The Good Guide
Faut-il changer d'avis sur la place au comptoir au restaurant ? Oui, à condition de dîner à deux.
Je n’ai jamais été une fan du concept de manger au comptoir d’un restaurant. Je mesure moins d’un mètre soixante : mes jambes ne trouvent que rarement un repos bien mérité la barre — si elle existe — des chaises hautes. Je suis une partisane du moindre effort qui cherche avant tout une assiste confortable et non pas un tabouret en rotin qui agrippe mon pantalon et laisse une fois sur deux mon dos en peine.
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Ma première épiphanie
J’ai changé d’avis chez Chocho, juste après avoir médit dans l’oreille de celle qui avait l’honneur de m’accompagner ce jour-là — je m’entends encore dire « pourquoi ils nous ont mis là-bas, la salle est vide ! »
Mes talons reposant fermement sur un cale-pieds, mon dos imprimant généreusement le dossier en velours qui fut mien ce midi-la, je fus contrainte d’admettre à mi-repas qu’on n’était pas si mal assises… Plutôt bien, même.
Pas une odeur de cuisine, une abondance de sourires et d’explications en avant-première, notre œil curieux se baladant sur chacun des plats dressés devant nous et un service en parfaite harmonie avec la cadence de notre coup de fourchette : je me rendais compte des avantages d’un repas au comptoir d’un restaurant — quand celui-ci nous sépare de la cuisine, s’entend. (À cela, nous ajouterons les critères du confort de l’assise et de l’ajustement de sa hauteur quant à celle du bar. Un postérieur douloureux ou une position d’enfant sur une chaise trop haute pour soi élimine en quelques battements de cils la magie d’un repas.)
Depuis ma visite chez Chocho en 2020, j’ai vu se généraliser dans les salles des restaurants qui se sont nés à Paris la présence d’une cuisine ouverte. Entre le « on n’a rien à cacher » et le « bienvenue au spectacle », certains restaurateurs ont en effet eu la bonne idée de remplacer le passe par un comptoir auxquels leurs clients pourraient prendre place. Si l’idée remet en perspective l’organisation interne de la cuisine, elle introduit en parallèle pour les gastronomes curieux une nouvelle dimension à leur repas.
Manger au comptoir est une expérience à part
Une cuisine ouverte sur sa salle implique une parfaite entente et synchronisation de la brigade. C’est ce qui nous a frappé chez Hémicycle, alors que la nouvelle table préférée des députés de la République — elle tire son nom de l’organe d’état voisin — venait tout juste d’ouvrir ses portes. On y fut le témoin de la direction du chef Flavio Lucarini envers sa brigade, ferme et bienveillant. Mieux encore, c’est lui qui nous servit certains de ses plats avec un supplément d’anecdotes, et qui orienta le sommelier sur le choix de notre vin.
Car le comptoir de restaurant permet à celui qui en est le « chef », dans tous les sens du terme, d’avoir un œil (et une oreille) sur tout. Sa salle, ses convives, leurs moues, leurs coups de fourchettes mais aussi leurs commentaires.
Chez Boubalé, nouvel opus du flamboyant JLM Group (Shabour, Tékés), mené par le chef étoilé Assaf Granit, chaque paire attablée au bar se voit attribuer un second qui s’occupera d’elle. Les plats sont dressés littéralement devant les yeux des gourmets — l’assise est parfaite, assez hautes pour zieuter sur les mains agiles du chef —, servis en un coup de bras. Besoin d’un nouveau verre de vin ? « Laissez moi appeler le sommelier », s’empresse notre hôte d’un soir, l’œil toujours aguets d’un verre ou d’une assiette vide.
Car, plutôt que d’encombrer le comptoir sur lequel dînent les invités — une critère à ajouter à la liste des points de vigilance —, le staff en cuisine envoie les plats au rythme de l’appétit. Estomac bien rempli ou au contraire prêt à rempiler, il suffira d’une parole pour que le menu soit ajusté. Fini, donc, le torticolis gagné le bras en l’air en essayant d’attirer l’attention d’un serveur.
L’assiette est-elle meilleure quand on en connaît l’artiste ?
L’assiette est-elle meilleure quand on en connaît l’artiste ? Oui. Car celui-ci aura toujours un mot pour vous, une histoire à raconter sur l’émotion qu’a cherché à traduire le chef en écrivant sa recette ou une précision sur cette touche de sauce un peu verte dont vous avez oublié l’origine.
Dans des temps où certains restaurants proposent désormais la commande et le paiement par le biais d’un QR code à scanner sur son smartphone, rien de mieux que de tisser un lien supplémentaire avec son assiette, certes éphémère, mais qui ajoutera à sa légende.
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Chocho
54 Rue de Paradis, 75010 Paris
Hémicycle
5 Rue de Bourgogne, 75007 Paris
Boubalé
6 Rue des Archives, 75004 Paris