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O Globo, le quotidien des Cariocas
Rio de Janeiro, c’est 6,3 m d’habitants ; pourtant, la diffusion papier d’O Globo ne dépasse pas les 200 000 exemplaires.
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The Good Business

« O Globo » : Le quotidien des Cariocas

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A en juger par le dynamisme et la qualité de son édition numérique, à 91 ans, le grand quotidien de Rio de Janeiro ne se repose pas sur ses lauriers et mise résolument sur l’avenir. Le site du journal de référence des Cariocas reçoit 21 millions de visiteurs uniques par mois et, pour en séduire de nouveaux, il multiplie les applications originales.

En chiffres

Quotidien fondé le 26 juillet 1925 par Ireneu Marinho et détenu, au sein de la compagnie InfoGlobo (filiale du groupe de presse Globo) par ses trois fils João, Roberto et José. Ce groupe de médias est le plus important du Brésil et il est composé principalement de Rede Globo (télé et vidéo), de Rádio Globo et d’Editora Globo.

  • Prix : 5 réaux (env. 1,20 €).
  • Abonnement : 80 réaux / mois (env. 20 €).
  • Diffusion : 200 000 exemplaires / jour (27 600 en 2006), dont 90 % par abonnement.
  • 355 journalistes, dont 33 photographes et 87 pigistes permanents.
  • Correspondants exclusifs à Buenos Aires et Washington.
  • Revenus assurés à 70 % par la publicité, dont la moitié par le numérique.
  • Web : 21 M de visiteurs uniques / mois, dont plus de la moitié sur smartphone.
  • Abonnés au numérique : 40 000 (11 000 en janvier 2014).

La qualité et l’avenir d’un journal se lisent dans les yeux de ses jeunes reporters. Et ceux de Caio Barretto Briso, 31 ans, brillent de bonheur et d’enthousiasme. Voilà deux ans, ce journaliste a quitté sans hésiter le grand hebdomadaire Veja São Paulo, pour lequel il travaillait depuis 2010, quand il a su qu’O Globo recrutait. « La chance de ma vie ! Pour moi, signer dans ce prestigieux quotidien où sont passés les plus grands écrivains, comme Nelson Rodrigues, dont j’adore le roman A Menina Sem Estrela [La Petite Fille sans étoile, NDLR], c’est un rêve éveillé et un honneur dont je m’efforce, à chaque enquête, à chaque papier, de me montrer digne. » Caio, qui aime « montrer que la beauté existe au milieu de la pauvreté » va dénicher de touchantes histoires dans les plus inaccessibles favelas. Comme cette fratrie de trois garçons, qui vivaient entassés avec leurs parents dans une pièce unique. Au cœur de leur bidonville en proie à tous les trafics, ils sont devenus, à force de travail, de petits virtuoses du violon. « Avec l’aide d’une église du quartier, ils viennent même de jouer dans un orchestre symphonique ! » précise, radieux, Caio. C’est aussi la jeune recrue d’O Globo qui, au terme d’une longue enquête, a récemment passionné des centaines de milliers de lecteurs en révélant la tragique histoire de l’ingénieur Herculano Gomes, qui avait construit le fameux stade Maracanã. A la suite de la funeste finale de la Coupe du monde de football perdue en 1950 par le Brésil, il fut accusé de tous les maux par ses compatriotes égarés par l’amertume et mourut ruiné.

