Reports
The Good Business
Mykonos est devenu le paradis de la jet set et des fortunes du monde entier. Pour répondre à la demande et s'enrichir, les promoteurs sont prêts à tout pour construire ou s'agrandir, en méprisant souvent la loi, usant de menaces ou d'intimidations.
Ces 50 dernières années, Mykonos a totalement changé de visage, passant de petite île immaculée, entouré par la mer, à l’une des destinations de vacances les plus convoitées du monde, mecca de la jet-set internationale. Chaque été, des millions de touristes inondent ses hôtels de luxe, ses beach clubs, et ses restaurants, et les promoteurs n’hésitent pas à construire tous azimut, pour élargir l’offre d’hospitality et de divertissement. Mais une affaire récente laisse entendre que certains d’entre eux seraient prêt à tout pour profiter des portefeuille des riches du monde entier. Un archéologue Manolis Psarros, 53 ans, a été retrouvé dans le centre d’Athènes en mars, inconscient et avec le nez et les côtes cassées.
Manolis Psarros n’est toutefois pas un archéologue comme les autres, puisque ces dix dernières années, ce dernier était responsable de la division chargée des permis de construire à Mykonos, et avait récemment dénoncé des violations présumées de plusieurs promoteurs. Cette agression a fait l’effet d’une bombe en Grèce, notamment après que Despoina Koutsoumba, président de l’Association des archéologues grecs, a parlé aux médias locaux d’un véritable “coup mafieux”. Dès lors, le gouvernement s’est emparé du sujet, et plusieurs fonctionnaires, lors d’une réunion de ministres convoqué par l’ancien Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, ont décrit ouvertement Mykonos comme un “État au sein d’un État”.
La chronique a mis sur le devant de la scène internationale la difficile cohabitation qui commençait à faire du bruit en Grèce, entre les intérêts commerciaux des investisseurs et des promoteurs liés aux tourisme de l’ile, désormais centré sur les séjours de luxe et la fête, et la préservation du patrimoine culturel de Mykonos, et ses antiquités. La Grèce pensait avoir trouvé la parade, avec une loi stipulant que toute construction immobilière nécessite l’autorisation d’un archéologue désigné. Si un vestige est trouvé pendant les excavations, les travaux sont arrêtés ou relocalisés. Une situation qui se vérifie souvent à Mykonos. Comme le rapporte le New York Times, au cours de ces huit ans, douze sites archéologiques ont été découverts lors de fouilles. Dans ce cadre, le service archéologique grec, qui compte un millier de membres, est considéré comme le gardien de l’héritage historique de la nation, contre les déprédations associées au business du tourisme. A Mykonos, ils sont trois archéologues – nommés par le gouvernement – à pouvoir donner aux constructeurs le précieux sésame, et à inspecter les sites.
Mais difficile de lutter contre une industrie qui représente, selon les chiffres du ministère du Tourisme, 25 % du PIB du pays et qui est largement le plus grand moteur de l’économie grecque. Surtout quand il s’agit de Mykonos, source fondamentale pour la reprise économique du pays depuis la fin de la crise financière en 2018. Au cours des cinq dernières années, les investisseurs étrangers ont afflué sur l’île, devenue un Eldorado de propriétés de luxe, d’hôtels tentaculaires et de boîtes de nuit. Parmi tous les projets lancés, l’annonce d’un groupe d’investisseurs du Moyen-Orient projetant d’ouvrer un village touristique avec un port ouvert aux superyachts, s’est fait remarquer.
L’année dernière Mykonos étant rien de moins que le troisième endroit le plus visité du monde, grâce aussi au retour massif des touristes après la fin de la pandémie de Covid 19, il ne surprend pas donc la situation compliquée décrite par les médias locaux. Selon le quotidien I Kathimerini, entre 2011 et aujourd’hui 7 600 irrégularités ont été enregistrées, face à 5 450 demandes de permis de construire déposées seulement dans les 5 dernières années.
