Gastronomie
The Good Culture
La presqu’île de Quiberon (Morbihan) abrite, en plus de ses quelque 5000 habitants, une entreprise familiale à l’histoire quasi-centenaire : La belle-iloise. Riche de près de 200 références, la marque règne en maître sur le marché du poisson en conserve depuis 1932, sans n'avoir jamais cédé aux sirènes de la grande distribution. Plongée dans l’un des fleurons de la conserverie made in France.
De la classique sardine à l’huile d’olive au houmous bio aux algues de Bretagne, il n’y a qu’un siècle et trois générations de d’entrepreneurs. Au début des années 1930, quand Georges Hilliet, issu d’une famille de pêcheurs et mareyeurs, inaugure sa conserverie de poissons aux abords du port de pêche de Quiberon (Port Maria), il ne fait que dans la sardine. L’homme est alors loin de se douter que son bouclard aura bientôt pignon sur rue, que sa gamme s’enrichira d’environ 200 références et que La belle-iloise deviendra, plusieurs décennies plus tard, l’une des sept dernières conserveries françaises (contre une soixantaine auparavant).
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« J’irai vendre mes sardines sur la plage »
Depuis que Georges Hilliet l’a imaginée dans les années 1930, la boîte de sardines Saint-Georges à l’huile d’olive – le best-seller de la maison – n’a pas pris une ride. Colorée et surranée, la conserve trône dans les garde-mangers les mieux lotis à côté de son historique soupe de poissons de la belle-iloise, lancée trente ans plus tard, dans le but de diversifier sa gamme de produits, bientôt particulièrement prolifique. Suivront sardines au poivre vert, au muscadet, aux épices et aux aromates, à l’huile de tournesol et à la tomate, mais aussi « tartinables » de poissons (crème de sardine au whisky, mousse de homard, thoïonade, rillettes de maquereaux…), thon blanc germon et filets de maquereaux marinés pour tous les goûts… Jusqu’à l’invention de recettes 100% végétales, comme la mayonnaise, le tartare et le houmous aux algues bretonnes, trois produits on ne peut plus dans l’air du temps.
« S’il le faut, je prendrai mon panier et j’irai vendre mes sardines sur la plage ! », scandait à l’époque Georges Hilliet en réponse à l’émergence des réseaux de grande distribution. A contre-courant de ce mouvement, le bonhomme se refuse à jouer le jeu de la baisse des coûts et de la qualité (comptez une vingtaine de centimes de plus pour une conserve estampillée La belle-iloise, comparé à une boîte classique vendue en supermarché). Voilà que l’entreprise familiale se met à distribuer le fruit de son succès depuis le vestiaire de l’usine historique, réhabilité en micro-échoppe faite de bric et de broc.
Deux, quatre, puis huit boutiques plus tard, disséminées sur le littoral armoricain (Le Pouliguen, Le Croisic, Sarzeau, Perros-Guirec, Pont-Aven) : La belle-iloise se lance, au début des années 1980, dans la vente à distance pour s’assurer la fidélisation et l’accroissement de sa clientèle. Pari tenu : « la marque jouit d’une très forte notoriété pour sa taille. Au moins un français sur quatre a connaissance de notre travail ! », se félicite Cécile Roudaut, directrice marketing de l’entreprise. Un succès dû en grande partie à la valorisation de la vente directe, via 92 points de vente détenus en propre – la chaîne de magasins est élue la Meilleure, en 2022 et 2023, dans la catégorie « épicerie fine ».
La belle-iloise : enjeux actuels, savoir-faire ancestraux
À la tête de la maison depuis 2011, Caroline Hilliet Le Branchu poursuit les efforts de son père, son oncle et leur père (Georges Hilliet) avant eux, tout en prônant le mieux-manger avec « en ligne de mire les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux ». Soucieuse de réduire son impact sur l’environnement, La belle-iloise a notamment entrepris une réduction du plastique sur ses produits, une baisse de la consommation d’eau et d’énergie ainsi qu’une valorisation des coproduits, tout en s’approvisionnant majoritairement en France et en Europe (au moins à hauteur de 85%).
Ses process, quant à eux, n’ont que très peu évolué depuis les années 1930. « Seule l’ergonomie a changé », précise Catherine Dendelé, responsable de production. Et de poursuivre : « notre savoir-faire en revanche est resté le même, et ce quelle que soit l’étape de fabrication ». C’est le cas notamment pour la sélection des sardines, pêchées la veille ou le matin même dans les eaux bretonnes, mais aussi s’agissant de l’emboîtage, fait à blanc et non à bleu – « à l’ouverture de la boîte, on voit le ventre de la sardine plutôt que son dos, c’est beaucoup plus délicat et c’est comme ça que l’on garnit les conserves depuis le tout début contrairement à nos concurrents », détaille la responsable. Un travail aussi minutieux qu’efficace : « une tonne de sardines est travaillée chaque heure, soit huit tonnes par jour », révèle-t-elle.
De l’art de glamouriser les conserves
Désuète, la conserve ? Plus tant que ça. Cécile Roudaut, directrice marketing de La belle-iloise, en veut pour preuve le succès des sardines Saint-Georges à l’huile d’olive. « C’est la porte d’entrée qu’empruntent nos nouveaux clients. Ils commencent par la sardine puis se laissent tenter par des recettes moins conventionnelles, voire entièrement végétales ». De quoi inciter la marque à fournir de gros efforts de recherche et développement. « On sort entre trois et cinq nouveautés par an. Pour chacune, c’est au moins trois mois passés à dialoguer avec le chef cuisinier François Sehier, notre responsable R&D », confie l’intéressée.
une tonne de sardines est travaillée chaque heure, soit huit tonnes par jour »
« Pour le houmous, on a mis huit mois, à raison de deux séances de dégustation par semaine, avant de trouver le goût et la texture parfaits. » En a résulté un concassé de pois-chiches aux notes grillées, à tartiner ou à intégrer dans une recette de cuisine. « Tous nos produits peuvent être cuisinés ! », insiste Cécile Roudaut. Ainsi des champignons farcis au houmous, du croque au thon, des œufs mimosa aux sardines et de la quiche de maquereaux au vin blanc… Autant d’idées de recettes destinées à déconstruire le cliché de la conserve poussiéreuse traînant au fond du placard et mangée telle quelle faute de mieux.
Signe encore que la conserve est dans le vent : l’engouement des clients pour les coffrets cadeaux. « L’idée est de proposer des boîtes conçues comme des écrins pour sublimer leur contenu », explique l’un des membres de l’équipe marketing. La marque en propose une trentaine aux packagings variés, illustrés pour certains par des artistes comme Dothy Henriot (aka Mersea People), la créatrice locale à qui l’on doit les coffrets poétiques (« Je suis le coquillage, toi mon océan », « Je suis le marin, toi ma boussole », peut-on y lire) créés pour la fête des mères et des pères en collaboration avec La belle-iloise. Mieux qu’un collier de pâtes.
Site internet de La belle-iloise
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