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Le bateau-musée Art Explora est un projet philanthropique qui mêle altruisme et grand luxe et prouesses techniques, 2024 - TGL
Le bateau-musée Art Explora est un projet philanthropique qui mêle altruisme et grand luxe et prouesses techniques, 2024 - TGL
Marine Mimouni

The Good Culture // Art

L’odyssée spectaculaire du bateau-musée Art Explora

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The Good Culture

Le plus grand catamaran à voile du monde est un musée ! Nous avons suivi le bateau à Malte et à Venise pour comprendre les enjeux d’un projet philanthropique qui mêle altruisme, grand luxe et prouesses techniques.

« Je vais construire un immense catamaran pour démocratiser l’accès à l’art. Quelque chose de sublime qui n’existe nulle part ailleurs », avait déclaré Frédéric Jousset en guise de résumé. Accoudé au comptoir d’un bar de Notting Hill, à Londres, l’entrepreneur qui a fait fortune dans la fintech avait rangé ses croquis et quitté la table. Quelques mois plus tard, fin 2019, il lançait la fondation Art Explora afin « de réduire la fracture culturelle et de soutenir la création en Europe ».


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Un voilier en guise de musée

Les projets oscillent aujourd’hui entre la résidence d’artistes, le centre d’art de Meudon, baptisé Hangar Y, et un prix décerné aux musées innovants. Baigné dans l’art dès le berceau – sa mère était conservatrice en chef à Beaubourg –, Frédéric Jousset a présidé le conseil d’administration de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (2011-2014) et siégé à la Commission des acquisitions du musée du Louvre (2007-2014).

L’une des voiles-œuvres de Laure Prouvost.
L’une des voiles-œuvres de Laure Prouvost. Martina Barbon

S’il évolue dans les hautes sphères de l’administration culturelle et du mécénat, il s’intéresse principalement aux publics empêchés et défavorisés. Inauguré au printemps 2024, le voilier Art Explora s’inscrit dans la lignée d’une politique qui tend la main à des audiences peu habituées à fréquenter les musées. Cette fois, il mise sur la popularité de l’univers nautique.

« Nous avons fait le pari de proposer un nouveau modèle pour introduire l’art dans la vie des gens, en touchant les curieux qui se promènent sur les ports et les fans de régates. Ils viennent voir notre bateau et repartent avec une expérience qui, je l’espère, leur donnera envie de continuer l’aventure sur d’autres plates-formes culturelles », explique-t-il.

Frédéric Jousset, fondateur et président d’Art Explora.
Frédéric Jousset, fondateur et président d’Art Explora. François Roelants

Un pari pas si fou que ça, lorsque l’on sait que les pré-régates de la Coupe de l’America 2023 ont rassemblé plus de 942millions de fans à travers le monde ; 60 % de la population mondiale vivant à moins de 150 kilomètres du rivage, et d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature, le taux s’élèvera à plus de 75 % d’ici à 2035.

Un écrin intemporel

Pour réaliser son rêve, Frédéric Jousset met 40 millions d’euros de sa poche et obtient le soutien de l’Union européenne, ainsi que de sponsors privés. Il incombe alors au duo d’architectes navals Axel deBeaufort et Guillaume Verdier de dessiner le bateau.

Voyage sonore sur le pont du voilier.
Voyage sonore sur le pont du voilier. Martina Barbon

Le premier a remporté de nombreux prix, dont celui de Yacht de l’année, et est à la tête du studio de design Hermès Horizons, la branche sur mesure de la maison de luxe.

Le second a participé à la conception du monocoque sur foils AC75 Te Rehutai avec Emirates Team New Zealand, vainqueur de la Coupe de l’America 2021. Ensemble, ils ont imaginé un époustouflant voilier aux lignes intemporelles, que l’on parcourt sur la pointe des chaussons prêtés par l’équipage.

Le bateau-musée Art Explora capturé depuis un drone.
Le bateau-musée Art Explora capturé depuis un drone. Max Malth

« Axel de Beaufort et Guillaume Verdier sont de très bons dessinateurs. Nous espérons inspirer le monde de la culture autant que celui du yachting », avoue Frédéric Jousset, le regard désapprobateur tourné vers le mégayacht à moteur qui mouille derrière son catamaran, lors du vernissage de la Biennale de Venise.

Rêver sans frontières

Après une première étape à Malte, Art Explora a donc fait un arrêt dans la cité des Doges, pour hisser le foc et son calembour universaliste imaginé par Laure Prouvost : « Ideally You Would Sea Where To Go – Here We Dream of No More Front Tears » (Idéalement vous verriez [mer] où aller / Ici nous rêvons sans frontières [larmes]). La cale accueillait une immense table en miroir de l’artiste Michelangelo Pistoletto et une installation d’Akram Zaatari.

Le pont arrière du bateau-musée Art Explora.
Le pont arrière du bateau-musée Art Explora. Elisa von Brockdorff

Mais le véritable top départ du festival itinérant a eu lieu à Marseille, en juin. L’espace intérieur reprenait l’installation Présentes, une expérience en deux temps sur la représentation des femmes dans les cultures de la Méditerranée antique, réalisée en collaboration avec le Louvre.

À quai, un village de pavillons d’expositions signés Jean-Michel Wilmotte proposait des conférences et des performances d’art vivant. Sur le pont supérieur, les visiteurs calés dans des transats se laissaient dériver, casque vissé sur les oreilles, au fil de l’empreinte sonore de la Méditerranée proposée par l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique). Le festival a déjà annoncé un programme étalé sur deux ans, gratuit et ouvert à tous. Prochaines étapes : Tanger, Rabat et Malaga.


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