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Voyage
C’est sans doute ainsi que le voyage se décline au présent : gagner un univers privilégié fait de coupe‑files, de sourires accueillants, de crèmes délicates et de pyjamas en coton peigné au cœur de votre Qsuite, sur le Paris – Tokyo. Mais qu’y a-t-il de l’autre côté des hublots ?
Vous pensez, non sans raison, que les voyages ne sont plus ce qu’ils étaient. Vous aimiez le temps long, les soupirs des soufflets des wagons, l’écume des locomotives, le chef de train sonnant le début du service. Voudriez-vous pour autant revivre les premiers voyages en avion ? Le confort était rudimentaire dans ces anciens bombardiers reconvertis. Aujourd’hui, le service des compagnies aériennes a changé, notamment celui du Qatar Airways.
Dans les anciens avisons les turbulences étaient fréquentes. Les passagers bénéficiaient de fauteuils en osier ou en rotin, qui avaient une particularité cocasse : ils n’étaient pas fixés. Régnaient alors des odeurs d’huile de ricin dans un boucan du diable et un froid de canard. Il s’agissait, dans ces conditions, d’être prospère, artiste ou ministre. Et d’avoir un manteau épais.
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Un vol de luxe à bord de Qatar Airways
Aujourd’hui, vous embarquez à bord du micro-ondes. En trois ou quatre heures, vous voilà avec vingt degrés supplémentaires, trois fois plus de pouvoir d’achat et l’illusion du dépaysement. La classe économique aurait dépoétisé le voyage, vous aurait rendu maussade, ruinant deux semaines de farniente.
Vous étiez radieux, vous voilà prêt à gifler une plante verte. Heureusement, il existe une façon de surmonter ce spleen violent, cette neurasthénie vicieuse : en cassant ce qui reste de votre tirelire. Parmi toutes les compagnies, une, aujourd’hui, retient notre attention pour sa classe affaires : Qatar Airways et sa Qsuite. Allons voir si cette réputation est justifiée ; direction Charles-de-Gaulle, terminal 1.
1 – Files d’attente
Avouez-le, pour avoir connu ces instants déclassés à poireauter comme la terre entière, il est si bon de savourer cette sensation inouïe d’être accéléré dans le temps ! Mais se voir projeté dans les privilèges peut tourner la tête, faire ressentir les vertiges de ce monde. Restez modeste et digne, car la prochaine fois, celui qui vous regardera d’un air sarcastique, ce sera vous. Le luxe, pour être apprécié, doit être aléatoire et parfois immérité. La vie est un yoyo : restaurant d’entreprise un jour, cloche en vermeil et soufflé aux oursins le lendemain. On n’y peut rien, c’est ainsi. Au terminal 1, attente de six minutes, mais dans un climat de sollicitude… Le songe peut continuer. Douane à part (mais mal fléchée), ne quittez pas ce sourire satiné, vous êtes déjà sur votre tapis volant.
2 – La cloison de séparation
Véritable porte de château à glissière qui vous isole pendant toute la durée du voyage, transformant votre petit box ouaté en élysée royal. Ainsi va la Qsuite… Personne pour vous voir bâiller ou pleurer sur le dernier Élève Ducobu. Une merveille qu’on emporterait bien sous le bras comme bouclier pour traverser Charles-de-Gaulle au retour.
3 – La bande-son
À bord de l’avion du Qatar Airways, la phraséologie du personnel féminin est parfaitement maîtrisée avec une élocution claire et assumée. En revanche, les garçons ont du travail devant eux, avec une voix parfois de Playmobil et des éléments de langage javellisés. Dommage. Quant aux passagers, ils sont sages dans l’ensemble, du type gens d’affaires au front soucieux, au stoïcisme admirable face à une situation de rêve.
On a ici la réussite banale et humble. Pas de m’as-tu-vu ni d’agité du bocal. En revanche, les enfants se distinguent par une grande liberté et, contrairement aux générations précédentes qui échangeaient de façon homothétique avec leurs parents, ici, ça se gâte. Grosso modo, ils parlent comme dans les mangas, avec interjections, intonations guerrières et la richesse du babil hanounien (toutes cultures confondues).
