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Promesse marketing de génie ou fait avéré ? Le mardi serait, selon certains spécialistes du secteur de l'aviation, le jour où les prix des billets d'avion sont les plus bas. Mais entre inflation et nouvelles taxes, les promotions sont en réalité bien loin de tomber du ciel. Explications.
Y-a-t’il vraiment un meilleur jour dans la semaine pour réserver ses billets d’avion ? Faut-il alors poser un RTT mardi prochain pour planifier vos vacances d’été ? Soyons honnêtes (mais continuez tout de même votre lecture) : la réponse est non. Et cela s’explique en partie par une technique de vente aux pratiques pour le moins discutables : le yield management.
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Un jour meilleur qu’un autre pour réserver ses billets d’avion ?
Le 10 mars dernier, le moteur de recherche de voyages en ligne Skyscanner annonçait fièrement à tous ses potentiels clients qu’un jour de la semaine en particulier serait propice aux bonnes affaires pour l’achat d’un billet d’avion. En analysant une multitude de transactions, l’application décrète que le mardi rime désormais avec économie.
Toujours à l’affût lorsqu’il s’agit d’entretenir notre radinerie, nous avons contacté un représentant de la marque, qui nous a confirmé la bonne nouvelle de l’année : « Concrètement, un pôle d’experts en interne analyse chaque jour plus de 80 milliards de prix de billets d’avion, et nous mettons en avant, via notre application, une sélection de vols dont le prix a chuté d’au moins 20 % par rapport aux sept jours précédents. » Une fonctionnalité baptisée Drops répertorie désormais tous les vols ayant connu une baisse significative de leur tarif. « Nos experts data ont observé, sur la base des tendances du mois de janvier, que le mardi matin est le jour où l’on enregistre le plus grand nombre de baisses significatives de prix. Ce phénomène s’explique en partie par la dynamique du marché aérien : les compagnies ajustent régulièrement leurs tarifs en début de semaine, ce qui entraîne des variations plus marquées le mardi. »
Même son de cloche chez Kayak.fr qui, après avoir analysé les données des recherches effectuées sur son site et ses marques associées début 2024, affirme que le mardi semble offrir les meilleures offres pour réserver un billet d’avion.
L’offre et la demande
Dans le monde magique du yield management (ou tarification en temps réel, en bon français), les prix s’ajustent en fonction du comportement des consommateurs. En clair, le prix des billets varie en fonction de la demande, du remplissage des avions et du moment de la réservation. C’est pour cette raison que les tarifs peuvent temporairement baisser si un vol n’atteint pas son taux de remplissage attendu, ou au contraire, exploser lorsque la demande s’avère plus forte. « Il n’est pas possible que les prix soient mis à jour une seule fois par semaine. Tout est automatisé et géré par des algorithmes, ce qui signifie que les prix peuvent évoluer d’un jour à l’autre », analyse Katy Bernaville, cheffe de produit chez Ôvoyages, tour-opérateur français spécialisé dans la production de voyages. « Nous recevons en permanence des flux de prix du secteur aérien, et ces prix varient quotidiennement. Cela s’explique par le fait qu’un avion est divisé en différentes classes de réservation, chacune disposant d’un nombre limité de sièges. Une fois ces sièges vendus, on passe à la classe supérieure, plus chère, même si ces classes ne sont pas figées : si une forte demande est détectée, les prix peuvent évoluer encore plus rapidement. Notre département de yield management surveille chaque jour l’évolution des prix des principales destinations. L’objectif est d’ajuster nos marges ou de modifier nos offres si nécessaire. »
Et lorsqu’on ose demander aux compagnies aériennes de se justifier sur ces pratiques commerciales, le vent est de mise, puisque seulement une des cinq sollicitées dans le cadre de cet article a joué la carte de la transparence. Selon Jean-Marc Hastings, Directeur France & Europe Air Tahiti Nui, le Yield management aurait tout de même un aspect positif : « celui de proposer des tarifs plus attractifs en cas de remplissage à dynamiser, permettant ainsi une meilleure accessibilité des billets à différents moments. » « Les compagnies aériennes restent très opaques sur leur politique tarifaire », conclut Katy Bernaville, « mais une chose est sûre : si vous regardez un vol Paris-New York un lundi à 500 €, il peut très bien être à 800 € le vendredi, sans attendre le mardi suivant pour évoluer. »
Quand les prix décollent
Trouver une bonne affaire devient alors, dans un monde frappé par l’inflation, un véritable parcours du combattant, surtout lorsqu’on s’aperçoit que les billets d’avion ont augmenté en 2024 de 16,6 % en moyenne par rapport à 2019, selon une étude de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Et cela ne risque pas de s’arranger : depuis le 1ᵉʳ mars dernier, une nouvelle taxe de solidarité sur les billets d’avion est entrée en vigueur. Fini les 2,63 € prélevés sur chaque vente de billet, il faut désormais compter 14,80 € pour un aller-retour en Europe et 40 € pour une destination située à plus de 5 500 km. Le but ? Redresser les finances publiques (la mesure devrait rapporter entre 800 et 850 millions d’euros) et inciter la population à privilégier des modes de transport plus écologiques.
Changer votre adresse IP ou vous lever en pleine nuit pour espérer trouver des vols moins chers n’y changera rien : si vous souhaitez réaliser des économies, il faut avant tout anticiper, comme nous le confirme Jean-Marc Hastings : » Les prix évoluent en temps réel selon la disponibilité des sièges et les comportements d’achat globaux, mais ils ne changent pas en fonction de l’adresse IP de l’utilisateur. Anticiper reste la clé pour avoir le meilleur prix. » C’est ce qu’a bien compris Misterfly, un spécialiste de la réservation de voyages en ligne, qui vient de dévoiler une option susceptible de faire jurisprudence dans le monde impitoyable du voyage : détenir le pouvoir suprême de geler les prix. Alors que la plupart des compagnies aériennes permettent de bloquer le prix d’un billet pour une durée limitée en posant une option sur ce dernier, Misterfly propose désormais de figer un tarif jusqu’à un an avant la date de départ, et ce, jusqu’à 10 jours avant le vol. Et lorsqu’on sait que les premiers arrivés sont bien souvent les mieux servis en matière de tarification, on se réjouit de voir que nos efforts de planification portent enfin leurs fruits. Les vraies vacances… ça se mérite !
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