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Avoir raison trop tôt, ce n’est pas toujours payant. Matra, souvent précurseur, ne le sait que trop bien. La preuve avec la très maligne Rancho, frimeuse parfaite pour aller chercher Vic devant le lycée Henri IV dans La Boum... Ou le premier faux 4x4, donc vrai SUV moderne. Voici le quatrième épisode de notre série d'été consacrée aux voitures kitsch mais culte.
L’histoire de Matra en automobile est hors norme, émaillée de succès d’estime (les coupés avec 3 places de front Bagheera et Murena, l’étrange monospace-coupé Renault Avantime), mais aussi de vrais moments de gloire. Parmi eux, de magnifiques victoires au Mans et en Formule 1 ou l’immense succès du Renault Espace. À cela s’ajoute une réussite en demi-teinte au potentiel qui aurait pu être décuplé : la Matra Rancho.
Un look de baroudeur cultivé habilement dans le moindre détail, des accessoires pour jouer les aventuriers, une position en hauteur pour dominer mais aucun des inconvénients des vrais 4×4 de l’époque, ultra-rustiques et laborieux sur route, tandis que le luxueux Range Rover séduit par son confort les plus argentés. La Matra Rancho a simplement inventé les SUV avant l’heure ! Pourtant, à sa naissance, le concept est loin d’être évident.
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Bricolage anti-crise
De la crise pétrolière de 1973-74 sont nés, par la force des choses, de nouveaux projets chez Matra sous la direction du visionnaire Philippe Guédon. Exit, les voitures de sport : place à des concepts plus raisonnables. Facile à dire, mais ce n’est pas tous les quatre matins qu’on accouche d’une vraie nouvelle idée.
Les véhicules de loisirs, la grande évasion et l’exotisme sont des pistes. Et le pragmatisme pour le budget, obligatoire. Alors, la marque prend une base d’utilitaire, le Simca VF2 pick-up, pour transformer une citrouille au look très basique en carrosse tout-chemin, grâce au designer Antoine Volanis. Voila la Matra Rancho.
Pas de transmission 4×4 complexe et lourde, une simple surélévation de la suspension suffira bien pour sortir gentiment du bitume. La partie arrière cubique du petit utilitaire est remplacée par un espace vitré avec un décrochement au niveau du toit, et les passages de roues sont élargis avec de robustes empiècements de plastique brut dans le prolongement de grosses protections latérales (déjà, l’esprit de combattant des boulevards). Ajoutez une galerie de toit, des grilles de protection des phares et même, des projecteurs de poursuite à la base du pare-brise et des couleurs ad-hoc (rouge, vert ou beige au début) et vous voilà dans un univers entre Daktari et Thoiry…
Matra Rancho : le premier SUV
L’aventure est au coin de la rue, même si les modestes 80 chevaux sous le capot ne rugissent pas très fort. La Matra Rancho est un projet low cost mais maxi effet.
Le magazine Lui la décrit « plus confortable qu’une Jeep et moins sophistiquée que d’autres, partante pour toutes les fantaisies ». L’Auto-Journal, sous la plume de Jean-Loup Nory, explique que « la tâche sera rude, la clientèle est mal définie. Puis, il n’est pas sûr que l’auto verte en France se développe aussi promptement et avec autant de facilité qu’aux États-Unis. Reste l’esthétique particulière qui devra conquérir le cœur des jeunes et des autres ».
Pourtant, la Rancho remporte un succès qui surprend, avec plus de 56 000 exemplaires produits entre 1977 et 1983 sous la marque Matra-Simca au moment de sa présentation au salon de Genève 1977, puis Talbot-Matra.
Des versions découvrables, utilitaires ou plus huppées (X, Davos ou Grand Raid avec un différentiel renforçant ses capacités d’adhérence, une roue de secours sur le toit et une fonction couchette) virent le jour pour animer une carrière étonnante, bien avant le succès des SUV d’aujourd’hui garés dans le garage de chaque famille ou presque.
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