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The Good Culture
Liste la plus exhaustive s’il en est, elle constitue un modèle du genre pour tous ceux qui aiment la littérature. Ces livres nous ont changé à tout jamais et nous les conseillons à la lecture et à la relecture, sans modération. Voici 10 ouvrages à lire au moins une fois dans sa vie.
Ce ne sont pas les plus indémodables, pas toujours les grands classiques, pas obligatoirement ceux avec lesquels on se fait mousser en soirée, ce sont ceux qu’on aime, un peu plus que les autres, peut-être mieux, du moins avec la compréhension qu’ils méritent. On peut les relire, en comprendre un sens différent à mesure que notre âge avance. On peut aussi les oublier, alors qu’ils sont peut-être tombés involontairement derrière une étagère. Pourtant, une fois qu’on a lu ces livres, on s’en souvient toute notre vie.
Ah comme cette liste est compliquée à faire ! Ah comme le choix de ceux qui nous ont marqué offrent une ultime difficulté lorsqu’il faut, en plus, sélectionner quel est leur meilleur roman ! Évidemment, tout ça n’est que pure subjectivité. Faite qu’elle vous donne envie de reprendre un vieux livre dans une bibliothèque, de demander à vos aïeux de vous donner leur livre préféré, qu’elle vous fasse replonger dans les classiques et découvrir, derrière les légendes, les vraies histoires. Pas forcément les plus belles où l’écriture se manie avec – trop de ? – brio, mais celles qui ne vous ont jamais quittées et avec qui vous vivez depuis toujours.
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10 livres à lire une fois dans sa vie
« Tendre est la nuit » de Francis Scott Fitzgerald
Évidemment vous devriez lire « Gatsby le Magnifique », évidemment enchainer avec « L’Envers du Paradis » ainsi que « Beaux et damnés », sans doute avaler toute « L’Étrange histoire de Benjamin Button » puis « Le Dernier Nabab » avant de terminer par « Un diamant gros comme le Ritz ». Ainsi, vous seriez définitivement accro à l’un des écrivains les plus fous et les plus dépressifs de sa génération, le génial Francis Scott Fitzgerald (1896 – 1940). Il vous faudrait alors commencer sa correspondance avec Zelda, découvrir sa vie privée et ses amitiés pour rester pantois et attaquer « Tendre est la nuit ».
De tous ses romans, l’ambiance de celui-ci est une musique qui ne vous quittera pas. Le film d’un amour impossible se déroule sans accroc au fil des pages : les années 20, la Côte d’Azur, Paris et le champagne. On dit que ce roman est autobiographique, que la maladie mentale du personnage de Nicole serait celle de Zelda, la femme de l’auteur. Le cynisme de ces pages n’en apparait que plus éclatant. Francis Scott est devenu maudit et désabusé, sa lucidité est d’une terrible beauté.
« Tendre est la nuit » de Francis Scott Fitzgerald aux éditions Folio
« Kafka sur le rivage » d’Haruki Murakami
A 75 ans, on prédit chaque année à l’auteur japonais de remporter le prix Nobel de Littérature. Faut-il citer « Chroniques de l’oiseau à ressort » ? Ou bien la trilogie 1Q84 ? « Les amants du Spoutnik » ou « Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil » ? Ces livres sont autant de titres évocateurs d’histoires nichées dans des contrées lointaines où la nature est verdoyante et peuplée de fantômes, de délicatesse – ou bien est-ce de la lenteur ? – toute japonaise et de destins bousculés. Car Haruki Murakami est toujours d’une élégance sans faille.
Il y a de l’absurde dans ce titre-ci (et dans le roman !). Il y en a également dans la question « quel roman d’Haruki Murakami conseiller plus qu’un autre ? ». « Kafka sur le rivage » est un roman initiatique entre le rêve et la réalité où se croisent un jeune japonais de 15 ans nommé Kafka (oui, son nom n’est pas le fruit du hasard) et un vieux japonais appelé Nakata, ancien voyou dont la sagesse illumine Kafka. Il croisera également dans ce monde onirique un chauffeur routier, une directrice de bibliothèque et une bibliothécaire. Parce que c’est un roman qui hante et qui reste. L’un des meilleurs livres jamais écrit, à lire au moins une fois dans sa vie.
