Lifestyle
La notoriété des marques de mode ne suffit souvent plus pour séduire les consommateurs. Il faut désormais leur raconter une histoire alors, forcément, pour beaucoup, le made in France est plus qu’un atout !
Tour d’horizon de ces marques de mode qui jouent la carte du made in France et qui exportent.
Armor Lux. Marinière et pull marin tricotés dans les usines françaises Armor Lux, dont deux à Quimper, ont franchi les mers depuis belle lurette. « Déjà en 1945, nous abordions le Japon et le Canada, toujours nos principaux interlocuteurs. Aujourd’hui, nos collections masculines plaisent aussi en Grande Bretagne, bien que le Brexit nous oblige à repenser notre position face aux taxes qui se profilent. Les États Unis offrent aussi une bonne progression », constate Jean Guy Le Floch, repreneur du fleuron breton en 1993, associé à Michel Guéguen (90 M € de CA, dont 35 M € sur ses produits professionnels et 55 M € sur ses vêtements, dont 6 M € à l’export). 400 techniciens s’attellent au tricotage du fil, à la teinture, à l’ennoblissement, à la confection et à la coupe. L’online devenant crucial, Armor Lux a lancé son site en allemand en support de son référencement sur Zalando et Amazon Allemagne, puisque le pays offre une forte marge de progression (1 M € de CA). Directeur export, Marco Petrucci se meut en virtuose dans les arcanes des réglementations douanières. « Notre plus grand marché extérieur est l’Allemagne. La Suisse est importante, malgré un niveau de réglementation très élevé, comparable à celui de la Corée du Sud. Heureusement, les Suisses adorent faire leurs courses en Allemagne ! Au Japon, nous signons actuellement chez les pure players locaux avec des sites en complément de nos 1 000 détaillants dans le monde. » Désormais, la marque aborde la Scandinavie, nouant des alliances créatives avec le danois Soulland et le suédois Sandqvist, qui intègrent ses matières à leurs créations en y accolant son nom. Une visibilité intéressante, peu dispendieuse, qui fait merveille, associée à Boozt, la plate forme online nordique.
Bleu de chauffe. Alexandre Rousseau et Thierry Batteux fondent Bleu de chauffe en 2009 et implantent la fabrication et la logistique à Saint Georges de Luzençon, d’où sortent 100 % de leurs 15 000 sacs et de leurs sandales. Le charme de cette entreprise du patrimoine vivant agit notamment au Japon. « Présents depuis deux saisons, nous y réalisons de 4 à 5 % de notre CA (3 M €). Nous avons 10 points de vente et un distributeur structuré pour traduire nos communiqués et suivre nos plannings de communication vers les consommateurs. Notre singularité, la fabrication française, nous vaut une réputation d’authenticité dans ce micropaysage, mais difficile de convaincre un pure player de nous référencer, ou de séduire un point de vente en tant que nouveauté, une nouvelle marque étant toujours perçue comme un investissement à risque », analyse Alexandre Rousseau. Autre point d’appui : les États Unis, avec 20 détaillants pointus répartis entre côtes Est et Ouest et contrôlés par un agent. « Notre 2e marché est la Chine, dont on espère à terme 750 000 € de CA. On y a changé de stratégie, en stoppant la multiplication de market places instables. Notre nouveau partenaire offre une plate forme unique, centrée sur les marques héritage. Autre point réjouissant : notre site marchand bilingue et multidevise a connu des pics de vente (+ 50 % parfois) cette année. » La technique des fondateurs ? Associer leur présence régulière dans les showrooms de leurs agents, séduire les influenceurs, participer à des trunk shows où ils présentent leur marque en boutique aux clients privés et au personnel – pratique courante aux États Unis, où ils ont vendu 2 000 modèles l’an passé. Enfin, Bleu de chauffe cartonne également en Angleterre, chez Mr Porter, qui lui fournit, en plus, une plate forme logistique mondiale. www.bleu-de-chauffe.com
Pyrenex.« Le made in France ? Stratégique chez nous, bien sûr, où l’export remonte aux années 80, notamment au Canada »,affirme Éric Bacheré, directeur général. L’entreprise fabrique tous ses produits dans les Landes et utilise du duvet de canard local. Au sein de la manufacture datant de 1859, un atelier dernier cri de 300 m2 a vu le jour en 2019 et produit spécifiquement les doudounes (2 000 par an), diffusées dans les plus belles boutiques du monde tel un appât irrésistible… pour mieux vendre les autres produits confiés aux partenaires industriels exclusifs européens. « Nous avons également intégré dans ce bâtiment développement, production, stylistes, développeurs, commerciaux. Cela facilite la communication et la synergie. » Le Japon, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Italie sont les principaux pays d’exportation de Pyrenex, récemment déployé en Argentine et au Chili à travers un réseau de 50 détaillants. À New York, le pop-up store chez Westerlind préfigure son offensive « américaine ». « Nous sommes en phase de réassort ; c’est bon signe. Nous avons besoin de nous développer aux États Unis, où nous avons déjà un partenaire », souligne Éric Bacheré, qui espère s’attaquer à la Chine en 2021 via les plates formes locales qui dominent les ventes. La marque vient de décrocher le convoité label Entreprise du patrimoine vivant (EPV) et étiquette « Made in France » sa gamme phare, numérotée et signée de l’ouvrière qui l’a fabriquée. Une bulle transparente indique aussi « duvet français » !
