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Devenus incontournables à travers leurs marques digitales sur les plateformes de livraison, Clone et Taster veulent tous deux conquérir le marché français des restaurants digitaux. L’un en s’appuyant sur des restaurateurs, l’autre sur des franchisés.
Habitués des plateformes de livraison de repas, vous avez peut-être commandé, sans le savoir, un plat — et un dessert pour les plus gourmands — auprès d’un nouveau genre d’établissement sur UberEats, Deliveroo et autres Just Eat: les restaurants digitaux.
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Depuis quelques mois, les start-up de la foodtech Clone (ex-Not So Dark) et Taster s’affrontent sur ce marché naissant, apparu dans le sillage de celui des “dark kitchen”. Ces cuisines “fantômes”, souvent des entrepôts situés en périphérie des grandes villes, ont eu le vent en poupe pendant la pandémie de Covid-19, permettant aux gens privés de sorties au restaurant d’égayer quelques soirées chez eux pendant le confinement.
Des dark kitchens aux restaurants digitaux
“Nous avions des dark kitchens de différentes tailles, de 100 à 500 mètres carrés, à partir desquelles nous opérions une dizaine de marques, explique Clément Benoit, cofondateur de Not So Dark, devenu Clone. Notre modèle fonctionnait si bien que nous avons ouvert 7 cuisines fantômes, chacune affichant d’excellents résultats. Nous nous sommes rapidement positionnés comme l’un des meilleurs partenaires des plateformes de livraison. Moins d’un an après la création de notre start-up de foodtech, nous avons levé 20 millions d’euros auprès d’un fonds de private equity dans le but de créer 30, 40 dark kitchens en Europe le plus rapidement possible.”
Cette volonté de renverser la table du monde de la restauration n’a pas été au goût des acteurs traditionnels du secteur. “Les restaurateurs traditionnels, qui n’ont pas pris le virage de la transition numérique, se sont élevés contre notre modèle. Ils ont souffert pendant la Covid malgré les aides de l’Etat. Les dark kitchens n’étaient pas leurs meilleurs amis à cette époque”, poursuit Clément Benoit. Lui vient alors une fulgurance : au lieu de faire de la concurrence aux restaurants traditionnels, il faut les accompagner dans cette transition numérique, et leur proposer, à eux-aussi, de devenir des restaurants digitaux.
La data au service du rendement
Pour prendre ce virage à 180°, l’entrepreneur a tiré un trait sur Not So Dark — en laissant s’envoler les dizaines de millions d’euros investis par les financiers — et est reparti de zéro. Ainsi est né Clone. Le concept est simple: proposer aux restaurateurs de réserver une partie de leur cuisine à la préparation de plats commandés sur les plateformes de livraison auprès de marques virtuelles créées par Clone, qui s’occupe de tout le reste. “L’objectif de la technologie est d’améliorer le quotidien des gens. Aujourd’hui, nous améliorons celui des clients en leur apportant de nouvelles offres et celui des restaurants en leur permettant d’obtenir un complément de revenu immédiat.”
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Pour libérer les restaurateurs des problématiques techniques et technologiques qu’implique la préparation de commande pour des plateformes de livraison, Clone leur propose une solution clé en main pour leur restaurant digital : “Notre rôle est de les aider à identifier grâce à la data les plats qui fonctionnent, à comprendre ce qu’il faut faire pour qu’ils soient mieux référencés par l’algorithme des applis de livraison et à déterminer quand il faut pousser les offres promotionnelles.”
Des restaurants virtuels
Sur ce créneau des restaurants digitaux dans la foodtech, Clone doit faire face à la concurrence de Taster. Fondée par Anton Soulier, ancien cadre de Deliveroo, cette start-up développe également des marques virtuelles, mais elle propose à des franchisés et non à des restaurateurs traditionnels de les opérer. Seule condition : établir leurs cuisines dans des rues piétonnes, à l’image des enseignes Domino’s Pizza et Pizza Hut. “J’ai toujours été admiratif du marketing des marques, notamment celui de Five Guys qui arrive à tisser un lien émotionnel puissant avec ses clients. Je ne me suis jamais concentré sur la partie cuisine en tant que tel. Le fil conducteur a toujours été de créer des marques fortes, avec un logiciel qui permet aux franchisés de se développer plus rapidement qu’un restaurant classique”, indique le dirigeant.
Comme Clone, Taster fournit à ses partenaires toute la partie software —par exemple, une tablette qui agrège les commandes passées sur toutes les plateformes de livraison — et la supply chain — l’achat des ingrédients et des matières premières est entièrement automatisé. Une stratégie qui permet de faire baisser le coût d’entrée : une dizaine de milliers d’euros peut suffire à un franchisé pour se lancer avec une marque de Taster, contre un demi-million pour ouvrir un McDonalds. Et ce, sans rien envier en termes de volumes aux géants du fast-food sur les plateformes de livraison. Sur ce marché hyper-concurrentiel, certaines marques virtuelles de Taster honorent 300 commandes par jour.
Les chefs s’y mettent
Les deux start-up profitent de la démocratisation des applis de livraison. Si, à leur apparition, les utilisateurs étaient majoritairement des CSP+, ils sont désormais de plus en plus jeunes et moins argentés. “Chez nous, beaucoup appartiennent à la génération Z [personnes nées entre 1997 et 2010]”, souligne Anton Soulier. Pour continuer de les séduire, Taster multiplie les partenariats avec des influenceurs et des grands noms de la cuisine. Dernier en date, Jamie Oliver, le populaire chef britannique, avec qui la start-up a créé Pasta Dreams, une marque de pâtes.
Si Clone s’est associé avec Gad Elmaleh pour lancer Walida — un restaurant de couscous —, la référence de la foodtech française n’entend pas faire des célébrités son principal axe de développement. “C’est intéressant du point de vue marketing, mais ce qui compte avant tout, c’est de faire le bon produit au meilleur prix”, explique Clément Benoit. Et pour cause, toutes les marques présentes sur les applis de livraison ont les yeux rivés sur les notes laissées par leurs clients. “C’est quelque chose qui nous obsède, reconnaît Anton Soulier. 30% des gens ne commandent pas si un restaurant est en dessous de 4,5 sur 5.” Du Michelin à Deliveroo et Uber Eats, c’est toujours la guerre des étoiles.