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Lufthansa, die airline
La compagnie à la cigogne, qui affichait un chiffre d’affaires de 30 Mds € en 2013, vole vers un horizon toujours plus lumineux.
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The Good Business

Lufthansa, la discrète

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Ce n’est pas sans une pointe d’arrogance que la puissante Lufthansa a conquis ses dimensions stratégiques de première compagnie européenne, elle qui se paie le luxe d’afficher un milliard d’euros de bénéfices quand sa rivale Air France peine à sortir du rouge. Mais la pluie de récompenses engrangées par la First Class, qui fait sa renommée mondiale, n’empêche pas Lufthansa de lancer une nouvelle Premium Economy très… premium, et même de s’aventurer sous les latitudes du low‐cost.

Le groupe Lufthansa en chiffres

  • 400 filiales et entreprises affiliées, dont Swiss, Austrian, Brussels Airlines, Germanwings, Lufthansa Cargo, Lufthansa Technik, LSG Sky Chefs…
  • 117 000 employés.
  • Plus de 105 millions de passagers transportés en 2014 (Lufthansa, Germanwings, Austrian et Swiss incluses).
  • 5 hubs : Francfort, Munich, Düsseldorf, Zurich et Vienne.
  • 285 destinations.
  • Flotte : plus de 620 avions pour le groupe – 288 avions pour la compagnie Lufthansa – et 260 autres en commande, dont la livraison est prévue entre 2014 et 2025, pour un montant total de 32 Mds €.
  • Dernière commande en date : 59 appareils long-courriers (34 Boeing 777 et 24 Airbus A350) pour un montant de 14 M €.
  • Chiffre d’affaires 2013 : 30 Mds €.
  • Bénéfice net : 313 M € en 2013, pour un bénéfice opérationnel de 1,04 Md € en 2013.
  • Membre du réseau mondial Star Alliance.
  • Récompense : sa First Class a décroché 5 étoiles au classement Skytrax 2013.

Lufthansa ne cesse de cultiver cette German touch haut de gamme, dont elle revendique fièrement l’ADN. Vitrine lumineuse de son savoir‐faire, le hub de l’aéroport de Francfort, cette grande plaque tournante commerciale et citadine, avec ses boutiques et ses restaurants (sans oublier sa fameuse boulangerie Heberer, si réputée que les habitants de Francfort viennent spécialement y acheter leur pain !), est le centre névralgique de Lufthansa, avec ses 37 millions de passagers annuels (sur 60 millions au total), dont 70% ne font qu’y transiter quelques heures. Tout à la gloire de Lufthansa et de ses partenaires de Star Alliance – l’extension récente du terminal 1 lui est entièrement dédiée –, ce carrefour de l’aérien a récemment, en 2012, gagné quelque 185 000 m2 pour faire face à un trafic toujours plus dense.

L’aéroport de Francfort accueille le hub le plus important de la Lufthansa, qui voit passer 37 millions de ses passagers annuels sur un total de 60 millions.
L’aéroport de Francfort accueille le hub le plus important de la Lufthansa, qui voit passer 37 millions de ses passagers annuels sur un total de 60 millions. Ingrid Friedl
Le business-lounge Lufthansa, à Francfort.
Le business-lounge Lufthansa, à Francfort. Dominik Mentzos

Ces voyageurs au long cours, la compagnie entend qu’ils poursuivent leur voyage au sol comme dans les airs, avec une attention égale à celle qu’ils reçoivent à bord. « Un passager de la ligne Washington–Francfort passe plusieurs heures à l’aéroport avant de prendre un autre vol vers l’Europe ou l’Asie, observe Martin Riecken, directeur de la communication de Lufthansa. Les cinq principaux lounges de notre compagnie lui offrent (en Business Class et First Class) une escale agréable et roborative au cours de laquelle il peut librement se reposer, se restaurer, se détendre ou travailler, le tout dans une atmosphère apaisante et lumineuse. »

L’aéroport de Francfort accueille le hub le plus important de la Lufthansa, qui voit passer 37 millions de ses passagers annuels sur un total de 60 millions.
L’aéroport de Francfort accueille le hub le plus important de la Lufthansa, qui voit passer 37 millions de ses passagers annuels sur un total de 60 millions. Ingrid Friedl

