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À l'heure où le mot glamping vient de faire son entrée dans le dictionnaire, le camping connait mille et une métamorphoses. Mobile-home, tente de luxe, vanlife : état des lieux d’un secteur qui cherche à attirer un nouveau public, quitte à s'attirer les foudres des puristes.
Glamping n.m. (mot angl., de glamour et camping) : Type de camping haut de gamme alliant confort, originalité et respect de l’environnement. Cette définition, qui arrive avec fracas dans la nouvelle édition du dictionnaire Larousse, n’a rien d’anecdotique. Elle reflète l’évolution d’une pratique touristique qui, en l’espace d’un siècle, a su se métamorphoser, passant d’une philosophie de la nature à une gentrification en bonne et due forme. Tout comme nos villes, nos campings se sont embourgeoisés, et la tente igloo aux sardines impossibles à planter a laissé sa place aux mobile-homes au design épuré. Un secteur qui accueille, depuis peu, de nouveaux acteurs bien décidés à faire en sorte que la lutte des classes n’ait pas lieu. Leur objectif ? Mélanger les Français… et plus si affinités.
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Liberté, j’écris ton nom
« Je n’ai pas spécialement d’histoire avec le camping. Pour être tout à fait honnête, je n’y allais pas vraiment avant, voire pas du tout », nous avoue Adrien Gloaguen, fondateur de Camping Liberté. Après 17 ans de carrière dans l’hôtellerie, il décide en 2023 de se lancer un nouveau défi : « J’ai eu besoin de voir autre chose, d’essayer de nouvelles expériences. Un peu naïvement, je me suis demandé : qu’est-ce qui est proche de ce que je fais sans l’être complètement ? Qu’est-ce qui pourrait m’amuser ? Le camping est assez naturellement venu à moi. J’ai commencé à aller dans les salons du camping, à regarder tout ce qui se faisait… Et je me suis dit que ce serait sympa d’essayer de créer une marque dans ce domaine, mais avec notre propre vision. »

Une vision bien connue du public, puisque le néo-campeur reste président du groupe Touriste, qu’il a fondé, dont le portefeuille se développe à vitesse grand V avec des établissements tels que l’hôtel Château d’Eau, Bienvenue ou l’Hôtel de la Boétie. Ses adresses, des quatre étoiles à prix accessibles, ont horreur de la standardisation — un principe qu’il applique désormais à ses trois campings, dont l’un, dans les Gorges du Verdon, ouvre ses portes cette saison : « Ce que j’ai voulu faire, c’est un peu le fantasme du camping : le camping d’autrefois, mais avec le confort d’aujourd’hui. Quand je parle du camping d’autrefois, ce n’est pas du tout dans un sens négatif, au contraire ! C’est plutôt l’image qu’on en avait, cette idée simple et authentique. Notre idée à nous, ce n’est pas de mettre 15 000 toboggans et 15 000 piscines sur nos sites. C’est plutôt d’avoir un bon mix : des emplacements pour tentes, des mobil-homes, des caravanes, des tentes lodges… une vraie diversité dans les hébergements. On essaie aussi de proposer une guinguette sympa, conviviale, où l’ambiance est bon enfant : le camping tel qu’on l’a idéalisé. »
Oubliez donc les slips de Patrick Chirac et les tournois de pétanque où, après le Ricard de trop, personne n’est foutu de retrouver le cochonnet : Camping Liberté réussit le délicat pari de rester populaire sans se retrancher dans une beaufitude assumée.

Tout commence dès l’arrivée des vacanciers, avec un accueil personnalisé rappelant celui des hôtels, un esprit lobby et une identité visuelle que l’on retrouve des espaces communs à la décoration des mobile-homes. La décoration de ces derniers est confiée à l’atelier Deux-Cé, qui n’hésite pas à utiliser des couleurs criardes sans jamais tomber dans le kitsch. Une atmosphère délicieusement vintage se dégage de cette expérience dans laquelle on ne sait plus trop si ce sont les hippies ou les hipsters qui vont débarquer.
Ce qui est certain, c’est que Camping Liberté souhaite s’adresser à toutes les bourses, des étudiants fauchés aux familles CSP+. Pour preuve, le camping breton de Landrellec possède 47 emplacements nus et 75 mobile-homes, tandis que celui de Lacanau, dans le Sud-Ouest, a un ratio de 44 emplacements nus pour 20 tentes lodges et 4 mobile-homes.

