The Good Business
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La célèbre Chaise A de Tolix, née dans les années 1920, s’offre une seconde vie alors qu’elle entre dans le domaine public, avec un prix abaissé pour toucher un nouveau public. Conçue par Xavier Pauchard, un ancien couvreur de Bourgogne devenu un pionnier de la galvanisation, elle est née de son désir de fabriquer des meubles en métal résistant et accessible.
Empilable, légère et incroyablement solide, la Chaise A a conquis les terrasses parisiennes et les stations thermales dans les années 1930, avant de voyager sur le SS Normandie, symbolisant le design français à l’international. Son style fonctionnel et brut, proche de celui de créateurs comme Jean Prouvé, incarne la modernité et la simplicité, en contraste avec le luxe bourgeois. À l’Exposition universelle de Paris de 1937, elle s’impose comme l’ambassadrice de la France industrielle, marquant les esprits avec des milliers d’exemplaires dans les jardins de la ville. Si son âge canonique lui confère un statut d’icône du design, il entraine aussi une étape logique de toute œuvre, son inscription dans le domaine public, permettant à qui le veut de la produire sans risquer de poursuite en droit d’auteur… Un coup dur pour Tolix qui n’a néanmoins pas dit son dernier mot pour amener les vrais amateurs de design à ne pas se priver de la qualité originelle de la Chaise A.
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Une brève histoire de la chaise A
Après la Seconde Guerre mondiale, la Chaise A devient omniprésente dans les espaces publics français, de parcs en brasseries, où elle est parfois échangée contre des contrats d’exclusivité par les grandes marques de bière. Mais c’est dans les années 1980 qu’elle connaît un véritable renouveau, redécouverte comme une pièce iconique du patrimoine industriel. Cette popularité la conduit jusqu’aux plus grands musées du monde, comme le MoMA et le Centre Pompidou, validant son statut d’objet culte du design.
Avec la crise du COVID, la marque a rencontré des difficultés, mais en 2022, elle est reprise par Antoine Bejui et Emmanuel Diemoz, qui redynamisent l’atelier d’Autun. Tolix, désormais labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant », reste fidèle à l’esprit artisanal de la marque tout en modernisant ses collections. La Chaise A, aujourd’hui réinventée, témoigne de la force d’un design intemporel et d’une tradition française capable de traverser les époques et de s’adapter aux nouvelles générations.
Plus d’un million de Chaise A ont été vendues par Tolix depuis sa création dans les années 20, mais si ce modèle inonde les réseaux sociaux, c’est aussi parce qu’il est désormais tombé dans le domaine public, ouvrant la voie aux copies. Pourtant, les différences sont frappantes entre les imitations produites en série en Asie et la version authentique, galvanisée et fabriquée dans les ateliers historiques d’Autun.
La Chaise A encore produite par Tolix incarne au contraire un savoir-faire artisanal : près d’une centaine d’opérations manuelles, des matériaux sourcés localement, et une production marquée par le souci du détail, de l’emboutissage aux finitions. Composée à 99 % de matériaux recyclables, elle se distingue non seulement par sa robustesse, mais aussi par un processus qui valorise les circuits courts et le Made in France. Pour affirmer cette différence et combattre la copie, Tolix propose aujourd’hui une version plus accessible de la chaise de Xavier Pauchard, produite de manière optimisée mais sans sacrifier la qualité, identifiable par une plaque d’origine et vendue à 180 € TTC.
Rencontre avec Emmanuel Diemoz, CEO Tolix
The Good Life : Vous avez rencontré des difficultés financières en 2023. Des licenciements se profilaient. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Emmanuel Diemoz : Depuis la reprise de Tolix par nos soins, notre secteur d’activité vit une crise à nul autre pareil ou les biens d’équipement sont délaissés par les consommateurs. Par ailleurs, Tolix fait face depuis 2016 à la baisse drastique des commandes des modèles historiques de la marque, Chaise A principalement, et n’a pas su anticiper ce phénomène. Dans un tel contexte, l’entreprise se doit de maîtriser ses coûts afin d’être en adéquation avec son niveau de chiffre d’affaires. Les mesures nécessaires de réorganisation pour atteindre cette adéquation sont au cœur de notre gestion quotidienne.
