- Musique>
- The Good Culture>
En chantant la working class et les laissés-pour-compte du rêve américain, Bruce Springsteen a doté le rock d’une conscience morale et sociale. Il a écrit des albums dont la pertinence et la générosité sont toujours intactes.
« J’ai vu le futur du rock’n’roll et son nom est Bruce Springsteen. » Ébahi en découvrant le Boss sur scène un soir de mai 1974, Jon Landau laisse une formule qui entrera autant dans l’histoire que son sujet. Le rock critic américain avait vu juste, et loin… Les tickets des concerts français du Boss, prévus au printemps 2025, se sont une nouvelle fois vendus à la vitesse d’une Ford Mustang.
À lire aussi : Jazz, r’n’b, rock et électro : la playlist de toutes les humeurs
Toujours le Boss
Né le 23 septembre 1949 dans le New Jersey, il plonge dans le rock dès l’adolescence, participe à nombre de groupes et finit par constituer le E Street Band, qui l’accompagnera à partir des années 1970. Springsteen ne vit alors, depuis une dizaine d’années, que pour la musique. Imprégné de tradition folk, d’énergie rock’n’roll et de chaleur rhythm’n’blues, son style n’aura de cesse d’évoluer et de gagner en force émotionnelle.
Sur son troisième album, Born to Run, ses chroniques de la vie urbaine américaine et de l’aspiration à la liberté croisent une fougue lyrique et cinématographique. Il aura beau varier les styles – ballades mélancoliques, rock brut, dépouillement acoustique – les questions sociales et politiques resteront au cœur de ses préoccupations, y compris sur son plus grand succès, Born in the U.S.A., un album au rock calibré pour la FM.
À bientôt 76 ans, il continue d’incarner la tolérance dans des concerts dantesques qui frisent couramment les trois heures. Conteur exceptionnel resté fidèle à ses valeurs, Bruce Springsteen a toujours chéri des thématiques telles que l’amour, la perte, la solidarité, la résilience, la résistance et la quête de sens, qui résonnent aujourd’hui plus que jamais.
Hollywood ne s’y est pas trompé, puisque le biopic Deliver Me From Nowhere, qui se déroule pendant la période de conception de son album Nebraska, sorti en 1982, arrive sur les écrans cette année. S’il a passé l’âge de représenter le futur du rock, Springsteen en incarne un présent bien vivace.
Born to run, 50 ans et il court encore
Avec Born to Run, sorti en 1975, Bruce Springsteen signait plus qu’un album rock : une épopée au cœur d’une Amérique humble et chérie. Tout au long des huit chansons, chacun rêve d’une vie meilleure mais se sent inexorablement pris au piège d’un quotidien sans issue. Le contraste entre la promesse mensongère de l’Amérique à ces invisibles et la réalité de leur existence est ici posé et reviendra en leitmotiv durant toute son œuvre.
Musicalement, il enclenche la vitesse supérieure afin de conjurer les ventes décevantes de ses deux premiers disques. Le son se fait plus rock, plus cash et invite à tout lâcher pour un voyage dès le titre d’ouverture, Thunder Road. Sur Night, un col bleu survit à son travail harassant grâce à sa passion pour les courses automobiles nocturnes, tandis que le couple de la chanson Born to Run imagine une terre promise où la vie et l’amour ne seraient que pureté.
Et la route de devenir symbole d’affranchissement pour ces héros « nés pour fuir ». Destins contrariés, tragédies de la nuit new-yorkaise vue depuis le New Jersey qui lui fait face, si près et si loin à la fois… tous ces récits ne seraient rien sans un souffle épique qui les propulse tels des symphonies rock grâce à la puissance des cuivres et du saxophone.
Quant à l’interprétation intense et au charisme du Boss, qui entre dans la peau de tous ses personnages, ils élèveront chaque chanson au rang de classique. En ancrant au mieux son inspiration dans ses racines et au cœur de ses contemporains, Springsteen bâtit ici un chef-d’œuvre universel et incandescent dont les braises rougeoient encore.
Encore une année à bosser
Outre une tournée européenne qui fait halte dans les stades de Lille, à Villeneuve d’Ascq, (24 et 27 mai) et de Marseille (31 mai), Springsteen contentera aussi les absents. Parmi les rumeurs de sorties, sont attendus un coffret de cinq albums d’inédits de la fin des années 1990, et une suite à son album de reprises de 2022, Only The Strong Survive. Infatigable on vous dit.
À lire aussi : The Good Playlist : sélection funk, rock & électro 2022
