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L’horlogerie, branche de l’industrie du luxe, est aujourd’hui dominée par les grands groupes. Et pourtant, en marge de ces géants, on assiste à une éclosion de petites marques indépendantes qui font preuve d’une créativité réjouissante. Rafraichissant !
Richemont, Swatch Group, LVMH ou encore Kering : l’horlogerie est une industrie investie par les géants. Le Swatch Group, plus grand groupe horloger du monde concentre à lui seul 18 marques de montre. Richemont recèle des pépites telles que Cartier, Jaeger-LeCoultre, Vacheron Constantin, Piaget ou encore Panerai. LVMH a de son côté édifié sa propre manufacture horlogère, La Fabrique du Temps, destinée à la fabrication des montres Louis Vuitton. Le groupe détient aussi les marques Hublot, Bulgari et Zenith. Face à ces colosses, reste-t-il une place pour les petites marques d’horlogerie indépendante ?
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La réponse est clairement : oui ! En effet depuis une quinzaine d’années, on note une éclosion de nouvelles enseignes en Suisse mais aussi dans de nombreux autres pays. L’avènement des plates-formes de crowdfunding comme Kickstarter a notamment facilité certaines de ces naissances. En France, ce sont plusieurs dizaines de start-up horlogères (dont certaines sont devenues grandes) qui sont apparues. March LA.B et FOB Paris font figure de pionnières. Elles ont été rejointes par Baltic, Beaubleu, Kelton, Trilobe, Réservoir, Briston, Serica… La Suisse compte aussi de très nombreuses pépites de Ikepod à H. Moser & Cie en passant par Urwerq ou MB&F…
Mais cette éclosion touche bien d’autres pays. Ainsi en Belgique on peut citer les extraordinaires Ressence futuristes à souhait. En Russie ce sont les anthropomorphes créations de Konstantin Chaykin qui attirent l’attention. En Angleterre, les garde-temps Bremont s’inspirent de l’aviation. En Hollande, la marque Elka à connotation vintage, a été relancée en 2022, alors que De Rijke & Co, installée à Dordrecht, fabriquent pour sa part, d’élégantes montres destinées aux amateurs d’automobiles.
« Depuis quelques années, on assiste à une forme de recrudescence horlogère, constate Alain Marhic fondateur de March LA.B. Mais attention, toutes ces marques récentes ne survivront pas. L’horlogerie est un secteur qui demande beaucoup d’investissements », recadre le responsable.
Indépendance, liberté, créativité
Pour se démarquer des autres, les enseignes indépendantes sont nombreuses à proposer une horlogerie décalée et disruptive. C’est plus que tout, la variété qui impressionne. On trouve aussi bien des maisons super-tradi que des horlogers ultra-design ou avant-gardistes. Ces petits acteurs se contrefichent des tendances. Ils proposent de tout et pour tous les goûts. Ainsi, Utinam revisite-t-il la pendule comtoise, Urwerq propose des boîtiers aux formes complexes. Trilobe ou Ressence optent pour des affichages à disques rotatifs, Beaubleu pour des aiguilles rondes… Ces maisons laissent aux grandes marques bien établies, la fabrication des montres rondes classiques, à connotation vintage et affichage analogique.
« L’indépendance autorise plus de liberté. Une marque qui ne doit rendre aucun compte à une hiérarchie, s’octroie une plus grande liberté d’expression. Elle se permet une créativité plus intense. Elle est aussi plus agile avec des équipes réduites mais très faciles à agiter, à secouer. Elle va s’adapter au marché, aux tendances très rapidement et sans l’inertie inhérente aux grands groupes », raconte ce collectionneur, amateur de petites pièces singulières.
Des salons pour l’horlogerie indépendante
Ces indépendants font désormais bien plus que de la présence. Ces montres tour-à-tour, originales, spectaculaires ou design, attirent l’attention sur elles par leur créativité… Elles commenceraient presqu’à faire de l’ombre aux « maisons installées ». Les amateurs de style contemporain ou d’avant-garde trouvent parfois matière à assouvir leur appétit auprès de ces indépendants. Aujourd’hui, ces petites marques dominent le Geneva Watch Days, chaque fin d’été à Genève.
Ce salon est impulsé à l’origine par Georges Kern dirigeant de Breitling et Jean-Christophe Babin de Bulgari. Tous deux ont l’idée d’un rendez-vous horloger installé dans les suites des grands hôtels genevois. Aujourd’hui, cette manifestation devient de plus en plus celle de l’horlogerie décalée. Il accueille une quarantaine de petites maisons indépendantes. Le Watches & Wonders ne l’a pas attendu pour ouvrir ses portes aux indépendants. Ce salon annuel les loge au sein de son Carré des Horlogers. Cet espace ne désemplit pas.
Quand les « grands » s’intéressent aux « plus petits »
L’intérêt du public grandit autour de ces marques. Du coup, les grands groupes eux-mêmes étudient ces « phénomènes ». LVMH surfant sur la tendance vient ainsi, d’élaborer un concours : le Louis Vuitton Watch Prize for Independant Creatives dont le jury est composé de 5 membres. Le fameux malletier a annoncé tout récemment, les 20 demi-finalistes de ce prix.
Le gagnant sera présenté en février 2024 et recevra 150 000 euros. Il aura droit surtout à un an de mentorat personnalisé à La Fabrique du Temps, la manufacture horlogère de Louis Vuitton. Par la suite, le géant du luxe pourrait être tenté de « faire ses courses » parmi ses petites marques d’horlogerie indépendante.
« L’horlogerie est une industrie très dure. Pour s’installer, pouvoir vendre ses produits, il faut dépenser beaucoup d’argent, résume Alain Marhic. Pour survivre, c’est bien là tout le paradoxe, les indépendants seront nombreux à accepter d’être intégrés à un grand groupe ». Et la boucle est bouclée…
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