« Kafka sur le rivage » d’Haruki Murakami aux éditions 10/18
« Les chroniques de San Francisco » d’Armistead Maupin
Encore une histoire dont l’ambiance ne vous quittera pas ! Un doux parfum de liberté mêlé au soleil de la Californie rythment les 10 volumes de cette saga qui débute dans les années 70. Publiée de 1978 à 2024, c’est une série avant l’heure où les personnes vous collent à la peau bien après la dernière page refermée. Les trois premiers volumes des « chroniques » sont des romans cultes pour toute une génération. Et si Netflix a essayé de les porter à l’écran, rien ne vaut la verve d’un Armistead Maupin au mieux de sa forme. Visez plutôt : « Noël est une conspiration pour bien faire sentir aux célibataires qu’ils sont seuls » ou « personne n’est heureux. Et puis qu’est-ce qu’être heureux ? Puisque le bonheur s’arrête dès qu’on rallume la lumière ».
L’histoire débute avec Mary Ann Singleton qui débarque à San Francisco après avoir quitté son Ohio natal. Elle loge au 28 Barbary Lane, une pension tenue par Mme Madrigal, personnage central des « chroniques » qui « frise la cinquantaine », où elle va découvrir tous les locataires de ce petit immeuble de trois étages. Homosexualité, drogue et rock’n’roll sont au cœur de ces ouvrages d’une modernité stupéfiante. Mary découvre le cynisme, les histoires de cœurs brisés de son amie Mona, bisexuelle, et Michael, un homosexuel en quête du grand amour. Une bande de copains qui disent tout.
« Les chroniques de San Francisco » d’Armistead Maupin aux éditions 10/18
« Raison et sentiments » de Jane Austen, l’un des livres à lire une fois dans sa vie
Publié en 1811, « Raison et sentiment » est le premier roman de la reine de la littérature anglaise. La question est simple : faut-il opposer la raison aux sentiments ? Pour cela, Jane Austen (1775 – 1817) convoque deux personnages, deux sœurs, à qui elle donne un thème contradictoire à chacune. L’une est à la limite de la mièvrerie, elle personnifie les sentiments, l’autre a la sagesse comme compagnon du quotidien, elle personnifie la raison. Mais dans ce roman d’éducation sentimentale, l’une comme l’autre passera entre les rives de territoires contraires ! Pour nous apprendre qu’en amour, la théorie ne tient pas.
En plus d’un texte dont la leçon reste juste, quel plaisir de lire cette femme de 36 ans, encouragé à la lecture par sa famille, dont le soutien sans faille lui permettra de devenir écrivain. C’est comme entrer dans la confidence et découvrir l’esprit d’un génie. D’abord publié de façon anonyme à sa sortie, elle mettra son nom en 1813 sur le manuscrit d’« Orgueil et Préjugés » qui la révèlera à ses lecteurs (à l’époque, l’élite littéraire) et dévoilera une critique étoffée des romans sentimentaux de l’époque. Avant de carrément devenir pop et populaire.
« Raison et sentiments » de Jane Austen aux éditions d’Hauteville, l’un de nos livres à lire une fois dans sa vie.
« La Chamade » de Françoise Sagan
Ah Françoise Sagan (1935 – 2004)… Tout un mythe qui défile devant nos yeux quand on prononce son nom. Mais la lit-on suffisamment ? Et que choisir ou préféré parmi ces romans faussement sympathiques. « Bonjour tristesse » pourrait paraitre évident. « Aimez-vous Brahms » plus installé mais tout aussi ironique ou « Un certain sourire » peut-être ? Où l’on peut lire : « Tous les dangers guettent Dominique au bord de la Méditerranée. Elle ne sait pas comment on guérit d’un amour… » ? Ou devrait-on évoquer « Des bleus à l’âme », sans doute le plus autobiographique ? Non, ce sera « La Chamade ».
