The Good Guide
Comme un pavé jeté dans la marre des bistrots de partage, Alice Tuyêt fait des vagues dans le joyeux microcosme parisien. Faubourg Daimant, son projet de longue haleine, ouvre enfin ses portes, fier d'une cuisine plant-based qui n'a rien de diététique. Au contraire ! Sauces, faux gras, jeux de textures et de cuissons : le tout est bien canaille, une véritable ode à la cuisine bourgeoise.
Faire du vegan sans le dire, voilà le pari que réussit d’Alice Tuyêt aux commandes du nouveau restaurant Faubourg Daimant.
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Une évidence
Alice Tuyêt ne lâche jamais l’affaire. Un e-mail daté de 2021 témoigne que, déjà, elle orthographiait dément… daimant. Une faute volontaire, bien sûr. A l’époque, elle teasait la naissance de « Daimant Collective » qui prendra finalement le nom de Plan D, une façon de garder encore secrète la si belle surprise qu’elle révèlerait deux ans plus tard.
Nous y voilà. Six lettres sont venues compléter ce « D » laissé nu, accolées non pas au mot « collective » comme prévu en 2021 mais à un indice quant à la suite de l’histoire, le tout entremêlé dans un logo pile poil dans l’air du temps.
Faubourg Daimant a ouvert ses portes pendant l’été, se faisant tranquillement mousser par une faune de connaisseurs contrainte à regarder le soleil sur Instagram. Déjà, le nom d’Alice s’impose comme celui d’une cheffe-entrepreneure qui va (qui a ?) révolutionner le milieu de la gastronomie parisienne.
Tout le monde parle de Faubourg Daimant
Depuis la rentrée, tout le monde parle de Faubourg Daimant. Les vacanciers bronzés sont rentrés, la cuisine a eu le temps de roder ses marmites et le service son coup de poignet. Il nous faudra donc patienter le temps que soient installés quelques 5-6 personnes avant de nous glisser jusqu’à la table charmante, sous la verrière, qui verra défiler notre repas du soir.
Archi comble, le restaurant s’affiche tout en longueur dans un esprit « classique parisien mais cool, tu vois ? ». Car c’est Alice qui s’active en salle pour placer et aiguiller ses hôtes aux côtés d’un staff souriant et ultra professionnel. Dans cet ancien rade aux accents basques, la cheffe a imaginé un élégant restaurant décoré de bois, de céramique et de velours, pour faire écho au style faubourg, mais pas trop.
Faubourg Daimant se définit comme une maison « esprit 1900, mi canaille, mi bourgeoise ». Une définition plutôt juste au regard de ce beau vaisselier et des jolies tables nappées, à cela près que le bistrot a tout compris à son époque.
La gourmandise a une nouvelle définition
Du menu, on retient pour ce soir les radis « en mieux », les croquettes « cochonnes », les pommes dauphine au caviar, les carottes sauce barbecue et la purée légère au jus dense. Un bon résumé de cette cuisine de faubourg qui tient tant à cœur à Alice Tuyêt. Mais…
Les radis sont servis sans beurre, les croquettes cuisinées à partir de pâte de soja et de champignons, le caviar provient d’algues bretonnes, la sauce barbecue est une réduction de jus de légume, tout comme celui qui accompagne la purée. Du 100 % vegan !
Jamais, ni sur la carte ni dans le discours de nos interlocuteurs n’aura-t-on eu l’information que Faubourg Daimant se dédiait à la cuisine végétale. Même pas à la première bouchée de ce plat d’orechiette en sauce sur lequel trônaient des pépites de bacon — croyait-on —, en fait des shiitakés laqués.
Alice Tuyêt est vegan depuis huit ans mais n’aime pas « déranger en société », alors elle « s’adapte et mange parfois des protéines ». Lasse de faire le dos rond, elle a voulu inventé pour les gens comme elle un restaurant où le vegan ne serait pas synonyme d’une certaine pauvreté en saveurs, souvent associée au manque de gras dans les préparations. « Les saveurs se logent dans le gras », concède-t-elle. Faire une sauce sans beurre, un pari impossible à tenir ?
Celle qui est « obsédée par le fait de faire de la bonne bouffe autour du végétal » a cherché — et trouvé — des solutions alternatives aux protéines animales afin de recréer une sensation de gras et de gourmandise dans les plats de son restaurant vegan. « C’est une expérimentation constante avec ma brigade qui m’a permis de mettre au point ces croquettes sans béchamel et ce jus de corsé sans viande. » Alors, s’amuse la cheffe, « on a violenté les légumes, on les a brûlé, maltraité. C’est comme cela que nous avons réussi à créer des réactions proches de celles qu’on arrache à la viande. »
Le résultat est bluffant. A-t-on néanmoins envie de mettre l’emphase sur ce tour de magie réalisé sans protéines animales ou plutôt sur cette cuisine finalement tout aussi délectable (voire plus) que celle de n’importe quelle adresse qui a dans ses frigos une belle plaquette de beurre. Car, chez Faubourg Daimant, les vegans viendront, certes, chercher ce réconfort qu’ils attendaient tant, mais n’importe quel gourmand se régalera, point à la ligne.
Alice et son équipe réussissent le tour de force de raviver la flamme d’une cuisine de faubourg dans les contours d’une époque aussi tranchante que la lame d’un scalpel. Un peu de douceur dans ce monde de brutes… vegans.
Faubourg Daimant
20 Rue du Faubourg Poissonnière, 75010 Paris
Site internet
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