Urbanisme et chaos
C’est autour du seul endroit où la Trinity River pouvait être aisément franchie que la ville s’est formée. Ce n’est qu’à la fin du xixe siècle, avec l’arrivée du chemin de fer, que Dallas se développe. Comme dans la plupart des villes nord‑américaines, son centre-ville a vite été déserté – les effets pervers de l’automobile. L’arrivée d’autoroutes a fini de fragmenter la ville, exacerbant la ségrégation entre les moins fortunés, coincés au sud de l’autoroute 30, et les mieux nantis, installés au nord. Le centre-ville devient alors un job center rempli de tours et de parkings. Aux quelques bâtiments du début du xxe siècle, chaque décennie ajoute les siens, avec un pic dans les années 80. L’architecte Pei construit successivement l’hôtel de ville (1978), le One Dallas Center (1979), l’Energy Plaza (1983), la Fountain Place (1986) et le Morton H. Meyerson Symphony Center (1989). L’Arts District commence à prendre forme, les électeurs de Dallas approuvent la création du Dallas Area Rapid Transit (DART), et d’autres centres d’affaires se construisent à l’extérieur du centre. La crise de 1987 met un terme à cette frénésie. Il faut attendre 2006 pour voir de nouveau s’élever un gratte-ciel dans le centre-ville, celui qui abrite le W Dallas Victory Hotel and Residences. Aujourd’hui, les chantiers se multiplient près de l’Arts District, où les terrains vacants sont encore nombreux, et dans Uptown, de l’autre côté de l’autoroute, dont une partie a été recouverte en 2012 afin d’y implanter un parc, le Klyde Warren Park. Les plus grands architectes internationaux sont sollicités : Cesar Pelli, Jean-Michel Wilmotte, Kengo Kuma… Sans oublier Santiago Calatrava (ponts Margaret Hunt Hill et Margaret McDermott). On s’intéresse de nouveau à des bâtiments mid-century qui avaient été abandonnés. L’agence d’architecture Merriman Anderson en a fait l’une de ses spécialités et s’occupe de la conversion du Continental Building, du Statler Hilton et de l’Elm Place. Des projets qui favorisent la mixité d’usages : hôtels, appartements, commerces. L’hôtel de ville s’adapte aux demandes du marché en suivant les demandes des promoteurs « Le mot “règlement” n’est pas le bienvenu au Texas, et il ne faut pas trop parler de planification, ironise Peer Chacko, chef de la planification urbaine. Notre rôle est d’examiner les projets et de trouver l’équilibre entre le public et le privé en utilisant les fonds publics comme effet de levier pour le financement des projets. Pour la hauteur, sky is the limit, et nous tentons de réduire les exigences de parking pour favoriser d’autre types de déplacement que la voiture. Enfin, nous donnons l’exemple en matière de développement durable en nous assurant que les bâtiments municipaux sont certifiés Leed. Il reste toutefois beaucoup à faire en ce qui concerne la pollution de l’air, le drainage et les risques d’inondation. » S. B.
Dallas : tout le monde connaît. Du moins à la télé. Associé à l’image du business et des milliardaires, le nom de la ville est un véritable symbole. Demandez aux gens les plus pauvres de la planète où ils aimeraient vivre, ils vous répondront presque tous : à Dallas ! Un rêve américain qui a fourvoyé des millions de personnes dans les histoires lamentables de la famille Ewing. Et un traumatisme : l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy, un jour de novembre 1963. « Cela a été vécu comme une honte qui a plombé la réputation de la ville pendant des années », explique Trey Bowles, 40 ans, le fondateur du Dallas Entrepreneur Center (DEC). C’était il y a cinquante-trois ans. Les temps changent. Mais derrière le symbole, quelle est la réalité ? Entre le cow-boy mal dégrossi de J. R. et les milliardaires férus d’architecture et de déco, rien à voir. Le premier est vulgaire, les autres sont plus cultivés et plutôt soucieux de se montrer à travers les œuvres qu’ils collectionnent. Certes, les ranchs sont encore là. Mais les musées occupent le devant de la scène. L’industrie du pétrole a déménagé du côté de Houston, la rivale, afin d’être plus près de la côte. Mauvais calcul. Tandis que Houston subit la chute des prix du baril, Dallas la chanceuse n’a pas vu passer la crise. « “Big D” tire parti de son exceptionnelle position logistique, grâce à sa situation géographique centrale », souligne Sean Donohue, le CEO de l’aéroport Dallas-Fort Worth.
Pas besoin de chercher bien loin pour comprendre pourquoi les entreprises qui viennent à Dallas se sentent tout de suite chez elles. Pragmatiques et accueillants, les habitants de Dallas, riches comme pauvres, veulent que le train aille dans la même direction. Les investisseurs bénéficient de l’approche business friendly des opérateurs publics texans. Le top, pour les nouveaux venus, c’est qu’il n’y a pas d’impôt direct sur le revenu. Aux avantages fiscaux s’ajoutent les réglementations simplifiées et la souplesse des régulations. Sans compter le coût de la vie. « Il est 30 % moins élevé que dans la plupart des grandes villes américaines, précise Joseph Cahoon, spécialiste de l’immobilier et directeur du Folsom Institute for Real Estate. La qualité de la vie est comparable à celle de la Californie, mais les loyers sont beaucoup moins chers à Dallas. » Pour 1 500 dollars, on peut louer un bien de 30 m2 à San Francisco et de 110 m2 à Dallas. Enfin, l’immensité de l’espace permet de construire des bâtiments neufs sans véritable contrainte. Si San Francisco reste la localisation préférée des start-up, le choix pour commencer une petite entreprise se porte désormais de plus en plus sur Dallas. Avis aux start-up : la Silicon Prairie possède pléthore de terrains et de bâtiments à bas prix. Une maison qui vaut 1,2 million de dollars en Californie, à Washington ou à New York, en vaut 500 000 à Dallas.