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Thomas Troupin, de la Menuiserie, à Waimes.
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Belgique : l’unité par la gastronomie

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On dit souvent que la Belgique recouvre deux pays. Voire trois… Si cela se révèle vrai dans beaucoup de domaines, il en est un où une telle scission n’a aucun sens : celui de la cuisine. La preuve avec cette balade culinaire du nord au sud et d’est en ouest.

Certes, les moyens de la promotion de la gastronomie belge ne sont pas les mêmes au Nord et au Sud – les chefs wallons s’en plaignent régulièrement –, mais ils partagent dans l’assiette, de part et d’autre des frontières linguistiques, une même philosophie, les mêmes produits et producteurs, et souvent les mêmes clients. Sur cette base commune, chacun va construire sa cuisine à partir de sa localisation, de ses expériences ou de ses origines.

Au regard de sa taille, la Belgique est un pays où l’on mange bien – certainement mieux en Flandre qu’en Wallonie, car on y trouve plus d’établissements –, le niveau moyen des restaurants y étant peut-être plus élevé qu’en France. C’est du moins ce que pense Laurent Folmer, du restaurant Couvert Couvert, à Louvain (1 étoile au Michelin) : « La proximité de nos restaurants génère une saine concurrence ; quand le client doit faire deux kilomètres plutôt que cent pour trouver un étoilé, ça oblige à une certaine émulation. »

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Il est également vrai que les Belges sortent beaucoup au restaurant et, de l’avis de nombreux chefs français, il n’y a pas meilleurs convives. Bons vivants et pas snobs. « En général, quand ils lisent la carte des vins, ils ne jouent pas aux connaisseurs en prenant le sommelier de haut, poursuit Laurent Folmer. C’est vraiment mal vu en Belgique de se prendre au sérieux. Même si, bien sûr, certains le font, car il y a aussi de grandes disparités entre un Flamand de la côte et un Liégeois. La même différence qu’entre des Marseillais et des Lillois ! Les Liégeois commandent d’emblée deux bouteilles et, dès qu’ils ont fini la première, commandent la troisième. »

Manque de chauvinisme côté wallon

Pourtant, côté cuisine, les Wallons se sont toujours faits discrets, souvent éclipsés par les grands chefs flamands.  « La Flandre et Bruxelles sont certainement plus avant-gardistes en termes de communication et de marketing, admet Thomas Troupin, du restaurant étoilé La Menuiserie, à Waimes. Le Wallon n’est pas du tout chauvin et ça le dessert. Il n’est pas dans sa culture de se mettre en avant et on lui a toujours dit qu’en gros il n’y avait rien chez lui. On se rend bien compte qu’il faut communiquer, mais ça ne nous vient pas à l’esprit. On a tout ce qu’il faut, mais on n’y croit pas ! »

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Avis partagé par Christophe Pauly, du Coq au Champs, à Tinlot, également auréolé d’une étoile. Le collectif Génération W, auquel il appartient, a bien tenté de valoriser les chefs wallons mais, faute de subsides, l’organisme végète un peu.

Une gastronomie unique

« Le gouvernement wallon n’accorde pas beaucoup d’importance à la gastronomie, il ne fait que des petites choses sans se rendre compte de l’impact financier qu’elle pourrait avoir. Pendant ce temps, la Flandre dispose de budgets, invite des journalistes étrangers et ça profite à tout le monde. Certes, ça rejaillit un peu jusqu’ici, mais pas assez. » Pourtant, les chefs du pays savent s’unir quand il s’agit de défendre – sans l’aide des gouvernements – leurs cuisines et leurs produits.

C’est exactement ce qu’a fait le chef Filip Claeys en fondant l’association North Sea Chefs, qui rallie des chefs belges et néerlandais autour d’un meilleur usage des ressources de la mer. Certes, les ­Flamands y sont très majoritaires, mais on trouve aussi le label affiché dans des restaurants de la Wallonie, et Christophe Pauly en est l’un des ambassadeurs. Très estimé par ses confrères, Filip Claeys est un homme de cœur, un rassembleur qui rayonne bien au-delà de son restaurant doublement étoilé de Bruges, De Jonkman.

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« North Sea Chefs est une façon de nous retrouver. Quand, par exemple, j’appelle des chefs pour visiter une ferme d’huîtres ou passer à la criée d’Ostende, Thomas Troupin, de la Menuiserie, à Waimes, ou Clément Petitjean, de La Grappe d’Or, à Torgny, n’hésitent pas à faire des heures de route pour m’accompagner. Cette collégialité entre chefs fait que je crois encore en ce pays. » Coincée entre de grandes puissances, ni tout à fait nordique, ni tout à fait française, la gastronomie belge s’épanouit, se consolide et poursuit l’écriture de sa propre histoire culinaire.

La gastronomie des envahisseurs

« Il y a une raison pour laquelle il y eut autant de batailles et de guerres ici, conclut le chef islandais ­Vilhjalmur Sigurdarson (chef du restaurant Souvenir, à Gand). Nous sommes au centre de l’Europe, au centre de superpouvoirs qui ­s’expriment aussi par la cuisine. Notre identité est donc aussi faite de celles de nos envahisseurs : un peu française, allemande, scandinave, espagnole… Qu’est-ce que la cuisine belge ? Quelque chose d’indescriptible, mais qui reflète fortement ce qu’est la cuisine européenne. » Unique, assurément.

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