×
Les family-offices sont portés par une envie de prendre part aux changements environnementaux et sociétaux du monde, 2023 - TGL
Les family-offices sont portés par une envie de prendre part aux changements environnementaux et sociétaux du monde, 2023 - TGL
Marine Mimouni

The Good Business

Le family-office, qu’est-ce que c’est ?

The Good Business

Non contrainte par la recherche immédiate de rentabilité, la gestion du patrimoine des familles fortunées a toujours été un segment à part de la finance. Depuis quelques années, les family-offices se font moins discrets, portés par une envie de prendre part aux changements environnementaux et sociétaux du monde.

On estime aujourd’hui à 8 000 le nombre de family-offices à travers le monde : 8 000 bureaux sur tous les continents dont la vocation est de sécuriser et de pérenniser le patrimoine financier de familles, aussi étendues soient-elles. Si l’Asie gagne du terrain en nombre, les États-Unis et l’Europe demeurent les principales terres d’accueil des fortunes familiales.


A lire aussi : La banque a-t-elle encore un avenir ?


Ⓒ Pexels
Ⓒ Pexels

Selon la légende, le tout premier family-office aurait été imaginé il y a 140 ans par un certain John D. Rockefeller Senior. La création d’un family-office découle très souvent de la cession d’une entreprise florissante.

Le produit de la vente (généralement à partir de 100 millions d’euros) est transféré dans une structure de gestion spécialisée, dont l’objet est la sécurisation des actifs de la famille afin de les transmettre aux générations suivantes.

Étant entendu que chaque famille dispose de moyens suffisants pour assurer son train de vie, chaque investissement réalisé par un family-office s’inscrit dans la durée. À l’origine, les actifs réels (immobilier, art, vignes…) et les marchés financiers étaient largement plébiscités par les familles.

Depuis quelques années, un changement s’opère : les familles ne se contentent plus de faire fructifier leur patrimoine avec prudence, elles s’engagent via des investissements risqués et entrent directement au capital d’entreprises innovantes et de PME. Une volonté de « faire » et non plus de « faire faire » particulièrement à l’oeuvre depuis la crise financière de 2008.

Changement de paradigme pour les family-offices

Ⓒ Pexels
Ⓒ Pexels

C’est ainsi qu’à la suite de la cession d’Hologram Industries, son président fondateur, accompagné de ses enfants, crée un family-office. « Enowe a été activée comme structure d’investissement par Hugues Souparis en 2019. À cette occasion, il a entrepris une réflexion avec ses deux enfants pour déterminer quel serait leur projet commun », se souvient Grégory Wagemans, directeur général d’Enowe.

La structure, pourvue d’une capacité d’investissement de 150 millions d’euros se positionne de façon majoritaire sur des maisons d’excellence, PME françaises aux savoir faire particuliers, comme Pequignet ou Brana. Cette poche d’investissements représente 20 % des positions, tandis que les investissements dits à « impact » comptent pour 80 % des engagements.

« Hugues Souparis est un entrepreneur dans l’âme, il s’intéresse surtout aux projets de développement des entreprises. Ses enfants sont en recherche de dispositifs permettant d’avoir un impact positif, social ou environnemental », poursuit Grégory Wagemans.

Ⓒ Pexels
Ⓒ Pexels

Plus question donc de se contenter de gérer en bon patriarche des actifs immobiliers aux rendements certains, les familles fortunées entendent engager leurs valeurs et leurs convictions dans leurs allocations, quitte à prendre davantage de risques.

« En tant que famille, nous pouvons aligner notre rentabilité aux risques systémiques et sociétaux à long terme qui sont les nôtres. À mon sens, le véritable risque n’est pas financier. Pour mes enfants, le vrai danger ce sont les conséquences humaines et écologiques de la catastrophe climatique annoncée, ou encore la montée des extrêmes », explique Richard Azarnia qui, après avoir créé son family-office, a lancé en 2020 The Good Investors, une coopérative de family-offices.


A lire aussi : Green Got, La néo-banque qui ne pollue pas


Le problème à la racine

Ⓒ Pexels
Ⓒ Pexels

L’objectif : mutualiser les ressources de recherche et d’analyse entre familles pour, ensemble, identifier et investir sur des projets dits « systémiques », c’est-à-dire bien au-delà de ce que l’on appelle les investissements à impact.

« En faisant de l’impact, on déplace simplement le problème. En remplaçant les voitures à hydrocarbures par des voitures électriques, on crée d’autres problèmes liés à l’extraction des métaux lourds et des terres rares, par exemple. Si vous donnez du doliprane à une personne atteinte d’une tumeur au cerveau, vous vous contentez de soigner le symptôme. Cela ne l’empêchera pas de mourir six mois plus tard. À l’inverse, les Good Investors adoptent une approche systémique qui prend le problème à la racine et cherche à guérir le cancer du cerveau et à prévenir les suivants », poursuit Richard Azarnia.

La coopérative regroupe d’ores et déjà quatre familles, qui ont abondé à hauteur de 37 millions d’euros, et vient de lancer un fonds evergreen, c’est-à-dire à durée illimitée, ouvert à tous. Parmi les pépites dénichées par The Good Investors, une entreprise baptisée KOKO Networks.

Ⓒ Unsplash
Ⓒ Unsplash

« En Afrique, un tiers des émissions de gaz à effet de serre provient du charbon de bois, dont 95 % sont utilisés pour la cuisson des aliments. KOKO Networks a agi sur le système en proposant aux usagers un autre mode de combustion. De façon pragmatique, ils ont opté pour le bioéthanol, utilisant la seule infrastructure de distribution efficace existante, celle employée pour les hydrocarbures, et ont subventionné le coût du bioéthanol grâce à des crédits carbone. En moins de quatre ans, l’équipement de plus d’un million de foyers a permis une réduction de 10 % des émissions de gaz à effet de serre au Kenya cette année. À l’horizon 2030, cette solution pourrait permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 10 à 15 % sur le continent africain », explique Richard Azarnia.

Côté financier, si les risques sont a priori gigantesques, les rendements le sont potentiellement aussi. En six ans, la valorisation de l’entreprise a été multipliée par dix. La dernière levée de fonds, d’un montant de 100 millions d’euros, a attiré des investisseurs institutionnels d’envergure.

« En tant que famille, nous avons des droits, mais surtout des devoirs. À travers nos investissements, nous pouvons être la courroie de transmission pour des projets systémiques en les portant à un stade pertinent pour les institutionnels », conclut Richard Azarnia.


A lire aussi : Milleis Banque, l’ambitieuse banque privée française

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture