Horlogerie
Qui est John Tango ? En apparence, un gringo qui mène une vie tranquille dans un village sans histoires, au fin fond de la Bolivie. Mais il faut se méfier des apparences, surtout quand on veut raconter de bonnes histoires. Le personnage de cette nouvelle saga d’aventures n’est peut-être pas aussi banal qu’il en a l’air…
« Un gamin volé sur les bras et mes anciens employeurs qui veulent me liquider. On peut dire que, cette fois-ci, je suis dans la merde jusqu’au cou… » On peut dire aussi que John Tango a le sens de la formule. A sa manière, c’est presque un philosophe. Le genre de type qui sait tirer les leçons de ses expériences et qui les résume en quelques phrases qui claquent. Par exemple : « Avant de foncer tête baissée dans les ennuis, il faut toujours tourner son flingue sept fois dans sa ceinture. »
John Tango est cependant avant tout un homme d’action. Enfin, mieux vaut le dire à l’imparfait : dans sa vie d’avant, il était un homme d’action. Son job n’était pas de ceux qui s’enseignent dans les écoles de commerce. A bord de son bateau, il transportait « de gros paquets de fric » en direction de paradis fiscaux. Le tout sans poser de questions et sans s’interroger sur l’origine de ces paquets. Un jour, il s’est laissé tenter. C’est humain. Il a pris le large à bord de son bateau, avec quelques millions de dollars en petites coupures.
Ni vu ni connu, il s’est installé dans un bled perdu de la cordillère des Andes pour démarrer une nouvelle existence. A l’abri de ses employeurs et des ennuis, en vertu d’un adage selon lequel « moins il y a de gens au kilomètre carré, moins il y a de cons et de nuisibles. C’est mécanique ». Ce n’est pas faux. Le seul problème, c’est que ses anciens commanditaires ont de la mémoire et la rancune tenace. Et ce qui devait arriver a fini par arriver : ils ont retrouvé sa trace après quelques années. Pour John Tango, c’est à ce moment-là que les ennuis ont commencé…
Plusieurs quêtes qui s’entremêlent pour John Tango
Le seul qui se réjouit de la situation, c’est le lecteur. Cet éternel égoïste prend un malin plaisir à voir le pauvre John Tango pris dans les filets de personnages peu recommandables. En suivant ses mésaventures, il renoue avec une certaine bande dessinée d’aventures classique, dans la lignée de Blueberry, de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud, ou de Bernard Prince, de Greg et Hermann. Autrement dit, un cocktail d’action, d’exotisme et d’héroïsme, confectionné par deux auteurs rompus aux codes du genre et adeptes d’une narration efficace.
Matz est le scénariste d’une série originale, Le Tueur, dont le héros est un tueur à gages qui s’adresse directement à ses lecteurs par le biais d’une voix off. Philippe Xavier, le dessinateur, a fait ses preuves dans des albums mêlant souffle historique et grande aventure, de Conquistador à Hyver 1709, notamment. Influencé par Jean Giraud comme par Régis Loisel, Milo Manara ou par Victor de la Fuente, il excelle dans la description de décors impressionnants, qui offrent un cadre propice à l’histoire.
Laquelle s’articule autour de plusieurs quêtes qui s’entremêlent et au milieu desquelles Tango va se retrouver sans l’avoir cherché. A commencer par celle de ses anciens partenaires de business, bien décidés à mettre la main sur lui après toutes ces années, afin de lui faire payer sa petite escapade. Pour bâtir leur intrigue, Matz et Philippe Xavier ne se sont pas contentés d’ouvrir quelques guides de tourisme et de mettre en scène une Bolivie fantasmée. Ils se sont rendus sur place, de La Paz au lac Titicaca et à la légendaire montagne d’argent de Potosí.
Les personnages principaux
• Agustina : jolie brune, tenancière de bar, veuve et amoureuse de John Tango.
• Anselmo : père de Diego, en apparence, du moins. En réalité… Mais la réalité est une notion très fluctuante dans cette histoire.
• Carmen : ex-« collègue » et amante de Tango. Bien décidée à le retrouver, même si ce n’est
pas pour évoquer le bon vieux temps.
• Diego : jeune garçon attachant que John Tango initie à la recherche de fllèches incas ou de céramiques.
• Javier : ami de Tango, il pratique l’amitié comme il se doit. C’est-à-dire sans poser de questions et en lui rendant service quand Tango a besoin de lui.
• Mario Borgès : journaliste ? détective privé ? tueur déguisé ? Mystère. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il s’intéresse à Diego.
• Les tueurs : seconds rôles de cette histoire, ils ne sont pas à négliger pour autant.
« Je n’aurais pas pu dessiner Tango si l’action s’était déroulée à New York ou à Paris. Je me serais ennuyé au bout de cinq minutes ! Pour moi, le décor est un élément indissociable de la bande dessinée. Et ces paysages vivants donnent de l’intensité au récit », précise Philippe Xavier. Il connaissait déjà très bien l’Amérique du Sud pour avoir vécu plusieurs années en Argentine et au Chili. S’ils n’ont pas croisé, en Bolivie, de sicaires patibulaires dignes de ceux qui cherchent des noises à leur John Tango, ils se sont imprégnés des ambiances et sont revenus avec une moisson de notes, de photographies et d’impressions de voyage. Autant d’ingrédients indispensables pour donner toute sa crédibilité à leur histoire et faire souffler un vent bienvenu de rêve et d’exotisme.
Un océan de pierre est le premier volet d’une saga appelée à durer. A la fin de l’album, John Tango ne s’en tire pas trop mal. Certes, il a beaucoup perdu dans cette aventure, à commencer par sa tranquillité. Mais, au moins, il est toujours vivant. Et quand on mène une existence comme la sienne, c’est le plus important…