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Urbanisme // The Good City

La principauté de Monaco va étirer ses frontières

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Urbanisme

Cette extension va accroître de territoire monégasque de six hectares sur la mer. Réalisée par le cabinet parisien Valode et Pistre, elle se présente comme exemplaire sur le plan environnemental.

La densité de Monaco et sa situation engoncée à flanc de montagne fait que la cité ne peut s’étendre que dans deux directions : le ciel ou la mer. Le second plus petit état du monde (2,08 km2), qui a déjà gagné 55 hectares sur la Méditerranée depuis le début du XXe siècle, s’apprête de nouveau à agrandir son territoire.


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Monaco va grandir

Cette extension de 60 000 mètres carrés sera effective dans le secteur de l’Anse du Portier, soit une croissance de 3% de sa superficie totale. L’opération à 2 milliards d’euros a été initiée en 2015 de la volonté du Prince et porté le cabinet parisien Valode et Pistre. « Un premier appel d’offres organisé en 2006 n’avait pas abouti car il s’agissait d’une extension de presque trente hectares ce qui était bien trop ambitieux, se souvient Denis Valode. Ce deuxième concours portait une ambition plus maîtrisée et nous l’avons remporté ».

L’écoquartier, baptisé Mareterra, est en voie d’achèvement avec une livraison prévue pour le début d’année 2025. Le cabinet y a élaboré le plan d’ensemble, la conception architecturale des infrastructures et des aménagements publics dans le souci de réaliser une intégration la plus naturelle possible.

Mais comment construire sur la mer ?

Techniquement cela revient à constituer un grand barrage de 18 caissons en béton armé de 30 mètres de hauteur et 10 000 tonnes chacun, qui composent la ceinture de protection du nouveau territoire étendu. « Ces très grands parallélépipèdes de béton sont fabriqués à Fos-sur-Mer et acheminés par voie maritime, commente Valode. Ils ont été remplis et coulés pour former une sorte de barrage continu, un peu comme le port d’Arromanches ».

Si leur première fonction vise à séparer le remblai de la mer, ces caissons servent aussi de brises vagues, car ils comportent des chalands, c’est-à-dire des cavités qui vont absorber l’énergie de la Grande Bleue. « On sous-estime le pouvoir destructeur de la mer, avertit l’architecte. C’est incroyable ce que la houle ou le sel peuvent être corrosifs ».

L’extension se posera sur la mer.
L’extension se posera sur la mer.

Loin des extensions « catastrophiques » faites à Dubaï ou en Chine

Le sanctuaire ainsi réalisé, les opérations de remblaiement ont pu s’effectuer sans altérer les fonds marins voisins, cette barrière empêchant que la terre ne se propage vers le large et les caissons servant en outre à héberger la faune et la flore sous-marine qui va s’y accrocher. « Il y a eu tout un cahier des charges fait par la principauté exigeant que le chantier soit exemplaire sur le plan environnemental, reprend-il. Aucune turbidité ne va altérer ces fonds marins. Et nous sommes allés jusqu’à prélever des coraux, pour les numéroter et les replacer ensuite ».

L’architecte déplore les extensions en mer réalisées dans le monde, à Dubaï ou en Chine par exemple, desquelles il tient à se distinguer. « Elles sont catastrophiques, s’alarme-t-il. Elles consistent en un système de remblai progressif, mais le résultat donne que cette terre se propage avec de fines particules qui partent très loin et finissent par étouffer la vie ». Le projet monégasque prêtera une attention toute particulière à l’insertion dans l’identité paysagère et urbaine de la principauté.

Un port sera construit au cœur de cette extension.
Un port sera construit au cœur de cette extension.

La plateforme est rehaussée en son centre par la création d’une colline. « Elle justifie la forme de la courbe, nous fait-on encore remarquer. Au lieu de faire une extension plate, l’idée était de donner un relief, car la côte était une colline autrefois, c’est exactement la forme qu’avait la principauté à la fin du néolithique ». Cette nouvelle rive suit la courbe isobathe, c’est-à-dire le pourtour de l’extension en profondeur, de -30 mètres, une courbure naturelle retrouvée permettant de ne pas perturber le courant méditerranéen qui oxygène la faune et la flore sous-marine.

Côté terre, le nouveau paysage est abondamment planté de grands pins parasols. Sous cette canopée, un maquis typique de la région de Monaco est transplanté et acclimaté. 1 000 arbres sont prévus au total, de grandes essences qui ont passé plusieurs années à croitre en Italie au bord de la mer dans des bacs. « Nous avons voulu végétaliser au maximum, pour lutter contre le réchauffement estival en particulier urbain, décrypte-t-on chez Valode et Pistre. Les arbres, qui prennent de l’eau dans le sol, la vaporisent, comme un réfrigérateur. Ce maquis va vivre non pas comme un jardin mais un système biologique », annonce-t-il. 40 % des besoins énergétiques du nouveau quartier seront assurés par des panneaux solaires, permettant au projet d’obtenir toutes les certifications environnementales, HQE Aménagement, BREEAM, label Biodivercity et label Port Propre.

L’extension n’en oublie pas d’intégrer des éléments de nature.
L’extension n’en oublie pas d’intégrer des éléments de nature.

Jusqu’à 120 000 euros du mètre carré

Situé à huit mètres au-dessus du niveau de l’eau, ce nouveau quartier de Monaco prévoit logements et commerces, équipements publics, un port d’animation, un parc végétalisé d’un hectare, une place centrale et une promenade littorale de deux kilomètres assurant l’accessibilité́ sur l’intégralité du périmètre de l’extension. Sous la colline, un ensemble de salles d’exposition complète le Grimaldi Forum voisin, dont la capacité est agrandie de 50 %. « L’une des principales idées était de faire un projet qui ne soit pas entièrement privé, plutôt un nouveau lieu de destination pour Monaco, souffle Valode. Aucune voiture ne circulera en surface, tout est public et accessible à l’exception d’un bout de rue réservée aux habitants ».

Des nouveaux logements sont effectivement prévus, 14 villas ultra-luxueuses qui s’ancrent en bord de mer. L’architecture des différents édifices marie la tradition méditerranéenne avec plus grande contemporanéité. Les balcons, les terrasses, les jardins suspendus, les pergolas, les persiennes et les bassins en sont la manifestation. « On a eu l’idée d’un projet qui raconte l’urbanisation de la Méditerranée, avec des villas anglaises construites en bord d’eau au XIXe siècle, puis des immeubles et des tours d’habitation », reprend-il. Le quartier compte un total de 130 appartements, de 600 mètres carrés en moyenne. Et un grand immeuble signé Renzo Piano s’implante sur pilotis entre le port et la mer. Compter tout de même de 100 000 à 120 000 euros du mètre carré. « Monaco c’est ce qu’il y a de plus cher au monde. Heureusement, par ailleurs, on fait des logements sociaux en France, on n’a pas perdu le sens des valeurs, sourit-il. Cela reste un projet que l’on ne fait sans doute qu’une seule fois dans sa vie ».

Des appartements et villas de luxe prendront, bien évidemment, place sur cette extension de Monaco.
Des appartements et villas de luxe prendront, bien évidemment, place sur cette extension de Monaco.

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