The Good Business
Symbole de richesse et porteuse de nombreux clichés, Dallas est en train d’opérer une mutation rapide qui lui garantit un avenir égal à celui de New York ou de San Francisco. Une ville qui offre d’incroyables opportunités de business et d’emplois, la qualité de vie en prime.
Concentration d’entreprises
Consacrée comme l’une des villes les plus agréables des États-Unis, Plano est passée en cinquante ans de bourgade agricole de 3 000 âmes à une ville cosmopolite de 250 000 habitants qui regorge de restaurants de toutes sortes. Autour de ces deux villes qui forment, le long de l’autoroute 75N, le principal segment du Telecom Corridor, s’étendent d’importantes entreprises high-tech comme VCE, Cisco, EMC, Nortel ou Southwestern Bell, installées à Richardson, et Ericsson, Electronic Data Systems ou Dell, à Plano. C’est dans ces environnements riches et vibrants que se trouve l’université du Texas à Dallas (UTD), avec ses 17 000 étudiants, et que se concentrent les meilleures écoles.
Les campus d’entreprise sont tout aussi prestigieux. Comme celui de Texas Instruments, la firme emblématique de Dallas, et ses 40 000 brevets, d’où est sorti, dans les années 50, le premier ordinateur à circuit intégré. Visionnaire, TI, qui était à l’origine une compagnie pétrolière, a ouvert la voie de l’informatique. Elle est, depuis des années, l’une des entreprises préférées des étudiants, de celles où il fait bon travailler. Il faut dire qu’elle met à la disposition des talents qu’elle recrute de nombreux moyens pour développer l’innovation. L’autre entreprise symbole, c’est American Airlines : basée à Fort-Worth, la ville des cow-boys, c’est la plus grande compagnie aérienne du monde. Forte de ses 100 000 employés, dont 27 000 sont à Dallas, elle opère 6 700 vols quotidiens vers 350 destinations dans plus de 50 pays.
Une histoire qui reste à écrire
« La cow-boy attitude, c’est construire, construire, construire. » Dans son bureau de la Cox School of Business, Joseph Cahoon montre sur son écran les changements intervenus dans la métropole au cours des trente dernières années. Spectaculaire ! Surtout dans Uptown Dallas, l’un des marchés immobiliers les plus actifs du pays, avec la banlieue de Plano. Le quartier d’affaires lui aussi se rénove. Il y a quelques années seulement, l’Arts District du centre-ville n’était qu’un parking.
Arts District
C’est le poumon culturel de la ville, constitué de bâtiments majeurs disséminés de part et d’autre de Flora Street. A une extrémité, le Dallas Museum of Art (DMA) ; à l’autre, le One Arts Plaza ; entre les deux, une alternance d’institutions culturelles, d’immeubles de bureaux et de restaurants. En 1983, le conseil municipal et un comité de citoyens, de mécènes et d’acteurs de la vie culturelle adoptent le plan directeur de l’urbaniste Hideo Sasaki. C’est lui qui a guidé, jusqu’en 2015, les aménagements du quartier. Le nouveau DMA, de l’architecte Edward Larrabee Barnes, ouvre en 1984, suivi, en 1985, de la tour du Trammell Crow Center, signée par l’agence SOM et au pied de laquelle se trouve le Crow Museum. En 1989 est inauguré le Meyerson Symphony Center, conçu par Pei. Las, la récession frappe : plus rien ne se construit pendant quinze ans. Fin 2003, c’est le Nasher Sculpture Center, de Renzo Piano, qui rouvre le bal, puis, en 2009, le Winspear Opera House, dessiné par Foster & Partners, et le Wyly Theater, signé REX/OMA, avec un aménagement paysager du Français Michel Desvigne. L’ensemble forme l’AT&T Performing Arts Center. S’ajoute, en 2012, le Dallas City Performance Hall, de l’agence SOM, le Perot Museum of Nature and Science, conçu par Morphosis, et, en juillet 2015, la tour de bureaux KPMG Plaza, de HKS. C’est la plus forte concentration mondiale de lauréats du prix Pritzer. Il reste encore beaucoup de terrains à occuper, lesquels semblent maintenant destinés à accueillir des résidents. C’est en effet ce qu’il manque à ce quartier, bien désert en dehors des heures de spectacle… S. B.