L’oisiveté dans tout ce qu’elle a d’important. La légèreté dans tout ce qu’elle cache de difficile. La jeunesse dorée dans tout ce qu’elle ignore d’essentiel. « La Chamade » reprend les thèmes chers à Sagan et se lit comme un bonbon, comme un film des années 60. On les entendrait presque parler ces héroïnes à la moue boudeuse et aux voyelles qui se détachent en saccades. Une jeune fille futile « parfaitement irresponsable » vit avec son riche amant intellectuel Charles et s’amuse. Elle croise Antoine pour qui elle ressent un amour physique instantané. Oui mais voilà Charles sait qu’elle reviendra… « Vous me reviendrez. Je n’ai qu’à attendre » lui dit-il. Dans le film de 1968 d’Alain Cavalier qui reprend le roman, c’est Catherine Deneuve qui joue la jeune Lucile, si, si, la belle créature dans son peignoir jaune poussin immortalisée sur la pellicule. Sagan c’est ça, un baume qui vous entoure le cœur de douceur et d’âpreté, un univers en sépia si charmant qu’on en oublierait presque la lecture implacable de nos mœurs jetés en pâture, des bons mots qu’on aimerait retenir et prononcer avec le même panache que ses personnages.
« – D’où vient l’expression « la chamade » demanda le jeune Anglais à l’autre bout de la table. - D’après le Littré, c’était un roulement joué par les tambours pour annoncer la défaite, dit un érudit. »
« Madame Bovary » de Gustave Flaubert
Comment ne pas conseiller à quelqu’un de lire « Madame Bovary » ? Ce classique de la littérature française paru en 1857 chez Michel Levy frères est un délice qui vous poursuit toute votre vie. Il relate l’histoire d’Emma, femme d’un médecin de Provence qui tente de tromper l’ennui avec des relations adultères. Elle rêve d’une vie épique et romantique et se réfugie dans les romans à l’eau de rose. Une Drama Queen qui s’invente une vie pourrait-on résumer prosaïquement. Frustration, rêve de grandeur, sentimentalisme exacerbé, dettes, imagination, « faire sa Bovary » vous promet une fin tragique.
A vous de voir ensuite de quel côté vous vous situez. Car le grand Gustave Flaubert (1821 – 1880) ne s’embarrasse pas de jugement, et il ne cesse de changer de points de vue, adoptant celui d’Emma Bovary autant que des autres personnages. La vie est-elle si triste, brimant nos rêves avec méticulosité ? Ou la vie que voudrait Emma, incapable d’y trouver de l’intérêt, est-elle triste ? Des années plus tard, on ressent encore toute l’ironie flaubertienne des situations. Et s’il n’est pas présenté comme tel, « Madame Bovary » est un superbe roman d’initiation, qui dit beaucoup sur la vie et ses désillusions.
« Madame Bovary » de Gustave Flaubert aux Éditions pédagogiques Magnard, l’un de nos livres à lire une fois dans sa vie.
« Éducation européenne » de Romain Gary
Seul auteur à avoir reçu deux fois le prix Goncourt, une fois pour « Les Racines du ciel », une autre fois, sous le pseudonyme d’Émile Ajar, pour « La vie devant soi », Romain Gary (1914 – 1980) est évidemment un auteur à lire une fois dans sa vie. On a sélectionné pour vous « Éducation européenne », le roman le plus dingue, d’un point de vue historique, de sa bibliographie mais aussi son tout premier. Le jour, le soldat et pilote de la RAF Romain Kacew, matricule 30049, larguait des bombes sur les positions nazies. Le soir, il écrivait l’histoire du jeune Janek et de ses compagnons polonais, combattant l’envahisseur allemand. Autant dire presque son histoire, transposée dans son pays natal (Wilno en Pologne, devenu depuis la Lituanie), en temps réel. Ce qui en fait un roman extrêmement novateur pour l’époque puisqu’il écrivait l’Histoire, en la vivant.
Il faut lire une fois ces pages pour être hanté à jamais par les observations tantôt teintées de cruauté, tantôt teintées d’humour du héros. Exemples : « aux bonnes raisons, bien valables, bien propres, pour tuer un homme qui ne vous a rien fait » ou, la plus connue, « le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres ». Soit le dur fatalisme qu’on inculquait alors à tous jeunes gens en Europe et la certitude que « rien d’important ne meurt jamais ».
