The Good City
Urbanisme
Terre d’accueil des grandes fortunes de la planète, le second plus petit état du monde investit massivement sur son image de destination verte, se rêvant en laboratoire de l’innovation durable, pour mieux redéfinir les codes de l’ultra luxe.
On change de dimension à Monaco. Tout y scintille, tout y paraît facile, et le monde entier semble à portée de main. La famille princière est à quelques mètres de nous, elle inaugure avec majesté les nouveaux espaces publics de Mareterra, l’écoquartier que vient de s’offrir la principauté. « Une Principauté qui ose, qui embrasse l’audace, qui a le goût du risque, mais qui maîtrise son destin avec sagesse et sait écouter l’environnement », clame Son Altesse Sérénissime devant sa cour, face au calme olympien de la Méditerranée, nouvelle promenade de front de mer protégée de l’agitation urbaine.
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Des acquéreurs sensibles à l’aspect environnemental du projet
Le nouveau luxe monégasque se matérialise dans cette extension en mer, la huitième qu’ait connue Monaco : 6 hectares supplémentaires, soit 3 % du territoire, construits sous l’égide du cabinet parisien Valode & Pistre. Elle abrite 130 appartements et 14 villas ultra-luxueuses. Des petits bijoux à 120 000 euros du mètre carré pour des acquéreurs majoritairement européens.
Monaco cherche ici à accroître son attractivité pour de nouveaux résidents désormais sensibles à l’engagement du Rocher sur les questions environnementales. « Des villas avec piscine sont des produits qui n’existaient pas jusqu’ici en principauté. Nous avons créé ici des choses exceptionnelles pour être force de proposition d’une clientèle internationale toujours plus exigeante dans un environnement ultra-concurrentiel », nous explique Céline Caron-Dagioni, ministre de l’Équipement au gouvernement de Monaco.
Laurent Ballesta en ambassadeur écolo
Les ambitions du micro-État ont été gigantesques : autoproclamée exemplaire sur le plan écologique, cette extension à deux milliards d’euros a mobilisé de nombreuses expertises, parmi lesquelles celles du photographe et biologiste marin Laurent Ballesta, véritable star dans son domaine, sollicité pour établir un protocole de protection du sol marin lors du chantier : 500 m² d’herbiers de posidonies ont ainsi été déplacés sous sa supervision. « Nous avons mis en place une méthode très innovante à l’aide de machines marines installées au bout d’un bras de grue de 17 m de long, équipées de caméras pour piloter l’opération hors de l’eau », nous explique non sans fierté l’intéressé. Une opération à près d’un million d’euros, c’est-à-dire une broutille à l’échelle du projet.
Ce type d’anecdote sert évidemment la communication du Rocher. Pour attirer les fortunés, Monaco investit massivement sur son image de destination verte. Les taxes et retombées financières prévues par cette opération d’ampleur offriront à la principauté les moyens de renforcer encore plus l’attractivité de son territoire pour un public acquis à la cause. « Notre engagement part de la feuille de route du souverain quand celui-ci est arrivé sur le trône en 2005. Le premier acte fondateur a été d’affirmer l’objectif de la principauté à atteindre la neutralité carbone en 2050 pour l’ensemble des activités de Monaco, avec une réduction de 55 % à l’horizon 2030 sur la base des émissions de 1990 », justifie ainsi Guy Antognelli, directeur du Tourisme et des Congrès sur le Rocher.
Destination d’excellence, Monaco tient à redéfinir le luxe en y intégrant désormais des principes écologiques. Et cela commence dès l’acheminement : « Dès qu’on prend l’avion pour se rendre en principauté, 60 à 70 % de l’impact du séjour concerne uniquement ce vol. Nous avons donc pour objectif d’améliorer l’impact de chaque élément du séjour : un vol direct, c’est mieux qu’un vol avec correspondance ; un séjour long, c’est mieux qu’une série de séjours courts, d’où l’intérêt de favoriser l’hébergement sur place », reprend-il. 80 % du parc hôtelier monégasque est ainsi certifié pour son engagement dans la réduction du gaspillage alimentaire, les économies d’énergie ou encore la valorisation des déchets. « Partout, les visiteurs attendent des établissements qu’ils soient durables », juge-t-il encore. 330 000 touristes séjournent chaque année au moins une nuit sur le territoire monégasque, un nombre encore trop faible par rapport à la fréquentation totale, chiffrée à plusieurs millions de personnes.
Monaco se rêve en laboratoire de l’innovation verte
Cette exemplarité s’applique également aux activités proposées. À Monaco, il est ainsi possible de se rendre dans l’une des trois aires marines protégées afin d’aller observer les baleines. « Nous ne sommes pas sur un modèle de masse, mais embarquons le public sur des bateaux accompagnés de scientifiques qui vont sensibiliser à la protection des cétacés », note encore le directeur. Reconnu pour son expertise dans l’étude des coraux et des récifs coralliens, le Centre scientifique de Monaco expose les résultats de ses recherches dans le musée océanographique, premier site touristique monégasque avec 700 000 visiteurs annuels. La Fondation Prince Albert II œuvre quant à elle à la promotion du développement durable à l’échelle mondiale, l’État monégasque ayant acquis une crédibilité dans l’organisation de conférences en la matière. Le deuxième plus petit État du monde entend être en tête de proue de toutes ces questions, se rêvant en laboratoire à la pointe de l’innovation verte. « Nous sommes un pays petit et riche, c’est aussi à nous de donner l’exemple, confirme Antognelli. À mon sens, si on a les moyens de bien faire, on doit être les premiers à bien faire. »
L’humilité, nouveau mot d’ordre de l’ultra-luxe. N’est-ce pas parfaitement antinomique de la part d’un paradis fiscal ? « C’est l’objection à laquelle nous sommes régulièrement confrontés, par ceux qui voient le luxe comme une débauche, rétorque-t-on encore à la Direction du Tourisme et des Congrès. Mais par définition, le luxe est fait pour durer. Dans tous les secteurs, nous allons vers les pratiques les plus durables. Quand le Monaco Yacht Show prend place, nous accueillons en parallèle des conférences sur le yachting durable. Évidemment, ce serait mieux de ne pas faire de yachting plutôt qu’un yachting durable, et effectivement, s’il y avait moins d’hommes sur Terre, ce serait mieux pour la planète. Ce n’est pas pour ça qu’on va s’arrêter de vivre. On sait qu’on ne va pas changer le monde demain, mais on y contribue. » À toute petite échelle.