4 – Les senteurs
L’arrivée dans la cabine est tout de même un grand moment, les radins s’étant abondamment parfumés à l’œil dans les duty free – je le sais, j’en fais partie –, avec en tête du hit-parade : oud et vétiver surpuissants ; les eaux de Cologne repasseront. Plus tard, ça se dissipe pour laisser place à une odeur de crème profonde. Et pour cause, le personnel navigant vient de distribuer les pochettes de voyage mitonnées par la maison Diptyque. Une bonne partie de l’assemblée se crème, façon prélat en début de messe. La ventilation fait un travail de ramonage poussé (presque) discret (82 dB), recouverte au départ de musique d’ascenseur.
6 – L’accès VIP
Ici, aucun de vos amis ne vous accueille avec des blagues douteuses. À la place : votre nom inscrit avec de vraies lettres d’imprimerie sur un panonceau tenu par une hôtesse dûment colorée aux teintes mélangées du Qatar – le bordeaux, le blanc et le noir. Ces prestations, qui permettent un enregistrement et un embarquement prioritaires, sont facturées et se réservent en ligne.
5 – Se restaurer
Les nourritures restent très réservées dans leur expression olfactive : pas de véhémences de sardines grillées dans cet entre-soi très ventre rentré, lèvres serrées. Les plats à bord relèvent d’un niveau plus que correct, jouant sur tous les méridiens du genre et s’efforçant de parler l’espéranto gastronomique, accommodant les susceptibilités et les appétits, passant de mezze servis avec du pain pita (houmous, mouhammara, baba ganousch…) à une morue charbonnière au yuzu, de cannelloni aux épinards à des fraises nappées de sirop à l’eau de rose.
Il y a là une sorte d’aimable rigueur, toutefois marquée par des températures (trop) froides dans les entrées, parfois tièdes (la soupe miso), mais toujours avec cet esprit de premier de la classe voulant faire au mieux, malgré des penchants sauciers style années 70 plombant un gentil turbot innocent avec son beurre citronné et son gratin dauphinois. Ou encore un cheese-cake aux myrtilles désobligeant sa race avec un traitement mousseux et sophistiqué.
7 – L’hospitalité
Elle est palpable dès l’arrivée à l’aéroport. Prenant l’affaire en main, débordant d’attentions et de prévenance, de délicatesses et de formules de haute bienveillance, le personnel devance même ce que vous n’attendiez pas. La gestuelle dénote un nouvel esprit d’hospitalité : ne pas prendre de haut façon années Tapie, mais plutôt accroupi, depuis le bas, pour déposer les couverts avec application et scénographie, ajuster leur parallélisme, respecter jusqu’à l’anse de la tasse ou l’arrondi du bol. Sous nos yeux, le siècle change, il nous prépare à une arrivée en douceur à Tokyo-Narita et son exquise urbanité.
8 – Amenities
Ce sont pour ainsi dire les Kinder Surprise du voyage. Chaussettes de bord, bouchons auriculaires standards, produits Diptyque et, surtout, extrait de l’univers des premières classes, pyjama en coton peigné, véritable promesse d’un décaissement nocturne réussi dans les règles de l’art.
On ne peut pas imaginer l’immense félicité de quitter ses vêtements pour rejoindre cette enclave inespérée des Qsuite en uniforme de l’air et faire coulisser en position couchette le fauteuil préalablement recouvert d’un matelas molletonné.
Le ciel peut vous tomber sur la tête, vous dormez comme un séraphin sur des oreillers doux 100 % coton composés de 118 fils au centimètre carré – le 80 fils étant considéré comme entrée de gamme.
9 – Radin chic
Nul ne vous blâmera de consulter les variations saisonnières, avec toujours pour rappel que les tarifs sont généralement plus bas lorsqu’on prévoit de partir en février, mars, mai, juin, octobre ou novembre, plutôt qu’en haute saison. Réserver des billets en classe affaires plus de 30 jours avant le départ peut également permettre d’obtenir des tarifs plus avantageux.
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