Non classé
L’après-guerre a laissé derrière elle, quelques intéressants spécimens de maisons modernes sur les côtes de Charente-Maritime. Une exposition qui se tient à La Rochelle, du 19 juin au 8 juillet prochain, les met à l’honneur.
D’étonnantes “Maisons des bords de mer”. Derrière ce nom simple se cache en fait une rétrospective de quelques joyaux architecturaux de la côte Charentaise. Des villas modernistes édifiées entre 1945 et 1980 à Royan et dans ses alentours. On en trouve de beaux exemples à Royan mais aussi à Châtelaillon-Plage, Ronce-les-Bains, Vaux-sur-Mer ou Saint-Georges-de-Didonne. L’exposition se tient jusqu’au 8 juillet, à la médiathèque Michel-Crépeau de La Rochelle. Elle rejoindra ensuite le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine de Royan, d’avril à septembre 2024.
Pour recenser toutes ces pépites, l’historien Gilles Ragot a arpenté les stations balnéaires du littoral, 6 années durant. Il a étudié 12 000 pavillons, édifiés sur 41 communes de la Côte de Beauté ! Son étude a, tout le moins, le mérite de l’exhaustivité. Ce travail pharaonique a accouché d’un bel ouvrage : Maisons des Bords de Mer, édité par le CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) de Charente-Maritime.
A LIRE AUSSI : Frank Lloyd Wright, père de l’architecture moderne
Destructions-reconstructions
La Charente-Maritime a payé un lourd tribut à la guerre de 39-45. A l’issue du conflit, certaines villes comme Royan sont, pour ainsi dire, rayées de la carte. Triste ! A ce cycle de destructions succède une période de reconstruction d’une grande créativité. Il souffle sur cette région à cette époque, un vent de liberté retrouvée, après les années d’occupation. Les architectes n’ont pas la contrainte de s’inscrire dans un paysage architectural qui pour l’heure, est anéanti. Ils peuvent donc, s’exprimer librement. In fine, il ressort de cette période, un bâti d’une inventivité joyeuse. « Ces nombreuses villas d’avant-garde constituent une spécificité régionale assez unique en France, souligne Gilles Ragot. Assez curieusement, les architectes charentais de l’après-guerre sont nombreux à s’inspirer de l’architecture brésilienne contemporaine ». Difficile d’expliquer clairement cette étonnante filiation. « Peut-être le spécial Brésil du magazine spécialisé L’Architecture d’Aujourd’hui, sorti en 1947, est-il en partie responsable de cet engouement ? », se demande l’historien. Quoi qu’il en soit, on croise beaucoup de maisons réunies sous le label “tropical”.
A LIRE AUSSI : Dans l’appartement scandinave de Kalle Gustafsson
Inspiration brésilienne
Moult indices s’inspirent des édifices construits à cette époque, à Rio, Recife, Brasilia ou Sao Paolo. On retrouve les claustras, balcons, loggias, pergolas, terrasses, des constructions brésiliennes de ce temps. Intérieurs et extérieurs s’imbriquent l’un dans l’autre. Les couloirs et corridors, les escaliers s’expatrient au dehors. Tout concourt à une vie en plein air.
Quelques maisons évoquent pour leur part, l’école californienne, notamment celle de Palm Springs, dominée par les architectes stars : Richard Neutra, Donald Wexler ou Albert Frey. Mais cette influence apparait plus limitée. Voici 5 exemples de maisons emblématiques de la côte charentaise
1/ Villa Boomerang, Royan :
Peut-être la plus spectaculaire, et la plus célèbre de toutes. Elle s’appelle en réalité villa Oasis et est dessinée par Pierre Marmouget, un tout jeune architecte de 27 ans. Edifiée à Royan, en 1955, elle est surnommée Boomerang en raison de son plan en forme de crosse. Surélevée du sol sur des pilotis, elle utilise moult couleurs franches et place ces escaliers et couloirs à l’extérieur. Son garde-corps au design abstrait, la finesse de ses voiles de béton armé, font d’elle un exemple de délicieuse modernité.
2/ Villa Gruyère, Royan :
Cette maison due à Bauhain-Baraton-Hébrard Architectes, date de 1956. Elle est surnommée Villa Gruyère en raison de son mur en béton, placé au-devant d’elle, comme un paravent. Cet élément la protège de la rue. Il est élégamment percé de hublots, façon tranche de fromage suisse. Son entrée est éclairée par une paroi de briques de verre. Cette villa bénéficie également, d’une polychromie assez sophistiquée.
3/ Villa Bonjoch, Châtelaillon-Plage :
Cette maison de forme parallélépipédique date de 1967. Elle est due à André Morisseau, associé pour l’occasion, au décorateur Kléber Raymond. Elle est surtout intéressante pour ses détails. Elle bénéficie ainsi, au premier étage d’un important claustra en verres multicolores et d’un garde-corps en verre fumé. On passe d’un étage à l’autre par un escalier, rejeté sur la façade latérale et implanté dans une loggia couverte. Enfin, les murs extérieurs se parent de pierres apparentes qui rappellent les prises des parois de varappes indoor.
4/ Villa Tribord Amures, Vaux-sur-Mer :
Cette maison façon cube, est d’un plan assez simple. Elle est bâtie par Marc Quentin, en 1954. L’architecte déconstruit savamment l’ensemble en lui adjoignant les excroissances des balcons, une cage d’escalier, un auvent-casquette, une galerie… L’ensemble est saupoudré de coloris vifs : jaune acide et bleu nuit. Très moderne, cette villa rappelle la villa Arpel, conçue par Jacques Lagrange pour servir de décor du film Mon Oncle de Jacques Tati, sorti en 1958.
5/ Villa “Grille-pain”, Royan :
Cette maison est en fait, un petit immeuble, constitué de trois appartements. Elle est due à Pierre Marmouget et Edouard Pinet qui l’édifient en 1953. Les deux architectes optent pour le “bleu Royan”, un bleu ciel lumineux pour égayer en sous-face, la galette de béton qui couronne l’escalier hélicoïdal sur le jardin. La façade côté rue, reçoit des éléments décoratifs en métal du même bleu Royan.
Exposition itinérante “Maisons des bords de mer”.
– A la Médiathèque Michel Crépeau (Av. Michel Crépeau, 17000 La Rochelle), du 19 juin au 8 juillet 2023.
– Au Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine de Royan, d’avril à septembre 2024.
Accès libre et gratuit.