Horlogerie
C’est en Argentine que Moët‑Hennessy a donné naissance à son Garden Spritz prêt à boire, lancé en France il y a deux ans. Une innovation du tout premier des domaines Chandon, défriché en 1959 au pied de la cordillère des Andes et devenu, aujourd’hui, une marque internationale de vins mousseux de qualité encore méconnue en Europe.
S’il tire son inspiration du fameux cocktail italien, le Chandon Garden Spritz revendique sa nationalité argentine. Y avez-vous déjà goûté ?
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Les domaines Chandon, leader des vins mousseux argentins
Au bout de la route qui s’élève, au long des secousses de chemins peu carrossables, mais sous la protection des neiges éternelles de la cordillère des Andes, apparaît l’inattendu : la vigne. De beaux pieds en rangs bien tenus, l’œuvre d’hommes résolus qui vont bientôt vendanger des chardonnays ou des pinots noirs dans l’été de l’hémisphère Sud. Cepas del Plata est le vignoble le plus haut de la région de Mendoza, le cœur viticole de l’Argentine. Il s’étend sur les contreforts des Andes argentines, et plus précisément du mont Aconcagua, qui forme, entre 6 000 et 7 000 mètres, une barrière presque infranchissable pour les influences humides du Pacifique. Un massif majestueux et de vastes étendues arides sous un climat semi-désertique qui n’envoie que des pluies d’orage, souvent violentes, parfois grêleuses. Dans cet environnement presque hostile, Cepas del Plata étend son oasis sur 110 ha. Il appartient aux domaines Chandon.
Dans cet environnement presque hostile, Cepas del Plata étend son oasis sur 110 ha. « Avec la chaleur qui règne dans la plaine, j’ai toujours été obsédé par l’idée de trouver ces terrains frais jusqu’à 1 650 mètres », résume Hervé Birnie-Scott, propriétaire de plusieurs vignobles d’altitude et directeur du domaine Chandon, marque leader des vins mousseux locaux, mais aussi à l’origine du plus international Chandon Garden Spritz.
Les terroirs d’altitude
Petit-fils d’un Écossais implanté dans la Loire, ce Français, ingénieur agronome et œnologue, connaît aussi bien le vin que l’Argentine, où il a débarqué voilà plus de trente ans. Envoyé en défricheur par le groupe Moët-Hennessy, il reprend un peu l’esprit du fondateur de Chandon Argentina, Robert-Jean de Vogüé, et les images mythiques d’une 2CV immatriculée dans la Marne chevauchant la Pampa à la fin des années 50. On cultive la vigne dans cette vallée de Uco depuis deux siècles, mais longtemps pour en extraire de gros volumes de vin en vrac.
Dans les années 90, les terroirs d’altitude sont recherchés pour la production de pétillants de qualité que la chaleur des plaines compromet. Ici, à quelques dizaines de kilomètres de distance, les amplitudes thermiques peuvent être colossales. Des changements dantesques qui font souvent dire à Hervé Birnie-Scott qu’on peut passer dans la journée de l’Afrique du Nord à la Champagne !
Ana Paula Bartolucci sait bien tout cela. L’œnologue à l’origine de la création de Chandon Garden Spritz est née à San Martin, dans ces vignobles de plaine à l’est de Mendoza « où l’on recherche seulement la quantité », déplore-t-elle. « Après mes études d’œnologie, je suis allée en Afrique du Sud et en Espagne, mais mon objectif était de travailler à Mendoza dans des domaines qualitatifs, poursuit-elle. Je n’ai pas hésité quand j’ai eu la possibilité, en 2017, d’entrer chez Chandon, qui est dans l’innovation permanente.
Le Chandon Garden Spritz, le cocktail de l’été ?
Il a fallu quatre ans pour mettre au point la recette de Chandon Garden Spritz ; elle peut bien être gardée en partie secrète. Particulièrement l’élaboration de la liqueur fabriquée à partir d’extraits naturels d’écorces d’oranges, d’herbes et d’épices (cardamone, gentiane…), sans arômes de synthèse ni colorants artificiels. Des oranges de la variété Valencia, dont le zeste est séché au four avant une macération dans de l’eau‑de‑vie de raisin, comme les épices qui entrent dans la composition.