Pour Joseph Cahoon, « le prochain boom dans l’immobilier se fera dans le sud du comté de Dallas. Cinquante mille hectares sont disponibles, et l’enjeu est immense. Il est nécessaire de relier les quartiers comme cela a été fait entre Downtown, le centre et Upper Town », souligne-t-il. « Il faut aussi réduire la pauvreté, insiste le juge Clay Jenkins. Les écoles de la banlieue sud manquent de moyens. Quant au logement, les prix augmentent beaucoup plus vite que les revenus. » Toujours au sud, le dossier épineux de l’historique complexe de loisirs de Fair Park (où se tient chaque année la foire de Dallas), avec ses pavillons Arts déco, divise la communauté. Les autorités locales et les décideurs n’ont pas encore trouvé le bon projet pour ce lieu, grand comme Central Park, à New York. Membre du Dallas Citizens Council (DCC), une organisation non lucrative composée de chefs d’entreprise, Arcelia Acosta se veut concrète. Elle défend la privatisation du Dallas Fair Park : « Notre mission est de mettre à contribution les ressources collectives, de trouver des solutions aux problèmes qui se posent, qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation, des transports et enfin d’influencer les leaders sur les grandes décisions à prendre. »
Malgré les difficultés des quartiers sud, le climat reste au beau fixe. Et le juge Jenkins, confronté aux dossiers sociaux les plus lourds, se veut optimiste : « Beaucoup d’emplois ont été créés à Dallas dans les trois dernières années. Les opportunités sont immenses et cela attire de nombreuses populations, en particulier des migrants. » Avec 4 %, Dallas connaît le taux de chômage le plus bas et la croissance de l’emploi la plus importante des États-Unis. Quant à la démographie, elle est la plus forte du pays. Le chauffeur de taxi qui file sur McKinney Avenue en direction de West Village est un nouveau venu à Dallas, en raison des opportunités de travail. Il est content d’avoir quitté New York. Même s’il trouve que Dallas manque de charme. Attention, chaussée glissante. Rien n’agace plus les Dallassiens que lorsqu’on compare leur région à un plat pays sans attrait. Philip J. Jones s’inscrit en faux : « Question environnement, il y a l’architecture, les musées, les jardins, comme l’Arboretum, les lacs et les immenses parcs. Enfin, Dallas est la ville américaine qui compte le plus de restaurants au mètre carré, et le sport reste au centre des loisirs. Pas de quoi s’ennuyer. » Mike Wilson, du Dallas Morning News, renchérit : « Avec la desserte aérienne, il est facile d’aller passer le week-end dans le Colorado ou à Santa Fe. » Depuis quelques années, le plaisir du shopping a pris de l’ampleur. L’aire métropolitaine de Dallas-Fort Worth abrite le deuxième centre commercial des États-Unis, Highland Park Village, une banlieue riche où vit l’ancien président Georges W. Bush. Au deuxième étage de son espace de coworking, situé dans West End, dans le vieux quartier de la City, Trey Bowles regarde le ciel. Sa réponse semble avoir déjà été éprouvée. « Il manque un story telling pour convaincre que rien n’est plus beau que le coucher du soleil sur la prairie. Ici, les jours sont plus longs et le soleil brille plus longtemps. » Pour lui, Dallas est encore en chantier. « Entre trois et cinq ans. C’est le temps qu’il faut pour que le bouchon de la bouteille de champagne explose, et que le champagne retombe sur toute la ville », conclut-il. Y. de K.
Les Latinos, entre tradition et compétition
Le Texas, qui partage presque 3 000 km de frontière avec le Mexique, est l’Etat qui compte le plus grand nombre d’Hispaniques. Dans le seul comté de Dallas, ils sont environ 900 000, contre 1,2 million de Blancs et 500 000 Noirs. Au vu du nombre d’enseignes dans les rues, ils sont très nombreux dans le commerce, l’artisanat et la restauration. Il existe 70 000 PME dirigées par des Latinos. Depuis l’année 2010, environ 2 000 migrants y ont transféré leur entreprise ou en ont créé une. « Il n’y a encore pas assez de décideurs économiques dans la communauté hispanique », regrette Jorge Baldor, fondateur du Latino Center for Leadership Development (CLD). Confrontés à la société de compétition, beaucoup de jeunes Mexicains ont en effet du mal à ajuster l’attachement aux traditions et à la famille avec la performance économique. « La structure sociale les freine. Leurs parents préfèrent qu’ils trouvent sans tarder un emploi plutôt que de poursuivre des études supérieures. » Une fatalité que combat Jorge Baldor. Au sein du CLD, il encourage les jeunes à devenir acteurs du développement. « Dallas est unique pour se faire une place. » C’est ce qu’ont bien compris certaines femmes dirigeantes, comme Arcilia Acosta, CEO de Carcon Industries et STL Engineers, l’une des rares dans la construction. Membre du Dallas Citizens Council, elle a aussi présidé la Texas Association de la chambre de commerce américano-mexicaine. On pourrait la croire boulimique, vu ses états de service. « Non, je suis juste quelqu’un qui mène une vie équilibrée, dit-elle. Mes valeurs sont les enfants, l’énergie, la responsabilité et le volontariat social. Quand on est une businesswoman, on est plus heureuse parce qu’on se réalise autant dans le travail et le bien public que dans la famille. » Le succès se mesure au bon contact avec les gens, les profits et la croissance. Exemple : le très influent Guillermo Perales, 55 ans, CEO de Sun Holdings. MBA en poche, il a monté l’un des réseaux de franchise les plus importants des États-Unis (Burger King, Popeyes, Arby’s, Golden Corral, Cici’s Pizza…). Son soutien aux initiatives locales, dans le domaine scolaire, par exemple, en fait un pivot de la communauté. Y. de K.