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Le nouveau site de vinification de la maison de champagne est un exemple d’écoconception. Baptisé « Joseph », prénom de celui qui la fonda en 1843, il conjugue modernité et engagement environnemental. Des exigences qui ne concernent plus seulement la vigne, mais aussi, dorénavant, les installations au service du vin.
Le Clos d’Ambonnay est un joyau des champagnes Krug. C’est l’une de ces rares cuvées capables de mettre en transe les grands amateurs du monde entier disposés à débourser quelques milliers d’euros pour une bouteille.
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Krug prend de l’avance
La minuscule parcelle de 0,68 hectare, plantée en pinot noir, qui produit ce nectar, n’est plus seule depuis quelques mois : devant le parterre de vignes, les nouvelles installations de vinification de la maison déploient leur architecture imposante et douce à la fois.

Deux nefs épurées et largement vitrées abritent pas moins de huit celliers, plus spectaculaires vus de l’intérieur que de l’extérieur, où les formes courbes et les couleurs cuivrées de la toiture se fondent dans le paysage d’Ambonnay, l’un des villages les plus réputés de la Champagne.
Le bâtiment conçu en H, avec un îlot central pour faciliter les circulations, joue de cet équilibre entre la nature et l’activité : d’un côté, une terrasse belvédère et un jardin en transition avec le clos ; de l’autre, une cour de travail ouverte sur la place principale du bourg. Ainsi se mêlent matière première et action de l’homme sur un site qui a obtenu la certification HQE (Haute qualité environnementale) de niveau exceptionnel.
De nouvelles intentions
Dans le monde des grands vins, et particulièrement dans celui des propriétaires de renom, le credo architectural a longtemps été la recherche d’une signature internationale et d’un geste spectaculaire. Les temps changent, comme le climat. Même à Bordeaux, où Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Norman Foster, Mario Botta, entre autres vedettes du secteur, ont posé leur patte depuis des décennies, les dernières réalisations tranchent avec les intentions passées.

Au printemps, l’architecte et urbaniste Philippe Madec a livré le nouveau chai du château Cantenac Brown, troisième cru classé de Margaux. Cinq mille mètres carrés ont été bâtis sans le moindre gramme de ciment : matériaux naturels (bois et terre crue) ou recyclés, sourcing local, murs en pisé, géothermie…
En Bourgogne, l’Atelier Zéro Carbone Architectes travaille depuis quinze ans avec quelques-uns des plus grands domaines de la région (Armand Rousseau, Dujac, Trapet…) et étend désormais son esprit pionnier dans tout le vignoble français. En Champagne, le patrimoine ancien, éventuellement rénové, a souvent été privilégié.
Bien implanté depuis 1996, le cabinet rémois Pace Architectes est, lui, sollicité pour des réalisations plus contemporaines, sans l’ostentation accolée à l’univers festif des bulles. Pour concevoir « Joseph », Moët Hennessy a fait appel à l’agence internationale AW2 , qui conçoit aussi bien des projets résidentiels, culturels ou d’hôtellerie.

Celle-ci était déjà intervenue dans deux projets plus modestes de Krug : la restructuration de la maison de famille à Reims, aujourd’hui lieu de réception et de dégustation, et la réhabilitation d’une loge de vignerons au cœur de son vignoble, comme une mise en scène du paysage champenois. « À Ambonnay, nous avions d’autres enjeux, affirme Stéphanie Ledoux, qui codirige l’agence avec Reda Amalou. D’abord, il fallait trouver comment réorganiser les différents métiers d’élaboration du champagne dans un bâtiment moderne et fonctionnel. Ensuite, l’objectif était d’intégrer 9 500 mètres carrés d’installations dans l’environnement d’un village… »
Un lieu unique
Dans l’histoire de Krug, le transfert de la partie production est un événement, puisqu’elle n’avait pas quitté les locaux historiques depuis la fondation de la maison. « Nous voulions rassembler toutes les activités œnologiques en un même lieu, avance Christophe Lopes, le chef de projet de la maison. Le vieillissement en bouteilles et l’habillage final restent à Reims, mais c’était important de se rapprocher du vignoble et de nos vignerons partenaires. »

Le personnel a aussi été associé à la conception, notamment pour optimiser les déplacements. « Il n’y a qu’une quinzaine de personnes en permanence sur le site, précise Stéphanie Ledoux. D’où l’idée de ce point central qui distribue les espaces techniques. » La démarche environnementale s’est concentrée sur la consommation d’énergie et d’eau, d’abord par l’isolation des bâtiments. Un système de free cooling a été implanté, qui récupère l’air frais de la nuit pour le rediffuser la journée et éviter la climatisation.
Des étapes de pompage et de déplacement du vin ont été supprimées, ce qui contribue à améliorer la qualité finale. Pour l’élevage en fûts, une spécificité de Krug, l’hygrométrie des celliers est assurée sans abreuvage des tonneaux, très consommateur d’eau. En somme, les bons principes de l’architecture bioclimatique sont en place, et pour longtemps.
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