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L’histoire des parfums made in France est jalonnée de légendes. Des créations pionnières au retentissement international qui ont marqué les esprits de leur époque… et teinté l’air du temps.
N° 5, Chanel, 1921
C’est un mythe absolu des parfums « made in France » qui fête ses 100 ans cette année. « Parfum de femme à odeur de femme » signé Ernest Beaux pour Gabrielle Chanel, N° 5 a bâti son succès sur une audace : une proportion inédite d’aldéhydes. Assez nouvelles à l’époque, ces molécules de synthèse à l’odeur montante et métallique floutent les contours d’un bouquet de jasmin, ylang ylang et rose et le propulsent dans une abstraction magistrale et novatrice. En le baptisant de son numéro fétiche, Gabrielle Chanel a offert à N° 5 un nom qui se passe de traduction. Inspiration d’une liste interminable d’autres créations, le parfum le plus vendu au monde demeurait, fin 2019, n° 6 en France, n° 5 en Chine et n° 9 aux États Unis. Un produit de sa gamme se vend toutes les 5 secondes dans le monde… C’est ce qu’on appelle une légende vivante. www.chanel.com
Pour un Homme de Caron, Caron, 1934. C’est peu dire que le tout premier parfum vendu comme « masculin » de l’histoire a fait date. Outre cet éclair de génie marketing, le parfumeur et fondateur de Caron, Ernest Daltroff, a imaginé un sillage révolutionnaire en mariant la lavande, fraîche et vivifiante, traversée de connotations viriles, et la vanille, plutôt associée aux compositions féminines… Entre force et douceur, puissance et retenue, Pour un Homme de Caron est devenu la signature de célébrités, de Jacques Chirac à James Dean, Hedi Slimane, Tom Ford ou encore Serge Gainsbourg, qui lui a même dédié une chanson. Comptant parmi les rares floraux masculins du marché, le best-seller de Caron demeure une icône française, et s’exporte jusqu’en Arabie saoudite, où le roi, paraît il, en est friand.
Habit Rouge, Guerlain, 1965
Au début des années 60, peu de parfums masculins osaient encore s’aventurer sur le territoire olfactif d’une sensualité qu’on réservait aux femmes. Et puis Habit Rouge est arrivé. Inspiré par l’univers équestre, son sillage marie des notes de cuir et de sous bois à un cœur floral soutenu par un accord ambré somptueux, riche et velouté. Premier grand oriental masculin de l’histoire, il a ouvert la voie à une virilité qui ne renie pas une certaine volupté. Sean Connery, Keith Richards ou encore Robert Redford ont compté parmi ses adeptes, contribuant à incarner dans leurs contrées sa séduction et son raffinement très français. www.guerlain.com
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Eau Sauvage, Dior, 1966
Cinquante cinq ans après son lancement, il demeure l’un des grands favoris des Français, mais aussi des Italiens. Il faut dire qu’Eau Sauvage est l’œuvre d’un parfumeur considéré comme le plus grand du siècle dernier : Edmond Roudnitska. Et que sa composition respire une beauté simple, évidente, qui transcende les cultures et les modes. L’attaque est fraîche, très propre, mêlant des agrumes à un bouquet de notes aromatiques façon eau de Cologne. Puis le sillage se fait chypré, installant à renfort de patchouli et de vétiver un chic séducteur. À l’image d’Alain Delon qui s’est prêté à deux de ses campagnes publicitaires, ce parfum iconique incarne par delà nos frontières un summum d’élégance française.