Le vin mousseux est un Chandon Brut issu de chardonnay, pinot noir et sémillon, vinifié selon la méthode Charmat en cuve close (pas de prise de mousse en bouteille comme pour le champagne), afin de préserver le goût des raisins et d’obtenir un résultat plus fruité. L’assemblage final du macérat et du vin est réalisé à la mise en bouteille. L’amertume de l’orange et le caractère épicé viennent équilibrer la part sucrée du pétillant. Garden Spritz est prêt à boire : dans un verre plutôt large, avec quelques glaçons et une rondelle d’orange séchée pour habiller la dégustation.
Pour Garden Spritz, l’idée est d’abord de coller au goût local quand bien même Chandon est devenue une marque mondiale. « Les Argentins aiment l’amertume, le défi étant de l’intégrer dans un vin effervescent. Il nous a fallu quatre ans pour trouver la bonne recette à partir du choix de l’orange, la variété Valencia, pour élaborer une liqueur qui donnerait de la personnalité au produit final », explique l’œnologue de 32 ans depuis son antre sombre d’alchimiste des saveurs, au cœur du chai de Chandon, où elle prépare ses macérations. Les tests auront été nombreux avant la mise au point finale de ce spritz prêt à boire.
« La 64e proposition a été la bonne, sourit Diego Ribbert, le chef de cave. C’était un peu spécial d’associer du bitter à notre mousseux brut, mais nous avons été convaincus par la qualité et la naturalité du produit. » Les consommateurs ont vite adhéré : 650 000 bouteilles de Chandon Garden Spritz sont écoulées localement et 1,7 million à l’export, notamment en France, où la boisson a fait son entrée il y a deux ans.
« Nous sommes un peu dépassés par le succès, avec une croissance de 30 % par an en Europe et aux Amériques, assure Morgane Pont-Bruyns, directrice de la culture Chandon. Notre domaine en Australie vient ainsi de lancer son Garden Spritz pour l’Asie-Pacifique. C’est un produit constant, que le consommateur reconnaît, avec une grande facilité pour le servir. »
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Engagé pour l’environnement
Avec ses six entités dans les deux hémisphères, la maison internationale de Moët‑Hennessy couvre le globe et possède l’agilité qui lui permet de surfer sur les tendances du marché. C’est aussi un laboratoire mondial de l’impact du changement climatique.
« Nous disposons de plusieurs profils de climats, selon les domaines, pour mettre au point différentes techniques de précision pour la culture de la vigne, relève Morgane Pont‑Bruyns. L’Argentine et la Chine sont en climat semi-désertique, l’Australie et la Californie, en influence océanique, le Brésil et l’Inde, en zone subtropicale. »
À Mendoza, Chandon se veut leader des évolutions environnementales, notamment pour la ressource en eau. Au milieu des vignes de Cepas del Plata, dont la conversion en bio comme celle des autres vignobles en propriété est engagée pour une certification en 2027, Daniela Mezzatesta, responsable développement durable, en fait la pédagogie, photos à l’appui : « L’eau provient de la fonte des neiges des glaciers andins, qui ont reculé de 60 % entre 1959 et 2019… Chez nous, nous sommes passés depuis longtemps à une irrigation par goutte-à-goutte, plutôt que par canaux, qui entraînait beaucoup de gâchis. Mais il fallait aller beaucoup plus loin, avec une analyse du sol, par sonde et image satellite, qui permette de mesurer la capacité de chaque parcelle à retenir l’eau et à adapter le volume d’eau nécessaire en conséquence. »
Cette irrigation de précision, en place depuis cinq ans, permettrait de diviser par deux la consommation totale d’eau sans affecter la qualité, un stress hydrique maîtrisé contribuant même à une meilleure maturité des raisins. « De même, nous étudions comment nos pratiques affectent les sols, une information que nous mettons à la disposition de tous », ajoute Daniela Mezzatesta, qui accompagne vers le changement les viticulteurs et pousse les institutions de la province à diffuser la bonne parole vers l’ensemble des producteurs.
Au-delà du bio, Chandon veut obtenir, à l’horizon 2029, la certification Regenerative Organic Certified (ROC), qui met l’accent sur la santé des sols comme sur le bien-être des travailleurs ruraux et l’avenir des communautés locales. À Mendoza, 10 000 ha de vignes (sur 160 000 ha au total) ont été perdus en moins de dix ans à cause des effets du changement climatique. C’est autant d’emplois qui disparaissent dans une région pauvre de l’Argentine. Pour Hervé Birnie-Scott, qui dit avoir scellé sa destinée avec ce pays : « Voilà aussi à quoi peut servir une goutte d’eau ici. »
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