Nous avons par ailleurs entrepris un repositionnement complet de la marque en revisitant tous les éléments de langage de la marque, tous les moyens de communications, l’ensemble du catalogue produit et notre réseau de distribution. Ce repositionnement vise à rendre la marque Tolix à nouveau désirable et de s’adresser à une clientèle exigeante. Une telle refonte prend du temps avant de renouer avec une croissance pérenne.
On a pu lire que vous imputiez ces difficultés à la contrefaçon. Qu’en est-il ?
E. D. : Les difficultés de Tolix, comme citées précédemment, ont débuté après l’exercice 2016. Les baisses de chiffre d’affaires successives sont à imputer à l’arrivée massive de contrefaçons à très bas prix qui ont constitué une concurrence déloyale sur le produit phare de la maison Tolix, à savoir la Chaise A. A compter de 2018, cela s’est encore accentué, le modèle étant tombé dans le domaine public. Malheureusement, la société n’avait pas su anticiper ce phénomène ou le contrer. Aujourd’hui, Tolix mise sur son repositionnement et sur les nouveautés qui ont été créées depuis 2023 pour séduire une nouvelle clientèle, se reconnecter à ses aficionados et renouer avec la croissance.
Le lancement de cette chaise dans une nouvelle mouture et sous un nouveau prix est-il votre réponse à cet état de fait ?
E. D. : Ce (re)lancement est avant tout une réponse aux piètres copies qui inondent les marchés. Nous avons conscience que le Made in France est couteux et que tout un chacun ne peut pas forcément se l’offrir. C’est pour cela que nous avons souhaité mettre en place cette nouvelle proposition tarifaire afin de permettre au plus grand nombre de pouvoir redécouvrir le Made in France et de pouvoir comparer la qualité. Ainsi, un plus grand nombre de consommateurs pourront s’offrir un morceau du patrimoine industriel français et acheter un produit authentique plutôt qu’une imitation peut-être moins chère et de moins bonne qualité fabriquée à des milliers de kilomètres.
Concrètement, qu’est-ce qui change sur cette chaise dont le prix a été réduit d’environ 40 % à la revente ?
E. D. : La première raison de la baisse du prix est d’avoir opter la commercialisation en direct, donc sans revendeur, afin de la proposer au prix le plus accessible possible sans faire de concessions sur la qualité. La seconde raison est que nous avons cherché à en faire baisser le coût de revient. Pour ce faire nous avons opter pour une finition texturée qui requiert beaucoup moins de temps de ponçage et de polissage, travail intégralement manuel donc coûteux. Ces ajustements n’altèrent en rien la qualité et la robustesse de nos modèles. La chaise A reste fabriquée avec la même qualité de métal et sa structure est parfaitement identique aux modèles qui sont plus chers. Nous la garantissons structurellement 10 ans, preuve du soin apporter à sa fabrication. Cette chaise revêt toujours sa plaque de signature et d’authenticité « Tolix, Autun France Manufacturier-1927 », mais cette fois seulement sérigraphiée et non gravée.
La Chaise A est un classique. Votre ambition est-elle aussi de la faire entrer à nouveau dans le quotidien des Français, par la grande porte ?
E. D. : La Chaise A n’a jamais vraiment quitté le quotidien des Français, cette icône du design a toujours été plébiscitée dans le monde entier. A bientôt 90 ans, cette assise a eu plusieurs vies et identités. Aujourd’hui, nous proposons une version en phase avec son temps au prix le plus accessible possible pour l’entreprise : 12 nouvelles couleurs exclusives dans une finition mate texturée, afin qu’en effet le Made in Autun, France, puisse à nouveau rentrer par la grande porte chez le plus grand nombre de français mais pas que.
Site internet de Tolix
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