« Éducation européenne » de Romain Gary aux éditions Gallimard
« A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust
S’il y a bien un livre à avoir lu une fois dans sa vie qu’on voit sur toutes les listes, c’est lui. Reste à savoir si les gens le lisent ensuite. Pas évident de sauter le pas quand on sait que l’œuvre d’une vie de Marcel Proust, publiée de 1913 à 1927, compte sept tomes et 2408 pages dans sa récente édition reliée publiée par Gallimard. On le sait Marcel Proust (1871 – 1922) est né dans une famille aisée et aime être un oisif parmi les oisifs, profitant de sa fortune et s’essayant à l’écriture sans succès… Jusqu’en 1907 lorsqu’il entreprend son chef d’œuvre, dont le deuxième volume « A l’ombre des jeunes filles en fleurs » obtient le prix Goncourt en 1919.
Quiconque s’est lancé dans cette aventure de lecture ne peut oublier la profusion des personnages, les réflexions sur le vide de l’existence et celles sur l’homosexualité. Une madeleine de Proust en somme. C’est un mastodonte ovniesque dont la longueur des phrases n’a d’égal que leur rythme et leur piquant. Bref, c’est une fascinante découverte, définitivement l’un des livres à lire une fois dans sa vie — peut-être non sans mal…
« A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust aux éditions Gallimard, l’un de nos livres à lire une fois dans sa vie.
« La Peste » d’Albert Camus
Difficile d’oublier ce roman qu’on propose probablement encore aux lycéens français. Des rats meurent mystérieusement dès les premières pages du roman. Quelques humains suivent, mais pas de quoi s’inquiéter. Puis le verdict tombe : c’est la peste qui s’installe en Algérie, faisant tous les jours des morts. Chaque individu réagit alors différemment devant la maladie, avec sa morale et ses croyances. L’angoisse qui monte, la ville fermée (Oran précisément), l’épidémie qu’on apprivoise, et les fameuses saignées qu’on ne pourra plus jamais oublier. « Nos concitoyens s’étaient mis au pas, ils s’étaient adaptés, comme on dit, parce qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. Ils avaient encore, naturellement, l’attitude du malheur et de la souffrance, mais ils n’en ressentaient plus la pointe. Du reste, le docteur Rieux, par exemple, considérait que c’était cela le malheur, justement, et que l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. » C’est tout cela et plus encore « La Peste », livre paru en 1947 d’Albert Camus (1913 – 1960).
L’un des livres à lire une fois dans sa vie, sur l’absurde et l’indifférence, métaphore selon certains de l’occupation nazie en France, sur l’âme humaine capable de tout même du pire devant l’incompréhension de sa condition.
« La Peste » d’Albert Camus, Collection Folio (n° 42), Gallimard
« L’événement » d’Annie Ernaux, l’un des livres à lire une fois dans sa vie
Deuxième prix Nobel de notre liste et seule personne vivante, Annie Ernaux est une légende. Agrégée de Lettres modernes, professeur jusqu’en 2000 à l’âge de la retraite, la Française manie comme personne l’adage selon laquelle « les petits histoires font la grande Histoire » en mêlant la sociologie et l’anthropologie à ses récits personnels. Comment alors ne pas conseiller « L’évènement », ce court texte relatant « une affaire de femme » ? Repris au cinéma comme au théâtre, la force des mots d’Annie Ernaux demeure et ils résonnent d’autant mieux qu’ils sont écrits noir sur blanc.
La narratrice se remémore, à l’occasion d’un examen de santé dans un cabinet médical, janvier 1964, son avortement clandestin, en même temps que deux mois pendant lesquelles elle erre, cherchant désespérément une « faiseuse d’anges ». La solitude de l’étudiante, les commentaires du médecin ou les actes de cet « ami » qui se croit tout permis. Personne ne peut oublier les lignes de la fin, lorsqu’elle relate cette nuit précise dans sa chambre d’étudiante, et tout le monde devrait les lire. Un témoignage bouleversant et nécessaire, qu’il faut donc lire une fois dans sa vie.
« L’événement » d’Annie Ernaux aux éditions Gallimard