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Kouros, Yves Saint Laurent, 1981
Les années 80 sont tapageuses et déjantées, leurs fragrances le sont aussi ! Chez Yves Saint Laurent, tandis que les femmes plébiscitent un parfum de scandale nommé Opium, les messieurs s’aspergent d’un sillage guère plus fréquentable. Car sous ses abords de fougère bien propre aux accents de lavande et de savon, Kouros dissimule des notes animales, bestiales, voire franchement sales. La légende raconte qu’Yves Saint Laurent avait souhaité recréer l’odeur des draps après une nuit d’amour… Pierre Bourdon, qui signa pour le couturier ce qui allait devenir un immense succès, expliqua qu’il s’agissait de « l’un des parfums les plus audacieux qu’il [lui] ait été donné de faire ». Les créateurs de l’époque en avaient une sacrée paire ! www.yslbeauty.fr
Le Mâle, Jean Paul Gaultier, 1995
Qui n’a pas déjà croisé le sillage, reconnaissable en un coup de narine, du best seller de Jean Paul Gaultier ? Signé par un jeune inconnu – un certain Francis Kurkdjian, devenu, depuis, célèbre –, Le Mâle réinvente l’accord viril par excellence, la « fougère », dont les notes de lavande et de coumarine évoquent immanquablement la mousse à raser. Le couturier voulait justement planter son premier masculin dans un décor de barbier. Tout le génie du parfumeur a été de moderniser cet archétype olfactif bien ancré dans l’inconscient collectif : menthe et anis pour la fraîcheur, muscs à gogo pour la douceur. Puissant et rassurant, ce parfum et son flacon à marinière, couillu à tout point de vue, se sont durablement imposés : à ce jour, 5 bouteilles s’en écoulent chaque minute dans le monde.
Philosykos, Diptyque, 1996
À Paris, les abords de l’an 2000 sentaient la figue… Il faut pour cela remercier la parfumeuse Olivia Giacobetti qui fut la première à travailler un accord mêlant les notes boisées du figuier aux accents verts de ses feuilles et aux tonalités lactées et sucrées de ses fruits. Enveloppé de muscs douillets, celui ci a donné naissance à Philosykos, un parfum que les initiés de Diptyque – marque encore confidentielle à l’époque – ont popularisé lentement, par le seul bouche à oreille (ou à nez, si vous préférez). Le thème de la figue, en revanche, a rapidement fait des petits : signature olfactive du concept store parisien Colette, il s’est répandu comme une traînée de poudre dans les fragrances du tournant du millénaire. Peut être parce qu’il conciliait une naturalité « clean » très années 90, tout en préfigurant l’ère du gourmand qui n’allait pas tarder à s’imposer. www.diptyqueparis.com
Terre d’Hermès, Hermès, 2006
Rares sont les parfums qu’on croise tous les jours, sur des hommes de tous âges et de tous milieux. Terre d’Hermès est de ceux là. Ce masculin – le premier du sellier parisien en près de vingt ans – s’est vite hissé en tête des podiums pour ne plus les quitter : il reste l’un des cinq masculins les plus vendus en France en 2020. La recette de son succès ? Un zeste de pamplemousse et de bergamote pour rafraîchir un sillage boisé aux accents fumés et cuirés, qui offre l’une de ses plus belles expressions contemporaines à un ingrédient emblématique des fragrances pour homme : le vétiver. Une signature immédiatement reconnaissable, composée par le très grand Jean Claude Ellena.
Géranium pour Monsieur, Éditions de Parfums Frédéric Malle, 2009
Lorsqu’elle tient ses promesses, la parfumerie indépendante offre de véritables alternatives à celle dite « mainstream »,souvent trop soucieuse de plaire au plus grand nombre pour se mouiller vraiment. À une époque où la niche commence à se populariser, Géranium pour Monsieur en offre la preuve par l’exemple. Signée par Dominique Ropion, complice de longue date de Frédéric Malle, sa composition ose l’utilisation franche d’une note de menthe dont les connotations bucco dentaires effraient généralement les marques et leurs créateurs. Ici, sa fraîcheur puissante constitue la porte d’entrée vers un accord floral et épicé mêlant le géranium à l’encens et aux muscs. Cachant derrière son originalité surprenante un classicisme sans fausse note, il demeure une valeur sûre chez l’éditeur de parfums parisien. www.fredericmalle.eu
Santal 33, Le Labo, 2011
Fin 2015, le New York Times Style Magazine publiait un article intitulé « That perfume you smell everywhere » (« ce parfum que l’on sent partout »). C’est un fait : de New York à Paris, Londres ou Los Angeles, personne n’a résisté à la déferlante Santal 33. Composé par Frank Voelkl, c’est un sillage boisé fumé et cuiré relevé de notes épicées. Un parfum puissant, mais pas envahissant, adopté par une flopée de célébrités, de Justin Bieber à Alexa Chung. Création phare de Le Labo, marque fondée en 2006 par deux anciens de L’Oréal et rachetée en 2014 par le groupe Estée Lauder, Santal 33 fait l’objet d’un véritable culte. C’est, sans conteste, l’un des plus grands succès d’une parfumerie confidentielle… plus aussi confidentielle que cela.
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