Prisée pour son service limousine, l’accès à son lounge privatif et ses prestations à la carte, sa First séduit aussi par son offre personnalisée : « Libre à tel passager VIP ou à telle star d’Hollywood de s’isoler à sa convenance, observe Martin Riecken. En effet, un simple bouton permet d’élever ou d’abaisser une cloison amovible. C’est une fonctionnalité qui n’existe pas sur les autres compagnies. » « Le luxe n’est d’ailleurs pas l’unique exigence de notre clientèle, renchérit avec fierté ce sobre barman cravaté. La surprendre fait aussi partie de notre job. La semaine dernière, nous avons proposé une dégustation de douze Coca-Cola originaires des quatre coins du monde : des États-Unis, de Russie et même de Chine ! »
Et Lufthansa, qui vient d’empocher 5 étoiles au classement Skytrax pour sa First, de viser désormais la même récompense avec sa toute nouvelle Premium Economy. Quelques mois après son lancement, le taux de réservation dépasserait ses prévisions les plus optimistes ! « Notre Premium vient combler ce trop grand décalage entre les sièges-lits de la Business et la plus sommaire Economy, précise Martin Riecken. Elle s’adresse tout autant aux passagers loisirs en quête de confort qu’aux voyageurs Business dont les patrons d’entreprise jugent le ticket Business trop onéreux. » Sans nier un risque de cannibalisation sur les ventes de sièges en Business Class.

Lufthansa joue la carte d’une Premium Eco vraiment smart, avec ses sièges confortables et espacés, ses assiettes en porcelaine, sa connexion wifi et un accès au salon Business Class. Lufthansa place délibérément ce sens du détail et du sur‐mesure au cœur de sa stratégie marketing. Directeur général France du courtier aérien Pro Sky, Gilles Meynard souligne deux initiatives révélatrices de cette approche : « Dans l’univers de l’aviation d’affaires, Lufthansa a su très tôt combiner ses vols réguliers Business et First avec la possibilité de réserver (via sa filiale NetJets) des jets privés en correspondance à Francfort ou à Munich. » Et le consultant du transport aérien de citer cet autre point fort de la compagnie sur le territoire allemand, où « la cigogne décline depuis vingt-cinq ans sa marque et son identité visuelle via des agences de voyages privées, les Luft City Centers. Imaginez des agences Air France Center dans toutes les préfectures de France ! »

Lufthansa/Air France : difficile d’évoquer la première sans citer la seconde, tant les deux legacy carriers jouent à touche‐touche dans le ciel aérien. Moins glamour que sa rivale française, Lufthansa n’a pas fait dans la demi-mesure pour faire voler ses avions Boeing et Airbus au macaron jaune et bleu vers des destinations où la compagnie bleu, blanc, rouge fut longtemps chez elle. Ainsi de l’Afrique, que la compagnie allemande a mise dans son viseur au lendemain de son rachat de Brussels Airlines (spécialiste de l’Afrique subsaharienne) en 2009, ou de la liaison France–Allemagne, que Lufthansa vient « chasser » sur le tarmac de sa rivale, en multipliant les vols. Son ambitieuse feuille de route s’est révélée à l’aube des années 2000, avec une montée en puissance augurée par l’acquisition de Swissair en 2005, rebaptisée Swiss. « Une vraie pépite, note Jean‐Louis Baroux, CEO d’APG World Connect. Et c’est tout à l’honneur de Lufthansa que d’avoir su imprimer sa patte tout en préservant la personnalité remarquable de sa filiale suisse. » Swiss et sa clientèle sélecte d’hommes d’affaires et de diplomates…

La compagnie aérienne allemande possède une flotte de plus de 288 avions.
La compagnie aérienne allemande possède une flotte de plus de 288 avions. Michael Penner

Mais ce positionnement de choc de Lufthansa au cœur de l’Europe – elle dispose désormais d’un portfolio de cinq filiales – ne suffit pas à l’immuniser contre une compétition qui fait rage et qui la place, comme toutes les grandes compagnies généralistes, dans cette position délicate d’une double lutte contre les compagnies du Golfe (dont elle dénonce les inéquitables soutiens financiers) et contre ces start‐up de l’aérien – Ryanair, Vueling, Easyjet –, dont la fronde toujours plus ample sur les liaisons « point à point » la pousse à réviser son business‐model. D’où l’embarquement de Lufthansa sur cette piste du low‐cost, pourtant bien peu inscrite dans ses gènes ! Ainsi la compagnie, en dépit d’une grève des pilotes qui l’a récemment conduite à revoir ses prévisions à la baisse, entend-elle se positionner sur ce marché florissant sous le nom de code Wings, dont l’inscription en lettres rouges se démarque résolument du label Lufthansa. Après sa filiale low cost court‐courrier Germanwings, déjà en passe d’être rentable un an après son lancement, et Eurowings, concentrée sur le marché européen, c’est au tour de New Eurowings de s’en aller capter, dès la fin 2015, les voyageurs long‐courriers à prix allégés. Et Jens Bischof, CCO commercial de Lufthansa, de citer en exemple… Volkswagen : « A l’instar de ce groupe auto qui possède les marques Skoda et Seat d’un côté, et, de l’autre, Bentley, Porsche et Audi, nous voulons nous aussi élargir notre portefeuille de marques », affirme‐t‐il. « Volkswagen, das Auto », martèle une certaine pub… Alors, Lufthansa, die Airline ?

