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Les formulations des écrans solaires à base de filtres minéraux deviennent la norme du secteur. Mais à quel point tiennent-elles leurs promesses écologiques ?
Eté comme hiver, protéger sa peau du soleil est indispensable. Mais face aux enjeux écologiques, les vacanciers s’orientent de plus en plus vers des crèmes « bio » ou formulées à partir de filtres naturels. Une bonne idée ?
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Une menace pour l’environnement
Il n’existe pas à proprement parler de filtres « naturels » en matière de crème solaire. Dites « bio » ou « classiques », les lotions sont toutes formulées en laboratoire à partir de composants chimiques. La différence réside sur leur mode de fonctionnement, une crème solaire à filtres naturels ne pénétrant pas l’épiderme — ils se déposent sur la peau pour réfléchir les rayons UV — alors que les filtres chimiques, composés de molécules telles que l’oxybenzone, pénètrent l’épiderme pour absorber les UV à la place de la peau.
D’après les chiffres de plusieurs ONG comme Surfrider Foundation et Green Cross, 25.000 tonnes de composants issus des crèmes solaires à filtres chimiques stagnent chaque année dans les océans, dont 4.000 à 6.000 tonnes finissent sur les récifs coralliens, causant des dommages aux fonds marins.
Les filtres UV dont ces crèmes sont constituées créent en effet une réaction chimique au contact de l’eau, de la lumière solaire et de l’oxygène, formant des quantités importantes de nocifs tels que le peroxyde d’hydrogène (H2O2), nocifs pour les micro algues qui sont, elles, cruciales pour le développement du corail et pour l’écosystème tout entier.
L’avènement des crèmes solaires bio
Le magazine 60 millions de consommateurs nommait en 2023 le lait solaire à l’huile d’abricot SPF 50+ de La Rosée Paris comme meilleure crème solaire du marché, un flacon couronné pour sa praticité, sa résistance à l’eau et son parfum.
Ces dernières années, les crèmes solaires dites « bio » ont pénétré en force le marché. Les ventes de produits solaires haut de gamme étaient en hausse de 63% en France en 2022 (chiffres The NPD Group). Le marché global était quant à lui évalué à plus de 9 milliards de dollars en 2020 (chiffres Zion Market Research). Crèmes naturelles, durables, inoffensives pour les récifs, minérales, végétaliennes, biologiques, biodégradables… Les appellations sont légion. Et chaque terme renvoie vers une nuance particulière en matière de durabilité.
Pas facile, donc, de donner une définition précise pour le terme générique de « crème solaire bio ». Elles se distinguent en revanche très largement des lotions protectrices classiques par l’absence de filtres organiques issus de la pétrochimie et suspectés d’être des perturbateurs endocriniens.
Hawaii pass, un premier pas
Pour montrer leur engagement climatique, les marques qui produisent des crèmes solaires plus traditionnelles font souvent référence au respect d’une loi promulguée à Hawaï en 2018 interdisant la présence d’oxybenzone (benzophénone-3) et d’octinoxate dans les produits solaires vendus sur le territoire.
À partir de 2023, l’interdiction de deux autres filtres chimiques, l’octocrylène et l’avobenzone, a fait l’objet d’un nouveau projet de loi dans les mêmes îles. L’absence d’octocrylène, notamment, est devenue depuis quelques années un argument de vente, parce qu’il est peu biodégradable et donc nocif pour les coraux. C’est pour cette raison qu’aux États-Unis, plusieurs territoires l’ont déjà interdit dans les produits de protection solaires (îles Marshall, îles Vierges, Hawaii, Maui), suspecté également d’être un perturbateur endocrinien.
Dans les crèmes solaires bio, que des filtres minéraux
Les marques de crèmes solaires bio n’ont pas ce genre de soucis. Dans leurs produits, seuls les filtres minéraux sont autorisés. Et il n’en existe que deux : l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane. Pour rappel, un filtre minéral reflète le soleil et donc le rayonnement UV en plaçant une couche sur la peau là où les lotions classiques pénètrent l’épiderme.
Au cours des cinq dernières années, le nombre d’écrans solaires lancés ne contenant que ces deux filtres a augmenté de 80 %, selon Mintel GNPD.
Pour autant, la formulation des crèmes minérales a longtemps été un sujet brûlant. En Europe, certains types de dioxyde de titane sont classifiés comme cancérogènes suspectés de catégorie 2 par inhalation. Une hypothèse fortement réfutée par la Cour de justice de l’Union européenne en Novembre 2022.
Des crèmes solaires bio pas si respectueuses de l’environnement
Derrière les slogans qui scandent que les écrans bio sont à la pointe de la protection contre le soleil en termes écologiques, ces produits connaissent aussi des critiques. Dans une étude menée en 2013 sur un échantillon de soixante crèmes solaires, Craig Downs et son équipe du laboratoire environnemental Haereticus constataient que « de nombreux produits se disent moins nuisibles, mais grâce aux tests on découvre qu’ils sont très toxiques pour certaines espèces et populations, comme les embryons d’oursins ou de crevettes ».
Il existerait notamment plusieurs types d’ingrédients qui peuvent être contenus dans les produits bio ou naturels et qui ne sont pas pour autant sans risque pour l’environnement, comme l’eucalyptus, la théine, la caféine, les extraits de lavande et la cire d’abeille.
Marion Massis, directrice de l’expertise chez Oh My Cream nuance également : « entre les filtres minéraux et les filtres chimiques, il n’y aujourd’hui aucune preuve scientifique correctement étayée pour indiquer que les filtres minéraux sont moins impactants d’un point de vue environnemental. Ces deux types de filtres sont tout aussi problématiques car ils limitent le passage des UV à travers l’eau, rayons indispensables à la vie végétale marine ».
C’est pour cette raison que Oh My Cream « propose à la fois des produits dotés filtres minéraux, car ils sont souvent mieux tolérés par les peaux les plus sensibles, et des produits comprenant des filtres chimiques mais clean ».
Faire sans ?
Les questions sur les crèmes solaires bio se multiplient à l’heure où le marché de la crème solaire connaît un boom inouï. Si les filtres ne protègent pas toujours à 100 % contre les UVA (test 60 Millions de Consommateurs, 2021) et qu’ils s’avèrent parfois encore imparfaitement écologiques, les crèmes bio demeurent l’alternative la plus durable à date sur la table des lotions solaires.
D’autres solutions existent : certaines ONG de défense de l’océan conseillent tout simplement de faire sans à l’image de La Surfrider Foundation qui recommande de leur substituer des t-shirts ou des Lycra de baignade.
L.P.
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