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Prototype du X-2
Prototype du X-2, le premier avion de combat furtif japonais dévoilé par Mitsubishi Heavy Industries le 28 janvier dernier, à Toyoyama.
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The Good Business

Le Japon, l’offensive de la normalité

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Constitutionnellement, le Japon a renoncé « à jamais à la guerre ». L’Archipel ne peut donc, en théorie, ni avoir d’armée offensive, ni développer d’industrie d’armement… En théorie. Car le Premier ministre Shinzo Abe entend bien faire bouger les lignes. Décryptage d’une révolution militaire en marche.

Car Tokyo n’est plus seulement dans la défensive. Il a désormais les coudées plus franches pour s’inviter dans la cour des marchands d’armes. Depuis le 1er avril 2014, le gouvernement japonais a levé l’interdiction de vendre des armes à l’étranger qui datait de 1967. ­Désormais, l’Archipel peut exporter du matériel militaire. En juin 2014, les Japonais ont donc débarqué à Eurosatory, le salon international de la défense organisé tous les deux ans à Villepinte. Mais cette arrivée s’est faite sans tambour ni trompette. « Ils étaient attendus, mais ils ont bien insisté pour ne pas exposer des équipements de défense, seulement des produits de sécurité et de surveillance », rappelle Patrick Colas des Francs, le directeur d’Eurosatory. Face à une opinion publique très attachée à l’article 9 de sa Constitution, qui consacre la renonciation à la guerre, les responsables politiques et les industriels de la défense font profil bas pour l’heure. Ces prudences étaient encore de mise, en mai dernier, lors du premier salon international de la défense jamais organisé dans ­l’Archipel. Une centaine d’exposants avaient été conviés à Yokohama autour du thème de la sécurité maritime pour exposer équipements de surveillance, transports de troupes, navires et avions en modèles réduits, comme la maquette de l’hélicoptère SH‑60K de ­Mitsubishi Heavy Industries. « Ce salon est une nouvelle vitrine pour montrer nos technologies et intégrer les programmes de coopération internationale, expliquait Shoji Sato, vice-président du département des marchés chez ­Mitsubishi. La levée de l’embargo sur l’exportation des armes va créer des opportunités. Mais je ne m’attends pas à signer des contrats. Il faut du temps pour se faire connaître et passer un accord, et ce n’est pas ici que cela peut se faire calmement. »

Ouverture des ventes d’armes à l’étranger

A part quelques exceptions, le Japon n’exportait pas de matériel de défense jusqu’en 2014. Et les industriels ne produisaient que pour le marché national, avec des coûts deux à trois fois plus élevés qu’à l’étranger. « Les fabricants d’armes comme Mitsubishi ou Kawasaki découvrent le marché de l’armement, où de très grands groupes sont déjà très bien implantés. Ils ont beaucoup à apprendre, note un attaché de la Défense au Japon. Il leur manque encore une capacité d’adaptation et une réelle logique d’exportation et de partenariat. Mais les Japonais savent se donner du temps, ils sont pragmatiques et prêts à casser les prix pour remporter des marchés. »

Les autorités nippones ont mouillé leur chemise pour décrocher la vente de 8 à 12 sous-marins à l’Australie. A la clé, un important contrat de 32,25 milliards d’euros, comprenant la construction et la maintenance des vaisseaux. Face aux Français de la DCNS et des Allemands de ThyssenKrupp Marine Systems, Tokyo proposait une adaptation de son Soryu. Inauguré en 2009, ce sous-marin furtif est doté de la technologie diesel, mise au point par Mitsubishi et Kawasaki Heavy Industries. Ce sont finalement les français qui l’ont emporté, mais le Japon est peut-être devenu « normal » aux yeux de Shinzo Abe…

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