Pas de temps à perdre
De l’excellent journalisme, c’est également ce que fait Chico Otávio. Ce reporter senior multiplie les révélations sur le gigantesque scandale du groupe pétrolier brésilien Petrobras, gangréné par la corruption. Passionné comme au premier jour après plus de trente ans de carrière, il me montre, avec un sourire gourmand, la photo qu’il a discrètement prise pendant le carnaval. On y voit, au milieu de la foule, l’un des parrains de la mafia des jeux d’argent illicites arborant les couleurs criardes d’une école de samba, mais dissimulé sous un chapeau de paille et derrière des lunettes noires, poussé dans son fauteuil roulant par l’un de ses gardes du corps. Du talent, le demi-millier de journalistes d’O Globo n’en manque pas. Pourtant, la diffusion papier (200 000 exemplaires essentiellement sur abonnement) apparaît, comme c’est le cas pour l’ensemble des journaux brésiliens, plutôt modeste au regard des quelque 6,3 millions d’habitants intra-­muros. « Transformamos a sociedade pela Educação », proclame une pancarte campée au pied du fameux Pain de sucre qui domine la baie de Rio. « Pour nombre de Brésiliens, la scolarité ne dépasse pas dix années. Cela peut suffire à lire, mais pas toujours à comprendre. Et puis, quand on a peu d’argent, il y a d’autres priorités que d’acheter des biens culturels… » soupire Chico Amaral. O Globo réduit donc peu à peu sa pagination (le quotidien compte encore en moyenne une trentaine de pages, tout de même !) et se bat aujourd’hui prioritairement sur l’édition numérique. Avec succès : 1,5 milliard de pages vues et 21 millions de visiteurs uniques par mois, avec une forte augmentation de l’accès via les smartphones. « Le problème, pour le papier, c’est que notre lectorat vieillit et que les Brésiliens de moins de 30 ans ne lisent plus de journaux », confie l’un des adjoints du directeur de la rédaction Ascânio Seleme. Pourtant, plus que le vieillissement et la raréfaction du lectorat print, c’est la crise financière et la chute de la publicité qui ont le plus affecté la presse brésilienne dans son ensemble. « Nous n’avons pas de temps à perdre et notre avenir, c’est l’édition numérique, ajoute-t-il. Ici, au Globo, au moins, on est volontaristes et on ne tergiverse pas sur les priorités comme l’a fait trop longtemps l’Estado de São Paulo [autre grand quotidien brésilien, NDLR], où, auparavant, j’étais directeur de la rédaction numérique. » Ainsi, depuis 2010, les rédacteurs en chef et les chefs de rubrique sont là, chaque matin à 7 heures, pour décider de ce qu’ils vont publier on-line, puis ils débattent, à la conférence de midi, de ce qu’ils garderont pour l’édition papier du lendemain et de la façon dont ils se différencieront de la version numérique. A noter que les 200 000 abonnés papier ont libre accès à Internet pour 50 réaux (environ 12 euros) par mois et que les 40 000 abonnés seulement au numérique paient 30 réaux par mois, soit environ 9 euros. « Nous ne nous demandons pas si le papier survivra. Nous faisons seulement notre métier le mieux pos­sible, car, depuis la fin de la dictature, en 1985, la démocratie exige du vrai journalisme, insiste ce proche du directeur de la rédaction. Et je ne crois pas aux blogueurs en pyjama qui vous racontent le monde depuis chez eux ! Pour informer, il faudra toujours, dans les ­newsrooms et sur le terrain, de vrais journalistes, des jeunes et d’autres aux cheveux blancs. »

Pour s’adapter aux mutations et préserver l’avenir du journal, le directeur de la rédaction a demandé à ses rédacteurs en chef d’être là dès 7 heures du matin.
Pour s’adapter aux mutations et préserver l’avenir du journal, le directeur de la rédaction a demandé à ses rédacteurs en chef d’être là dès 7 heures du matin. Filippo Bamberghi

De belles perspectives
Même si O Globo, en raison notamment de la baisse de la publicité, a dû se séparer, l’an dernier, d’une vingtaine de journalistes, il en recrute actuellement autant, en particulier pour la partie vidéo du site Internet. Et les immenses newsrooms restent bien garnies. Le seul service « économie » de ce titre généraliste compte toujours 24 journalistes, dont 20 femmes ! En outre, O Globo vient d’adjoindre à son immeuble des années 50 un autre bâtiment flambant neuf. Celui-ci est situé de l’autre côté de la rue et il est relié par une élégante passerelle rouge. Dans l’entrée du siège, des vigiles armés et protégés de gilets pare-balles font les cent pas. « J’appartiens à ce journal depuis vingt-cinq ans, je suis une sorte de dinosaure ! Tout a bien changé depuis mon arrivée. Avec le web, il n’y a plus de bouclages. On travaille désormais en continu », soupire, un brin nostalgique et en mettant un point d’honneur à s’efforcer de parler français, Paulo Motta, autre rédacteur en chef d’O Globo et grand amateur des crus de Saint-Emilion. L’avenir du journal, c’est l’affaire du service du développement stratégique. « Nous ne pouvons pas tout vous dévoiler, mais ce que nous faisons sur notre site web à l’occasion du carnaval a permis d’augmenter sa fréquentation de 200 %, et nous ne manquons pas d’idées », chuchote une collaboratrice. Ainsi, une application gratuite pour les smartphones, sponsorisée par Chevrolet et General Motors, propose toute une cartographie des petits carnavals de quartier de Rio avec photos, musique, bars et restaurants voisins. L’un des objectifs d’O Globo, est de fractionner davantage l’offre numérique, moyennant des micropaiements pour les jeunes, et d’élargir son audience au niveau national. Le journal emblématique des Cariocas, dont la diffusion essentiellement réalisée par abonnement le protège de la tentation de recourir à des titres à sensation ou marketing, a une belle perspective d’élargir son audience l’an prochain. Même si la langue, le portugais brésilien, empêche O Globo de conquérir un lectorat planétaire, la rédaction se prépare à tirer le maximum de profit des jeux Olympiques d’été qui se tiennent à Rio cette année. Responsable de l’équipe de cinq journalistes d’ores et déjà au travail, Chico Amaral confie : « Nous sommes très attendus à cette occasion, et pour surfer avec brio sur cet événement, je me dois d’être aussi performant qu’un athlète ! » Pour ce mois d’août, nous souhaitons à toute la rédaction d’O Globo une forme olympique !

