nouveau circuit, avant d’être transformé pour être utilisé de nouveau, créant ainsi un cercle vertueux. « La mode circulaire est un modèle en opposition avec la mode linéaire (j’achète, je consomme, je jette). Sa vocation est de préserver les ressources et de prolonger au maximum la durée de vie du produit », expliquent Camille Mère et Sonia Tarkhani, respectivement Responsable Achats évènementiels, Projets spéciaux et Mode circulaire et Acheteuse Mode circulaire aux Galeries Lafayette.
Une mode zéro déchet, en somme, qui implique tous les acteurs de l’industrie, à commencer par les fournisseurs de matières premières. Ainsi de Nona Source, plateforme née en 2017 au sein du programme entrepreneurial de LVMH, qui se veut un « un tremplin pour les jeunes créateurs et marques émergentes, en les connectant aux ressources qui dorment dans les entrepôts des maisons de luxe », explique Romain Brabo, son co-fondateur. En fournissant à la génération mode de demain denim, popeline de coton, ou drap de laine à des prix défiant toute concurrence, Nona Source permet ainsi de « favoriser la circularité intra-secteurs ».
« Le sujet majeur pour arriver à rester dans une boucle fermée, c’est celui de l’éco-conception : on doit être capable de créer en amont des produits dont on ne perd pas la composition, qui sont traçables, recyclables facilement etc. », précise Romain Brabo. Puiser dans les innombrables stocks dormants de l’industrie de la mode ou récupérer les chutes de matières dont elle ne veut plus est aujourd’hui le mantra de bon nombre de nouveaux labels, à l’instar de Salut Beauté et Maison Cléo, deux griffes françaises de prêt-à-porter féminin qui ont fait le pari – réussi – de l’éco-responsabilité.
Il fallait bien, pour représenter tout ce beau monde, un organisme dédié à la mode circulaire, tout comme il existe une Fédération de la Haute Couture et de la Mode. Fondée en avril 2022 et présidée par Maxime Delavallée, également fondateur de la plateforme de revente de seconde main CrushON, la Fédération de la Mode Circulaire (FMC) réunit déjà près de 200 acteurs de l’industrie de la mode, tous secteurs confondus (production, consommation, distribution…). « La circularité fait partie de la mode du futur », avance Camille Greco, secrétaire générale de la FMC et co-fondatrice de CrushON. « Il n’existe pas aujourd’hui une industrie chiffrée ou une vraie définition de ce qu’est la mode circulaire, mais il faut créer les cadres de cette industrie », poursuit-elle.
Avec, comme point de départ, la définition de 15 mesures présentées en septembre 2022 dans le Programme Commun pour la Mode Circulaire. Soutenir les industriels du tri, de la réparation et du recyclage, lancer un grand programme d’état de sensibilisation à la mode circulaire… Des mesures simples que la FMC s’emploie désormais à pousser auprès des pouvoirs publics.
Transparence, traçabilité et initiatives
Reste aujourd’hui à informer et accompagner le consommateur, qui, dans le grand bain de la mode circulaire, navigue parfois à vue. « Il y a encore des problèmes de compréhension », confirme Camille Greco. « Tous les consommateurs ne sont pas encore sensibilisés à la seconde main, il y a encore des préjugés quand on parle de matériaux recyclés, que l’on n’associe pas forcément au luxe… »
Pour autant, une étude de la plateforme Invibes sur le rapport des Français à l’économie circulaire révèle que 78% d’entre eux « pensent que les marques devraient encourager les consommateurs à se tourner davantage vers une consommation durable. » 69% des consommateurs attendent également des marques « qu’elles communiquent davantage sur leurs engagements. »
Lancée en 2015 à Londres, la marque de prêt-à-porter Raey n’a pas attendu le boom de la mode durable pour faire connaître son engagement en faveur d’un impact écologique et social réduit. Utilisation de fibres recyclés, recours à des fabricants en circuit fermé, choix de matériaux écologiquement responsables… Le label britannique coche toutes les cases de la mode circulaire, qui fait aujourd’hui de la traçabilité l’un des nombreux fondements de son système.
Vers un label national de la mode circulaire ?
« Pouvoir permettre de tracer la provenance d’un vêtement, savoir qui l’a cousu, qui l’a créé, est clairement un argument marketing important, qui permet enfin de donner aux consommateurs une information claire sur ce qu’ils achètent », confirme Camille Greco. De l’autre côté des Alpes, la maison italienne Zegna (photographie à la une, ndlr) vient ainsi de s’engager pour « un cachemire entièrement traçable d’ici 2024 ». « Nous continuons de renforcer notre engagement en faveur d’un approvisionnement responsable », explique la griffe dans son communiqué de presse, précisant qu’un QR code a été inclus dans l’ensemble de ses vêtements pour « décrire le parcours intégral de la collection cachemire. »
Y aura-t-il bientôt un label commun à toutes ces initiatives ? C’est ce que souhaite la Fédération de la Mode Circulaire, qui espère que l’État français prendra un jour la décision de créer un label national de la mode circulaire.
En attendant, c’est vers les commerçants qu’il faudra se tourner pour trouver la perle rare. À l’instar des Galeries Lafayette, qui, depuis 2018 et via la dénomination « GO FOR GOOD », met en avant dans ses magasins une sélection de produits plus responsables. Le groupe a depuis ouvert un espace dédié à la seconde main dans son adresse du boulevard Haussmann à Paris, un espace de réparation aux Galeries Lafayette d’Annecy, ainsi qu’un service de revente actuellement en test dans cinq des magasins de son réseau. De quoi ouvrir au plus grand nombre les portes de la mode circulaire.
M.K
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