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Patrimoine, écologie, formation, architecture… La Fendi Factory est un modèle d’excellence inspirant pour toute l’industrie du luxe. Et pas uniquement sur son territoire transalpin…
Qui dit Fendi dit Rome, mais ce jour-là, c’est la capitale toscane que l’on quitte pour filer à une quinzaine de kilomètres, à Bagno a Ripoli, où la Maison romaine a ouvert, à l’automne dernier, sa nouvelle manufacture de sacs. Le lieu n’a pas été choisi par hasard.
Fendi Factory en chiffres
- 8 hectares de vignes, oliviers et plantes.
- 30 000 m2 de bureaux et ateliers.
- 350 personnes sur site en 2023.
- 200 000 sacs Peekaboo, Baguette et Fendi First manufacturés par an.
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Fendi Factory, une manufacture de style
L’entreprise possédait déjà dans cette campagne du centre de l’Italie un atelier de production. C’est sur l’emplacement d’une ancienne briqueterie qu’elle a souhaité faire construire sa fabrique, un modèle inspirant d’écologie architecturale.
De la route, on l’aperçoit à peine. Toit en ondulations végétalisé, béton teint en terre de Sienne, elle a été conçue par l’agence milanaise Piuarch pour se fondre dans la nature environnante et le paysagiste Antonio Perozzi a été impliqué dans le projet dès son démarrage. D’où les vignes, le champ d’oliviers, le jardin aux essences endémiques et la totale harmonie entre extérieur et intérieur.
Les Marches de la conversion
Dans le prolongement de la Factory de Bagno a Ripoli, Fendi a ouvert simultanément à Fermo, dans les Marches, une nouvelle fabrique de chaussures dont le cahier des charges est similaire : un lieu de production de 7 000 m2 au design minimaliste et écologique. Il complète le site de Ponte a Ema et est aussi voué à la formation avec le programme Adopt a School mis en place en partenariat avec la région et la fondation Altagamma, qui réunit les maisons de luxe transalpines les plus prestigieuses.
Il ne s’agit pas d’un habillage de façade : cette Factory, dont les -bâtiments s’étendent sur un seul niveau, fonctionne avec une énergie photovoltaïque, son eau se recycle, la qualité de l’air et son acoustique sont optimalement maîtrisées.
Résultat : elle est la seule usine de maroquinerie au monde à avoir obtenu la certification Leed Platinum. Ce qui en fait un modèle pour le groupe LVMH, lequel a engagé sa conversion à la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) pour toutes ses griffes et pour l’artisanat italien. On le sait, l’une des spécificités du luxe italien est d’être produit par des petits ateliers souvent familiaux qui forment un tissu dans toute la péninsule. Environ 90 % de la production Fendi est ainsi faite à façon.
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Une passerelle entre l’artisanat et l’industrie
La mondialisation de la fabrication des dernières décennies a fragilisé ces structures à taille humaine, tout comme la crise sanitaire. L’inauguration de cette fabrique par Antoine Arnault lors des dernières Journées Particulières est donc un symbole fort. Au-delà de la stratégie business, des objectifs économiques, il s’agit de redonner leur prestige aux savoir-faire, de créer des passerelles entre l’artisanat et l’industrie et de transmettre cette culture et ses compétences.
5 questions à Serge Brunschwig, PDG de Fendi.
Comment faire basculer le savoir-faire historique/patrimonial/culturel Fendi dans la modernité ?
C’est l’un de nos objectifs principaux ! Fendi représente des techniques précieuses et un héritage que nous souhaitons transmettre aux générations futures pour qu’elles découvrent la richesse incroyable de ces savoir-faire qui se perpétuent d’artisan à artisan. Rendre ces valeurs modernes, c’est, pour nous, les rendre accessibles. Notre proximité avec les écoles et les instituts professionnels nous permet de toucher la nouvelle génération et de démontrer que cet héritage est fondamental pour la culture et l’économie de la région, du pays et de la Maison. La transmission est la clé vers la modernité.
Fendi est-il précurseur dans ce domaine ?
Fendi a souvent été précurseur et je pense que nous le sommes aujourd’hui encore avec le développement d’un lieu comme la Fendi Factory. Elle représente un énorme engagement envers la communauté locale, l’environnement et nos collaborateurs. Nous prévoyons d’accueillir encore plus d’artisans dans nos ateliers, grâce à nos programmes de formation et de transmission. Les effectifs présents sur le site doubleront en trois ans.
Y a-t-il aussi une ambition économique, un désir de lancer un défi aux autres maisons de luxe italiennes et internationales leaders sur ce segment de marché ?
Ce n’est pas nécessairement une ambition, mais oui, nous espérons être « copiés » bientôt et inaugurer un cercle vertueux dans ce sens !
Est-ce que cette évolution durable se traduit aussi dans la sélection et le choix des matières ?
Fendi s’engage à travailler avec des matériaux de la plus haute qualité, traités de manière responsable, en adoptant une approche éthique attentive. Nous explorons en permanence des fibres innovantes afin de créer des pièces textiles sublimes ayant un impact réduit sur la planète. Nos principes d’approvisionnement raisonné s’étendent même aux fibres utilisées pour l’emballage de nos produits. Le cuir est essentiel pour Fendi et nous nous engageons à l’obtenir de manière la plus responsable, durable et traçable possible. Nous nous fournissons auprès de tanneries qui font partie du Leather Working Group. Pour le coton, Fendi est membre de la Better Cotton Initiative (BCI) et s’est engagé à s’approvisionner à 100 % en coton plus durable cette année. Les housses de nos produits sont déjà fabriquées avec du coton 100 % BCI. Nous appliquons cette approche à la soie, aux cuirs exotiques, aux matériaux synthétiques…
Fendi, demain, c’est… ?
Les mêmes valeurs qu’aujourd’hui avec encore plus de créativité et encore plus d’audace !
En 2020, Fendi a ainsi lancé Hand in Hand. Dans chaque région, elle a demandé à un artisan de réinterpréter un sac Baguette en fonction de sa spécialité. Outre l’attraction que ces luxueuses œuvres d’art peuvent avoir pour les acheteurs, il s’agissait de sauvegarder et de promouvoir des pratiques manuelles précieuses.
En Sicile, Platimiro Fiorenza, 73 ans, est le dernier artisan à travailler le corail. Personne ne projetait jusqu’à présent de prendre sa succession… mais depuis qu’il a imaginé ces sacs de cuir rouge ornés d’un dessin typiquement sicilien de coraux, l’intérêt revient. Dans le Val d’Aoste, la coopérative de femmes Lou Dzeut a tissé sur des métiers en bois anciens du chanvre naturel et l’a brodé de fil rouge suivant des motifs locaux.
Dans les Abruzzes, le sac a été réalisé avec de la dentelle « tombolo aquilano » selon une tradition de fils cousus, noués, dont chacun représente plus de cent heures de travail. Cinq de ces artisans sont venus récemment à la fabrique. Si, pour plus de rationalité, Fendi regroupe sur ce site tous ses départements, soit le développement, la production et le stockage – minimiser les déplacements est un aspect de la RSE –, ses ateliers forment également ses propres apprentis via des masterclasses et, à travers ces artistes, leurs pupilles se sont découvert des tuteurs extraordinaires.
Ce qui prolonge le partenariat que la Maison a mis en place avec l’institut Russell–Newton pour former des jeunes au travail sellier. La Fendi Factory a six mois, ce n’est donc qu’un début. Entre passé et futur, c’est aussi son propre héritage que la patrimoniale Maison des belles peaux lègue aux nouvelles générations.
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