6 questions à Jens Bischof

Directeur commercial de Lufthansa (CCO), membre du board de la compagnie.

Jens Bischof

The Good Life : Quels sont les grands axes du développement à venir de Lufthansa, afin qu’elle garde sa place de grande compagnie premium ?
Jens Bischof : 2015 sera une grande année. Nous investissons actuellement 3 milliards d’euros dans le développement de nos produits et services. D’ici à mai, l’ensemble de notre flotte long-courrier sera équipée de la toute nouvelle First Class, et, d’ici à l’été, le processus de rénovation des cabines Business Class, avec lits entièrement inclinables, sera achevé. Quant à la nouvelle classe Premium Economy, elle sera proposée à bord de tous les appareils long-courriers dès octobre 2015. Lufthansa souhaite devenir la première compagnie non asiatique classée cinq étoiles.
TGL : Après Austrian, Brussel Airlines, Swiss et Germanwings, avez-vous d’autres projets d’acquisition en vue ?
J. B. : Notre groupe leader de l’avion civil cherche actuellement à exploiter tout le potentiel de ces acquisitions. De plus, nos partenariats d’exploitation avec United et Air Canada en Amérique du Nord, avec All Nippon Airlines entre l’Europe et le Japon, et bientôt avec Air China, constituent de très bonnes opportunités de développement.
TGL : Quelle est votre stratégie à venir pour contrer la montée en puissance des compagnies du Golfe ?
J. B. : Effectivement, les compagnies du Golfe ont de l’avance sur leurs concurrents en matière de politique et financement ! Elles bénéficient du soutien total de leurs gouvernements, tandis que les compagnies européennes doivent composer avec les taxes de départ, les quotas d’émissions, des systèmes hétérogènes de contrôle du trafic aérien et les interdictions de voler la nuit. Dans cet environnement difficile, nous nous concentrons sur la qualité et la fiabilité de nos services et sur nos cinq hubs européens, classés parmi les meilleurs.
TGL : Vos filiales Lufthansa Technik et LSG Sky Chefs ont réalisé en 2013 les meilleurs résultats de toute leur histoire.
J. B. : Notre puissant groupe bénéficie de la croissance mondiale de l’industrie aérienne, et ce au-delà de notre activité d’aviation civile. C’est un avantage significatif sur nos concurrents. Ces filiales, qui sont rentables et leaders sur leur marché, génèrent 30 % du chiffre d’affaires du groupe. Nous souhaitons porter cette part à 40 %.
TGL : Avez-vous l’intention de généraliser votre système de divertissement Wifi Board Connect ?
J. B. : Nous proposons déjà l’accès gratuit à un service de streaming sans fil à bord de vingt de nos A321, sur des vols de plus de trois heures à destination d’Athènes, de Moscou ou de Tel-Aviv. Ce service, qui permet de regarder des films, des programmes télé ou de faire des achats en ligne, est très apprécié de nos clients. Son extension est actuellement à l’étude.
TGL : Maintenez-vous vos perspectives de développement sur le low-cost ?
J. B. : Ces vols low cost, sous la marque Eurowings, concerneront une centaine d’appareils. Nous allons démontrer à nos passagers que le made in Germany et son haut niveau de qualité peuvent coexister avec le low-cost. Néanmoins, pour remettre les choses en perspective, rappelons que sur les 600 appareils que compte le groupe Lufthansa, 500 continueront de voler sur le segment premium, pour continuer ainsi de desservir l’un des meilleurs réseaux de l’industrie aérienne mondiale.

Carsten Spohr, charismatique CEO « maison »

Carsten Spohr

A peine venait-on d’annoncer l’embarquement imminent de ce jeune vétéran de 47 ans à la direction de la Deutsche Lufthansa, en mai dernier, que les membres du conseil de surveillance de ce groupe coté en Bourse saluaient la nomination de cet homme clé du haut management comme commandant de bord suprême de la compagnie. Plus extraverti que son brillant, mais peu disert prédécesseur Christopher Franz, Carsten Spohr, diplômé d’ingénierie industrielle de l’université de Karlsruhe et détenteur d’une licence de pilote sur Airbus A320, n’est autre que l’ex-patron de la division Passagers du groupe (les trois quarts du chiffre d’affaires de Lufthansa à elle seule). Ce père de deux enfants, que le quotidien populaire allemand Bild osa baptiser « le chouchou des hôtesses », n’hésite pas à donner de la voix pour dénoncer le dumping déloyal des compagnies du Golfe et à employer un langage d’entrepreneur pour justifier cette restructuration dont il hérite et qu’il entend mener à son terme à tire-d’aile pour consolider la compagnie. Un fleuron industriel où Carsten Spohr est entré il y a vingt ans et dont il parle comme d’une famille, lui qui se dit « né et élevé » chez Lufthansa. Un vrai point fort aux yeux du groupe, qui a toujours su entourer sa force de frappe d’un management stable.

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