The Good Business
Teintées d’aurores boréales en hiver et du soleil de minuit en été, réputées pour leur pêche au skrei miraculeuse et leurs températures clémentes, les Lofoten concentrent un fort imaginaire collectif empreint de légendes et de mystères au nord du cercle polaire, entre le Vestjord et la mer de Norvège.
Lofoten : les rorbuer omniprésents
En explorant les villages de pêcheurs, je me rends compte de son omniprésence. Partout, des têtes sont suspendues sur la façade des rorbuer. Leurs yeux semblent suivre chacun de mes mouvements, la bouche grande ouverte sur des mâchoires effrayantes. Superstition pour éloigner le mauvais œil, rituel pour apprivoiser les terreurs ancestrales. Nous continuons notre route. Le paysage se dépouille au fur et à mesure pour se réduire à l’essentiel. La mer et les montagnes. Les villages que nous traversons sont tous plus encaissés les uns que les autres. Sentiment d’oppression. Une certaine mélancolie et une immense lassitude finissent par m’envahir. Le ciel s’est assombri en un rien de temps. Nous arrivons dans le village de A (on prononce «ô») sous une pluie torrentielle, à la pointe australe de l’archipel des Lofoten.
La route s’arrête ici. Les reliefs sont plus déchiquetés que jamais. Les falaises semblent partir en lambeaux dans l’écume tourbillonnante d’une eau sinistre. La mer et le ciel se mêlent dans une étreinte mortifère aux tonalités sombres et menaçantes. Un accouplement apocalyptique. Je n’ai jamais ressenti avec autant de force l’isolement terrible de ces terres et la furie sublime des éléments. Je repense à la silhouette que j’ai aperçue, à l’avertissement rêvé et je finis par abandonner ma colère à la tempête.
– Rugissement du vent. Chant d’amour et de folie. Maintenant qu’elle les a attirés à elle, elle se régale. Elle se déchaîne avec délice. Jouissance absolue. Elle les a vu grandir, devenir des hommes. Leur virilité s’est épanouie. Elle sonde leur cœur. J’entends l’un d’eux battre plus vite et plus fort. Elle aussi. Un trou noir s’ouvre et le reste de l’équipage disparaît dans la gueule béante du Moskstraumen. Il ne reste plus que lui. Alors, elle le dévore, amante insatiable et monstrueuse. Quelque part, sur la côte, le cœur d’une jeune fille se brise. Elle sait désormais que la mer est une maîtresse irrésistible et cruelle. –
Lire aussi