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Jusqu’au 29 janvier 2023, à Paris, le Mobilier National expose près de 200 pièces d’art décoratif et de mobilier à la galerie des Gobelins, sous l’égide de l'élégance française et dans une scénographie signée Vincent Darré. The Good Life a visité Le Chic ! Arts décoratifs et mobilier français de 1930 à 1960.
Le chic : une certaine idée du goût français
C’est une certaine idée du goût : celui, très français, d’un « cocktail si singulier de chic, de modernité et de fantaisie » selon le mot d’Hervé Lemoine, président du Mobilier National et des manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, à l’origine de l’exposition qui s’ouvrait le mois dernier dans le treizième arrondissement parisien. Une « modernité douce », plutôt Salon des Artistes Décorateurs qu’Union des Artistes Modernes : une esthétique moins radicale, souvent oubliée par le XXIe siècle au profit des représentants de l’UAM, au trio gagnant Charlotte Perriand, Jean Prouvé et Le Corbusier en tête.
Avons-nous été suffisamment abreuvés de ces « formes utiles » à tout prix ? Toujours est-il que les années 2020 semblent être celles de la fantaisie (petit à petit) retrouvée. En témoigne la sollicitation du Mobilier National au fantasque décorateur parisien Vincent Darré, qui signe la scénographie de l’exposition mettant en valeur l’âge d’or de l’ameublement et la décoration des grandes institutions françaises.
Âge d’or, vraiment ? Le visiteur pourra s’étonner que le parcours s’arrête abruptement à la fin des années 1960. Question de goût, comme le suggérait Vincent Darré aux journalistes à l’inauguration de l’exposition ? C’est là, peut-être, que le bât blesse : le chic serait-il snob ? Dieu sait pourtant que le snobisme actuel favorise le mobilier d’un Pierre Paulin, designer-étendard de la présidence Pompidou. Point de Pompidou ici. Nous n’en serons pourtant pas mécontents : pour une fois, l’ombre écrasante du couple n’occulte pas les autres commanditaires de la modernité, qui l’ont, eux aussi, installée au sein des lieux de pouvoir.
Une scénographie signée Vincent Darré
Dans une scénographie parfois écrasante -c’est le cas de la section « La Renaissance de Rambouillet » où le décor manque de vous rendre aveugle aux pièces présentées-, parfois réussie, Vincent Darré nous livre son trait, comme toujours à mi-chemin entre un Cocteau et un Philippe Jullian et s’amuse en amateur des trouvailles dans les vastes réserves du Mobilier National.
La salle « Soutenir les artistes décorateurs » confronte ainsi dans une pièce polygonale plusieurs œuvres, pour la plupart issues de commandes du Mobilier National en pleine Seconde Guerre Mondiale : on se souvient d’un superbe bureau en bois plaqué de palmier d’Eugène Printz (1943) ou encore un précieux cabinet en palissandre des Indes et sycomore orné des signes du Zodiaque par André Devèche, Noël Brunet et Marcel Mergier (1944). Le pavillon de chasse de Marly réinventé par Vincent Darré -sol en damier, larges baies peintes et murs verts- retrouve un ensemble de mobilier de Gilbert Poillerat, notamment les si charmantes chaises Messidor en fer forgé tapissées par la manufacture de Beauvais sur un dessin du décorateur Jacques Fillacier (1949). La salle de bains présidentielle période Auriol surprend avec l’ensemble de toilette (coiffeuse, chaise, porte-serviette-tapis) par Colette Gueden tout en métal et reflets de miroir (1946).
De découvertes, si vous êtes connaisseur aguerri, vous ne ferez pas. Mais l’exposition plutôt didactique, articulée décennie par décennie autour des plus grands noms des intérieurs officiels français, permet tout de même de mettre en lumière quelques oubliés du grand public et même d’autres redécouvertes de talents, comme Jeanne Dinet-Rollince, attribution récupérée par certains luminaires après des recherches approfondies. « C’est tout un art de vivre que nous avons essayé de retranscrire, plaide Vincent Darré. Nous avons voulu rendre hommage aux métiers d’ensembliers et de décorateurs, les ancêtres des designers et de démontrer ainsi que le Mobilier National était bien avant-gardiste, passant officiellement commande, comme il le fait d’ailleurs toujours, à de jeunes talents. » Et Hervé Lemoine de renchérir « la décoration est un anti-dépresseur ! »
Quel bonheur, en effet, de croiser les beaux noms d’André Arbus, de René Prou, de Gilbert Poillerat, de Maurice Dufrène, Louis Süe ou encore d’André Groult au fil des intérieurs recréés de l’exposition. On trouvera même quelques réponses contemporaines aux aînés, comme un panneau de marqueterie de paille par la célèbre Lison de Caunes dont les ateliers œuvrent aux plus grands chantiers depuis Paris.
Exposition Le Chic ! Arts décoratifs et mobilier français de 1930 à 1960.
Jusqu’au 29 janvier 2023 au Mobilier National, à la Galerie des Gobelins, Paris.
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