Culture
A 36 ans, il a déjà passé la moitié de sa vie derrière un bar. Après avoir travaillé au Park Hyatt Paris Vendôme et au mythique bar Le Forum, il fonde, en 2015, l’agence Hermosa Création, qui lui permet de travailler en tant que consultant et formateur. Rencontre avec le nouvel ambassadeur de la marque de montres Michel Herbelin.
The Good Life : Pourquoi avez-vous choisi le métier de bartender ?
Guillaume Guerbois : J’étais au départ attiré par la cuisine, mais au final pas si conquis que ça à cause de la pression permanente et du manque de relationnel avec le client. Le bar m’a semblé être le bon intermédiaire.
TGL : A vos débuts, l’engouement pour la mixologie n’était pas le même qu’aujourd’hui…
G. G. : Non, pas du tout. Il y avait bien des bars spécialisés en France, mais presque uniquement dans les hôtels, à part peut-être le Harry’s Bar et Le Forum, à Paris. Il a fallu, en 2005, l’arrivée de l’Experimental Group pour moderniser et démocratiser le bar à cocktails. On passait d’un verre entre 20 et 30 euros dans les hôtels à 10 ou 13 euros dans un lieu cool et dynamique. Enfin, on a commencé à pouvoir toucher tout le monde. En utilisant des techniques anglo-saxonnes, avec des produits que nous n’avions pas l’habitude de travailler, en faisant des préparations maison, nos cocktails sont passés de classiques à « néoclassiques ». Dans les hôtels, nous ne voyions pas vraiment les chefs barmen préparer les cocktails. Aujourd’hui, ils sont présents dans leurs établissements, on les voit faire. C’est cool pour les clients et inspirant pour les équipes.
« Je dirais que je suis un consommateur refoulé de whisky »
TGL : Parlons whisky, pourquoi selon vous, est-il toujours le spiritueux préféré des Français ?
G. G. : Mon analyse la plus simple est que l’ensemble des consommateurs français – peut-être moins à Paris – va faire ses courses dans la grande distribution. Parce qu’il se vend bien, les chefs de cave de ces magasins ont pour le whisky un réel engouement et donc l’offre y est démesurée. Fatalement, ce que le consommateur voit en premier dans les rayons ce sont des whiskies ! Et comme ils ont toujours vu leurs père et grands-pères en consommer, la tradition perdure. Il y a aussi la dimension internationale des whiskies qui est attractive, on en trouve qui viennent du Japon, de Taïwan, de Singapour, du Mozambique…
TGL : Quels types de whisky préférez-vous ?
G. G. : C’est étrange, mais je dirais que je suis un consommateur refoulé de whisky ; ça n’est pas d’emblée ce que je commande. En revanche, quand j’en déguste, je réalise que c’est l’un de mes spiritueux préférés. J’aime quand il a de la rondeur, des notes fruitées et boisées, quand il est ample en bouche, avec une belle longueur. Je me retrouve très bien dans ceux des Lowlands, du Speyside, des whiskies suaves et disons faciles. En cocktails, j’aime bien utiliser des ryes, parce qu’ils ont un côté plus sec, plus franc, qui fonctionne bien.
« En me mettant à mon compte, je me suis diversifié, je voyage, je rencontre des gens, je continue d’apprendre »
TGL : Comment le consommez-vous ?
G. G. : Je le consomme en général pur, parfois avec une goutte d’eau, comme le font les Ecossais. L’été, je vais plutôt le boire en mizuwari : une mesure de whisky dans un tumbler (un verre haut) avec de la glace et allongé d’eau plate. J’en fais aussi une version avec l’eau de coco fraîche. En cocktail, ce serait un Vieux Carré : whisky, cognac, vermouth, liqueur Bénédictine et bitter.
TGL : Pourquoi ne pas avoir votre propre bar?
G. G. : J’en ai eu l’occasion il y a quelques années. Je ne l’ai pas fait et, avec le recul, je ne le regrette pas. En me mettant à mon compte, je me suis diversifié, je voyage, je rencontre des gens, je continue d’apprendre. Par exemple, être ambassadeur de marque des montres Michel Herbelin me permet d’entrer dans un autre univers que le mien. Pour le lancement de la Newport Squelette, un modèle qui laisse apparaître ses rouages, j’ai imaginé un cocktail moderne qui reproduit parfaitement le concept de la montre. J’ai créé un milk punch clarifié sur une base de gin qui, grâce à la caséine, devient totalement translucide. Je l’ai servi dans un verre de type Old Fashioned garni d’un gros cube de glace estampillé au logo de la marque et posé sur un sous-verre qui reprenait le dessin du cadran. Avant même de le déguster, on découvrait par transparence le design de la nouvelle montre. Créer à partir de leur histoire, de ce que la marque veut mettre en avant, cela m’éclate vraiment !
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