Horlogerie
Mise sur orbite en septembre 2016, la plate-forme de ventes de montres de luxe 41 Watch a patiemment ciselé dans l’ombre une offre axée sur le numérique – ensuite couplée à un showroom physique –, étoffant au fur et à mesure sa clientèle et son catalogue.
Le temps semble comme suspendu entre les murs du showroom de 41 Watch, un havre de paix niché au cœur du 7e arrondissement parisien. Et ce, même s’il faut montrer patte blanche pour y pénétrer, avec un sas bancaire en guise de comité d’accueil. Une précaution moindre dans ce grand appartement haussmannien décoré avec soin, accueillant en son sein des garde-temps particulièrement prestigieux, même si « peu de stocks y sont abrités », dixit le maître des lieux, Stéphane Michel.
L’une des deux têtes pensantes de l’entité 41 Watch, l’autre étant Cyril Derveloy, réchauffe rapidement l’atmosphère, nous recevant dans les meilleures conditions possibles pour dérouler l’histoire et la quête de 41 Watch, concept hybride désormais reconnu dans le monde – très concurrentiel – des plates-formes de ventes de montre de luxe en ligne.
L’aventure débute en 2016, quand ces deux passionnés d’horlogerie, de complications et de mécanismes de toute obédience décident de quitter le monde tout aussi feutré de la banque d’affaires. Stéphane Michel, installé aux États- Unis, et son associé naviguaient alors entre New York et Londres.
41 Watch, un nom de code idéal
Désireux de conjuguer passion et vie professionnelle, le tandem décide alors de se consacrer au lancement de 41 Watch. « Nous avons mis un certain temps à peaufiner le projet. Au regard de nos formations respectives, nous avions un côté très cartésien, très analytique. Nous voulions nous lancer dans les meilleures conditions et nous avons fait, au préalable, notre étude de marché. Nous avons officiellement commencé à plancher, à temps plein, sur ce projet en septembre 2016 et avons vendu notre première montre en mai 2017 », se remémore Stéphane Michel.
Pourquoi avoir opté pour le nom de code 41 Watch ? Réponse à choix multiples. « Au début, nous avions l’intention de baptiser le projet “Montres iconiques”, puis nous nous sommes rapidement orientés vers l’appellation 41 Watch pour différentes raisons », explique Stéphane Michel. Ce nombre correspond, en effet, au diamètre idéal des garde-temps suisses, mais il est également, le hasard faisant bien les choses, l’indicatif de la Confédération helvétique.
Entièrement financé en fonds propres, puis avec les bénéfices engendrés, 41 Watch va peu à peu se faire une place au soleil, bien que les fondateurs ne soient pas issus du sérail horloger. « Nous avons littéralement commencé de zéro. Nous voulions développer des idées différentes plutôt que de reproduire ce qui existait déjà », continue Stéphane Michel.
Des montres à crédit
Si le projet initial était de proposer les montres en leasing, il sera rapidement abandonné. Le duo parie plutôt sur la mise en place de techniques de financement, en l’occurrence de crédits adossés à l’achat des montres, puis sur l’ouverture d’un showroom permettant aux clients – de plus en plus nombreux – de venir examiner et observer eux-mêmes les modèles vintage convoités et certifiés par des experts, essentiellement.
Les pièces neuves disponibles dans le catalogue en ligne de 41 Watch ne requérant pas forcément un tel degré d’attention et d’expertise. « Pour 10 % du prix, vous pouvez réserver la montre en attendant de remplir toutes les conditions nécessaires à votre demande de crédit pour la financer entièrement », développe Stéphane Richard. Au départ, en effet, 41 Watch privilégie les montres dites « liquides », à savoir des modèles issus de la « sainte Trinité », Rolex, Patek, Audemars Piguet, jouissant d’un fort taux de rotation et qui s’écoulent rapidement.
À force de patience, de travail et d’une communauté constituée et savamment entretenue sur les différents réseaux sociaux, l’entreprise, composée d’une quinzaine d’employés, va, peu à peu, mettre la main sur des exemplaires encore plus prestigieux. « Au départ, vous avez la contrainte de proposer ce qui se vend le plus. Une fois que vous avez davantage de stocks, vous pouvez élargir vos horizons et conseiller diverses options à vos clients. Nous avons aujourd’hui, dans notre giron, des produits de niche, moins mainstream, comme des modèles de la marque F.P Journe, par exemple », explique le dirigeant.
À titre personnel, ce dernier, adepte de diamètres plus petits, a une tendresse particulière pour la 3970 Quantum Perpetual de chez Patek Philippe. « Une remarquable mécanique de précision ornée d’un super boîtier. Un équilibre parfait. »
41 Watch et la fidélisation
Ces nouveaux modèles proposés, couplés à l’explosion de la demande et d’une offre plus restreinte, vont contribuer à la montée en flèche du panier moyen de l’acquéreur – « un jeune actif établi, qui a entre 35 et 45 ans », précise Stéphane Michel –, celui-ci passant de 7 500 euros lors de la première année d’activité de 41 Watch à plus de 30 000 euros désormais. Une catégorie particulièrement choyée par Stéphane Michel et ses équipes.
« Ce sont les clients d’aujourd’hui, mais aussi nos clients de demain. Nous constituons un véritable réseau et nous établissons des liens de confiance avec nos acheteurs, contrairement à d’autres plates-formes adossées à de grands groupes, qui vendent des montres à certaines personnes qu’ils ne reverront jamais. En tant qu’indépendants, nous devons fidéliser notre clientèle », explique ce dernier, qui a également constaté, depuis dix-huit mois, l’émergence d’une nouvelle catégorie d’acheteurs : les collectionneurs investisseurs.