Il faut d’ailleurs débourser, chez ce dernier, moins de 200 € la deuxième semaine de juillet pour planter sa tente, et 700 € pour un mobile-home avec deux chambres : « Un point qui est vraiment essentiel pour moi, c’est de ne surtout pas me couper de la clientèle traditionnelle du camping », nous explique Adrien Gloaguen. L’objectif n’a jamais été de créer un lieu réservé uniquement aux Parisiens ou à une clientèle très aisée. Bien sûr, je suis très heureux de les accueillir, mais ce n’est pas du tout la vocation première de notre projet. Ce qui m’a particulièrement réjoui l’année dernière, c’est de voir arriver au camping des visiteurs qui n’avaient jusque-là jamais franchi le pas. Certains nous ont envoyé des messages pour nous dire à quel point ils avaient été agréablement surpris. Ce genre de retours, pour moi, c’est une vraie victoire. Ce qui compte, c’est d’avoir, peut-être modestement, contribué à changer un peu l’image du camping. Montrer qu’il peut être une expérience agréable, conviviale et accessible à tous. » Une expérience qui, pour les puristes, vire pourtant parfois au drame.
Contre vents et marée basse
« Sauvons le vrai camping. » Ce cri du cœur est poussé en 2023 par un collectif composé de cinq gérants de campings et de citoyens engagés. Leur peur ? Voir disparaître les emplacements nus, qui, en l’espace de dix ans, auraient chuté de plus de 190 000 unités. Ce chiffre s’explique en partie pour une raison économique : un emplacement locatif avec un mobile-home ou une tente de luxe est infiniment plus rentable, pour les gérants, qu’un emplacement réservé à une tente.

Peut-on alors parler de véritable gentrification ? « Si vous m’aviez posé la question il y a vingt ans, je vous aurais dit que c’est un mythe », nous confie Olivier Sirost, professeur à l’UFR STAPS de l’université de Rouen Normandie, sociologue des loisirs et grand spécialiste du camping.
« À l’époque, on avait 11 millions de campeurs, un chiffre qui a désormais doublé. Il y avait encore une vraie diversité, même si on voyait déjà apparaître des campings 3 ou 4 étoiles. Mais aujourd’hui, avec l’apparition de la 5ᵉ étoile, on s’aperçoit que ce sont très clairement les campings 4 et 5 étoiles qui dominent le marché, lorsqu’on regarde les ventes en nombre de lits et de nuitées. Le ministère du Tourisme avait même invité les associations de camping et les sociétés privées à envisager la création d’une catégorie Palace pour viser le très haut de gamme. Ce sont eux qui se sont imposés comme modèle. »

Un modèle auquel Céline et Philippe Bossanne, fondateurs de la marque Huttopia, tentent d’échapper. Leur souhait ? « Raviver l’esprit campeur, le rêve de la cabane au fond des bois et du plaisir de se réveiller en pleine nature. »
Avec ses Villages Forestiers, ses Campings-Nature ou ses City-Kamps en France, en Europe, au Canada ou aux États-Unis, Huttopia apparaît comme l’un des principaux acteurs de l’écotourisme. La marque propose à ses clients de séjourner aussi bien dans une tente de luxe à tendance glamping que sur un emplacement où l’on monte soi-même son abri de fortune.
Un contrepied affirmé à la tendance du secteur, puisqu’Huttopia dédie plus de la moitié de ses emplacements à l’accueil des campeurs et de leurs équipements. « Camping Liberté et Huttopia ont clairement accompagné ce mouvement de transformation : on est passé d’une offre simple à un modèle de confort, proche de l’idée d’une résidence secondaire », analyse Olivier Sirost.

« À cette évolution structurelle s’est ajoutée une dynamique plus récente : l’effet COVID. La crise sanitaire a entraîné une réorientation des vacances vers le territoire national, renforcée par une sensibilité accrue aux enjeux environnementaux et climatiques. L’explosion du nombre de campeurs après le confinement traduit ce basculement : moins de voyages lointains, prise de conscience de l’impact carbone, inquiétudes géopolitiques et climatiques… Tout cela a favorisé un recentrage massif sur l’offre métropolitaine. C’est ainsi que le nombre de campeurs a fortement progressé entre 2020 et 2025. »
Si Camping Liberté et Huttopia proposent de réconcilier les campeurs d’hier et d’aujourd’hui, force est de constater que l’argument nature n’est pas toujours respecté : « Les innovations portées par les nouveaux acteurs du camping sont relativement simples : elles concernent essentiellement l’espace habitable. Mais elles vont souvent à l’encontre de l’idéal écologique initial. L’emprise au sol est de plus en plus importante, avec une forme de pérennisation, voire de sédentarisation de l’habitat de plein air », ajoute Olivier Sirost. Le camping, à ses origines, prônait une mobilité légère, un respect intact de la nature. Aujourd’hui, la réalité est bien différente. Beaucoup de terrains de camping modifient profondément leur environnement : végétation artificielle, aménagements en décalage avec la flore locale, urbanisation des espaces… Tout ceci engendre des dégâts envers la nature. »

Retrouver une communion avec la nature, tel est aujourd’hui l’objectif d’Huttopia qui, le 28 avril dernier, innove en lançant Bivouacs Huttopia, la première plateforme européenne pour réserver des emplacements nature autorisés, dédiée aux vanlifers. Il est donc désormais possible de s’adonner aux joies du camping sur des terrains privés rigoureusement sélectionnés — garantie sans Patrick Chirac à vos côtés.
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