6 questions à Ascânio Seleme

Directeur de la rédaction d’O Globo

O Globo, le quotidien des Cariocas

The Good Life : Diriger un journal,ces temps‑ci, ce n’est pas une sinécure…
Ascãnio Seleme : C’est un peu comme changer sa roue de vélo tout en restant en selle… Dans cette crise de mutation de la presse et de la société en général, il faut comprendre que tout change et qu’il est impératif de changer notre façon de penser et de travailler. Ainsi, pour répondre aux exigences du numérique, j’ai demandé à tous mes rédacteurs en chef et journalistes seniors d’être là chaque matin à 7 heures, alors qu’ils ne venaient que l’après‑midi. Cela a perturbé leur vie personnelle, mais j’avais besoin de leur intelligence et, même si ç’a été difficile au début, ils ont vite compris que c’était nécessaire pour l’avenir du journal.
TGL : Où se situe O Globo politiquement ?
A. S. : Nos pages « opinion » sont plutôt de centre droit, mais si on parle de l’ensemble de la rédaction, nous sommes plutôt centristes. Nous comptons même un certain nombre de jeunes journalistes qui soutiennent l’actuel gouvernement, certes récemment élargi, mais qui reste majoritairement à gauche. Nous les laissons s’exprimer. Nous ne sommes pas un journal d’opposition, car ce serait prendre parti. Ce que nous voulons, c’est être vigilants, mais surtout pas militants.
TGL : Vous sentez‑vous cependant investis d’une mission ?
A. S. : Nous devons être les veilleurs de la démocratie brésilienne. C’est pourquoi nous menons de grandes enquêtes sur les dérives et sur la corruption. Comme, sur l’affaire Petrobras.
TGL : L’an dernier, vous avez licencié 20 journalistes. Disposez‑vous toujours des moyens suffisants pour fonctionner ?
A. S. : Nous avons dû faire quelques sacrifices, des arbitrages, mais beaucoup moins que nos concurrents. Et puis nous continuons de recruter là où c’est nécessaire, comme pour le site web. Nous comptons ainsi 355 journalistes et, au total, 600 personnes travaillent au service de notre journal.
TGL : Quel est le meilleur atout d’O Globo ?
A. S. : Là où nous excellons, c’est quand il s’agit d’aller au fond des choses, d’être exhaustif sur un sujet, d’expliquer ses racines.
TGL : Vous avez été correspondant d’O Globo à Paris…
A. S. : J’en garde un excellent souvenir. Ma fille est née à Paris. Figurez‑vous que, comme elle ne pouvait avoir ni la nationalité française, faute de droit du sol, ni la nationalité brésilienne, en raison de son âge, j’ai écrit un article dans O Globo grâce auquel un amendement a été passé pour modifier notre Constitution. Jusqu’alors, beaucoup d’enfants de Brésiliens expatriés restaient apatrides.

Suppléments hebdomadaires

O Globo, le quotidien des Cariocas

Revista : magazine généraliste du week‑end.
Revista da TV : guide télévision.
Ela : féminin.
Boa Viagem : tourisme.
Sociedade : familial.
Segundo Caderno : arts et spectacles.

Titres des éditions O Globo (Editora Globo)

O Globo : quotidien généraliste et politique (tendance centre droit).
Extra : quotidien généraliste populaire.
Expresso : quotidien populaire (people, football, etc.).
Valor : quotidien économique et financier.

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