Pour profiter de cette hype, difficile pour certains professionnels du tourisme d’attendre des approbations qui peuvent prendre neuf mois à un an. Ces derniers préfèrent donc construire illégalement dans l’idée qu’ils s’en sortiront, comme expliqué au New York Times par Antonis Kyrantonis, le chef de l’Association des ingénieurs de projet sur Mykonos. Les chiffres lui donnent raison. Neuf amnisties ont été actées depuis 1974 de la part des autorités nationales envers les propriétaires des constructions illégales. De toute façon, comme souligné par les habitants au Guardian, les amendes pour les constructions sur des sites antiques “ne représentent rien” par rapport aux profits réalisables.
Pour cette raison, comme le rapporte encore le New York Times, des maisons sont apparues comme des champignons dans les zones classifiées comme “non constructibles”, et certaines villas paraissent plus grandes que sur les plans approuvés par la division des permis de construire. Pour plusieurs groupes d’action citoyenne, le gouvernement a fermé les yeux sur les irrégularités jusqu’à maintenant. «Ce qui se passe à Mykonos n’est pas un secret. L’État le sait depuis des années », a déclaré au journal américain Markos Pasaliadis, porte-parole du Mouvement des Citoyens Actifs.
Selon Despoina Koutsoumba, plusieurs petites entreprises et certains propriétaires d’hôtels ont subi récemment des pressions de la part de grands groupes internationaux pour vendre leur affaire. Les grands clubs, eux, se sont agrandis, quitte à bloquer l’accès à certaines plages publiques. Parmi eux, il y a le Nammos, lieu de culte pour la jet set internationale appartenant à Monterock International, une société de capital-investissement basée à Dubaï, et Alpha Dhabi Holding. Aujourd’hui le club comprend aussi des boutiques de luxe en plein air et un restaurant sur la plage. Un autre exemple est le Principote, une destination des fêtards à base de chaises longues et sushi qui depuis des années a envahi la plage de Panormos, malgré de multiples mises en gardes des autorités. En 2016, le maire de Mykonos, Konstantinos Koukas, a fermé l’activité pour arrêter les agrandissements illicites, mais les propriétaires ont continué d’ouvrir et les autorités n’ont pas pu faire grande chose.
D’autant que la police n’a pas les moyens. Depuis 2017 la planification des interventions de police se fait à Syros, capitale administrative des îles cycladiques, et à Mykonos même, les équipes sont réduites. Mais comme une mise en garde à cette « mafia » qu’ils ont laissé prospérer, le procureur Odysseas Tsorbatzoglou a récemment déployé 100 policiers, ainsi que des enquêteurs sur les crimes financiers et des inspecteurs, pour renforcer les contrôles. Début avril, il a également déménagé sur l’île pour mener une enquête. « L’argent et l’intimidation ont gelé la loi à Mykonos. (…) Mais je n’ai peur de personne », a-t-il commenté dans le journal grec Realnews. Depuis, plus de 75 arrestations liées à des bâtiments illégaux ont été effectuées, contre 36 pour l’ensemble de 2022.
Et le gouvernement a suspendu la plupart des nouveaux permis de construire dans certaines parties de l’île, en attendant un nouveau plan d’aménagement. Et bien que l’île connaisse toujours un grand succès parmi la jet set internationale, les conséquences des tensions de cette guerre causées par cette guerre interne commencent à s’entrevoir. Selon les prévisions des médias locaux, les arrivées à Mykonos vont baisser de 20 % environ par rapport à 2022. Un signe que les oncles Picsou du monde ont commencé à dépenser leur argent ailleurs ?
L.P.
À lire aussi
Spots : 6 restos en Grèce de Mykonos à la Crète
Les 30 ouvertures d’hôtels les plus attendues de l’année 2023
Hermès dévoile son nouveau parfum estival, Un jardin à Cythère