De Bonne Facture. À 37 ans, Déborah Neuberg peut se vanter d’une jolie percée avec sa mode créative 100 % masculine, et l’export représente 80 % de son CA. Dès 2013, elle collabore avec des ateliers régionaux valorisés et salués sur son site. « Je conçois les modèles De Bonne Facture, puis les façonniers prototypent les pièces et les fabriquent à façon en petites ou moyennes quantités : matières, fournitures et boutons sont fabriqués en France. Selon les pays, la fabrication en France peut compter, mais c’est une illusion, à cause des savoir faire perdus. La qualité, la singularité, les finitions, le goût français ont une importance égale. » De Bonne Facture a d’abord été sourcée par des acheteurs japonais accros aux blogs bilingues qui l’avaient repérée avant que Déborah Neuberg ne démarche avec succès Coréens, Scandinaves et Américains. Son e shop lui sert également à relayer son monde. www.debonnefacture.fr
Saint James. Son nom (prononcer [sɛ̃ʒɑm]), qui vient du village où elle est implantée, ses 131 ans d’existence, ses 75 métiers à tricoter destinés à la collection L’Atelier Saint James et aux prototypes en font un archétype. 70 % de l’activité de cette entreprise repose sur le pull marin et les marinières rayées. Luc Lesénécal dirige 360 employés, dont 300 à Saint James et 60 dans les boutiques. « Notre entreprise réalise 60 M € de CA, dont 40 % à l’export. Le made in France est une condition nécessaire, mais le client étranger recherche une différence qualitative, comme le remaillage – le col est fixé au pull maille à maille. » Saint James fait le bonheur des Japonais et des Coréens avec 100 points de vente multimarques et online local. « Aux États Unis, marché no 3 depuis vingt ans, nous avons notre propre filiale. Notre tactique ? Mixer boutiques en propre et franchises en misant aussi sur un site par pays. » Saint James prospecte désormais l’Amérique latine, le Moyen Orient, les Émirats arabes unis, tout en inaugurant une boutique à Berlin et une autre à Londres.
Uniforme. Rémi Bats, 35 ans, et Hugues Fauchard, 29 ans, lancent leur label en 2017, axé sur une fabrication 80 % française (le reste est italien). « Dès le début, nous avons choisi le circuit court pour nous démarquer sur le marché de la mode masculine », disent ils d’une seule voix. De leur tour de France, ils retiennent 10 ateliers : « Comme la Tricoterie du Val de Saire (Normandie), qui sait tout faire – 100 pièces tricotées par an pour nous. Nos manteaux sont réalisés à Paris, chez un tailleur. Nous savons qui fait quoi, c’est incarné. La France a un savoir faire qui ne doit pas être réservé au grand luxe. » Uniforme est tout de même une marque onéreuse, mais « tout est réalisé à la main de A à Z : boutons, étiquettes, absolument tout », justifie Hugues Fauchard. Des boutiques coréennes ont sourcé la marque sur Instagram dès le premier défilé à la fashion week de Paris, suivies de l’Angleterre, du Canada, du Japon (90 % du CA à l’export). www.uniforme-paris.com