« Certains d’entre eux acquièrent des montres et ne souhaitent même pas les voir. Ils veulent simplement étoffer leur portefeuille d’actifs à fort potentiel. Ils sont intéressés par le rendement et non par la mécanique du produit. » Des pratiques qui vont à rebours de la conception passionnée et romantique de Stéphane Michel, et qui engendrent une augmentation, parfois artificielle, des prix en vigueur.
Mais 41 Watch veut continuer d’agrandir sa communauté. « On a une puissance de feu moins importante que d’autres, mais c’est primordial pour nous de surprendre notre clientèle. » Entretenir la flamme. Toujours. Cette flamme haut de gamme qui anime Stéphane Michel et Cyril Derveloy depuis 2016. www.41watch.com
3 questions à Geoffroy Ader, expert en horlogerie de collection :
En 2020, vous expliquiez que la montre était « l’objet d’art qui se vendait le plus sur Internet ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Non seulement c’était le cas en 2020, mais c’est encore plus vrai en 2022. Les acquéreurs de pièces haut de gamme se sont largement tournés vers Internet et la crise sanitaire a précipité cette tendance. Les techniques de vente en ligne se sont affûtées et démocratisées. Il existe nombre de formats et de plates‑formes accessibles au plus grand nombre : les collectionneurs néophytes comme les passionnés confirmés. Le point central réside dans le fait que chaque pièce doit être expertisée et authentifiée. Tant que ce volet-là n’est pas négligé et scrupuleusement respecté, les clients peuvent acheter des pièces en ligne sans le moindre problème.
Selon vous, la pandémie de coronavirus a-t-elle précipité cette tendance ? C’est une évidence. Le online est un outil qui a encore davantage accéléré le développement du marché. La demande a grimpé en flèche tandis que l’offre s’est réduite. Il s’agit de l’une des conséquences directes de la mise à l’arrêt, pour cause de crise sanitaire au printemps 2020, de l’outil de production suisse et des ateliers de Rolex, Audemars Piguet ou Patek Philippe. C’est à partir de là que la demande a explosé. L’important, lorsqu’on officie en ligne, est d’être particulièrement explicatif et de fournir le plus de détails précis possible. En 2022, il s’agit d’un canal de distribution incontournable pour l’horlogerie.
L’expertise que vous évoquez joue donc un rôle prépondérant dans le contrat de confiance entre le vendeur et l’acheteur. Et cela va encore s’amplifier. Je vais vous donner un exemple. Le premier site de ventes en ligne d’objets d’art en France est Interenchères. Le mot clé numéro 1 sur ce site, tous secteurs confondus, est Rolex, très largement devant les autres occurrences. Pour en revenir à votre question, la mission des experts est cruciale dans le processus de vente. Nous devons faire en sorte que les produits proposés soient en parfaite adéquation avec la demande actuelle. Je coiffe 150 maisons de ventes aux enchères, et je gère tout par WhatsApp. C’est efficace, les gens peuvent immédiatement avoir les photos des pièces en leur possession. Ce mode opératoire est plus rapide qu’un long discours. Il faut simplement faire confiance à l’expert.
Watchfinder & Co., le pionnier
Installé dans l’univers du commerce online depuis les années 2000, Watchfinder & Co., propriété du groupe Richemont (Cartier, IWC, Jaeger‑LeCoultre) depuis 2018, est le leader de la vente de montres d’occasion en ligne. La société a également ouvert, en 2020, un showroom à Paris, dans le 8e arrondissement (en soutien de sa boutique dans le 7e arrondissement), et la pandémie a même galvanisé son activité.
« Notre groupe se porte très bien. Le Covid a été un vecteur de croissance important. Watchfinder étant originalement une société numérique, nous étions mieux armés que certains pour affronter, dans les meilleures conditions, cette situation inédite », explique Adrien Fourlégnie, directeur France de Watchfinder & Co. Si le climat n’était pas, dans d’autres secteurs, à la mise en place d’initiatives nouvelles et d’expérimentations diverses, Watchfinder a pris le contre-pied de cette tendance. L’entité a lancé un kit en partenariat avec le transporteur DHL pour tous ceux désireux de vendre leur montre pendant les périodes de confinement ou lors de la fermeture de son showroom ou de sa boutique. « Ce service gratuit, baptisé “Home Collection”, était destiné aux clients qui souhaitaient nous céder leur pièce sans avoir besoin de venir la déposer physiquement. Ce kit contenait notamment plusieurs protections afin de ne pas abîmer la pièce. Cela a été très apprécié », poursuit le dirigeant.
Entouré par 20 experts horlogers qui examinent les potentielles acquisitions sous toutes les coutures, Watchfinder & Co. peut se targuer d’accueillir dans son catalogue quelques pépites. « Nous avons en stock une édition limitée Lange & Söhne Datograph, avec une multitude de complications », confie Adrien Fourlégnie. La valeur de ce garde-temps est estimée à environ 250 000 €. Le site WatchFinder & Co. abrite aussi le stock de Rolex le plus important de tout le secteur. « Nous avons une quarantaine de pièces Rolex, que ce soit des Daytona version acier, bicolore, platine, des dizaines de modèles Explorer ou GMT », enchaîne-t-il. Un catalogue particulièrement bien fourni qui fait de Watchfinder & Co. le précurseur dans le monde de la vente en ligne de montres d’occasion, également très bien ancré à l’international.
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