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Bangkok, à la croisée des chemins
Bangkok s’est développée dans les années 80-90. C’est la troisième ville d’Asie du Sud-Est par son économie.
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The Good Business

Bangkok, une capitale en plein boom

The Good Business

En trente ans, la capitale thaïlandaise s’est considérablement développée, réussissant à évoluer sur la voie de la croissance malgré l’instabilité politique et le ralentissement économique mondial. Ses atouts : une position géographique stratégique, de solides infrastructures et une jeunesse consciente des enjeux du nouveau millénaire.

En chiffres

  • Population : 8,5 M d’habitants dans la ville et 14 M dans l’agglomération, soit 22 % de la population du pays.
  • Superficie : 1 569 km2, soit 15 fois la surface de Paris intra‑muros.
  • Éducation : 96 % de la population est alphabétisée. 77 % des garçons et 82 % des filles sont scolarisés dans le secondaire.
  • Économie : 3e rang des villes en Asie du Sud‑Est par son activité économique, derrière Singapour et Hong Kong.
  • 18,24 M de touristes étrangers en 2015. En 2012, Bangkok avait ravi à Londres le titre de première destination touristique du monde.
  • PIB par habitant : 12 860 €, soit près de trois fois le PIB moyen national (4 880 €).
  • En 2015, 584 sociétés étaient cotées sur le Stock Exchange of Thailand (SET), la Bourse de Bangkok, et représentaient une capitalisation globale de 460 Mds $.
  • Commerce : plus de 100 centres commerciaux de proximité.
  • Urbanisme : construite sur d’anciens marais asséchés, à 1,5 m à peine au-dessus du niveau de la mer, la ville s’enfonce d’environ 1,5 cm par an. En cause : l’urbanisation croissante et la multiplication des grands immeubles. En 2013, le Council on Tall Buildings and Urban Habitat (CTBUH) a recensé 355 immeubles de plus de 100 m à Bangkok, dont 53 de plus de 150 m. Et ceux en construction ou en projet flirtent avec les 400 m. 90 % des voitures immatriculées dans le pays le sont… à Bangkok. Ce qui explique les embouteillages permanents.
  • Emploi : le taux de chômage est inférieur à 1 %.
  • Santé : la ville compte 42 hôpitaux publics (dont 5 hôpitaux universitaires), 98 hôpitaux privés et plus de 4 000 cliniques. S. C.

Désormais hérissée de buildings, Bangkok ressemble à n’importe quelle mégapole sophistiquée du monde.
Désormais hérissée de buildings, Bangkok ressemble à n’importe quelle mégapole sophistiquée du monde. Stevens Frémont

A regarder les buildings qui se dressent au loin, de l’autre côté du parc Lumphini, on pourrait se croire à New York ou à Hong Kong. « En 1983, lorsque je suis arrivé à Bangkok, il n’y avait que quelques immeubles de plus de vingt étages », raconte Jean-Marie Pithon, le président et fondateur de Dextra. Cette entreprise qui fournit des composants pour le bâtiment peut aujourd’hui se vanter d’avoir contribué à la construction des trois quarts des buildings et des ouvrages de génie civil de la capitale thaïlandaise. « Dans la deuxième moitié des années 80, le pays a littéralement décollé. Il manquait cruellement de ressources et de compétences. C’était un eldorado d’opportunités ! » se souvient-il. Bangkok s’est considérablement développée dans les années 80 et 90. C’est aujourd’hui une capitale bruyante, très animée, une ville de plus de 8 millions d’habitants où le trafic est tel qu’on y circule mal à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Le PIB par habitant (12 860 € env.) y est presque trois fois plus élevé que dans le reste du pays (4 880 € env.). Bangkok est devenue la troisième ville d’Asie du Sud-Est par son économie, juste après Singapour et Hong Kong.

Bangkok, capitale bruyante et animée.
Bangkok, capitale bruyante et animée. Stevens Frémont
Bangkok, capitale bruyante et animée.
Bangkok, capitale bruyante et animée. Stevens Frémont

Pourtant, si ces deux villes figurent définitivement au rang des économies développées, Bangkok semble encore hésiter entre une dichotomie riches/pauvres, propre aux pays en voie de développement, et un statut de capitale d’un pays émergent, où la classe moyenne s’enrichit, consomme et, de fait, dynamise l’économie. Cette hésitation tient au fait que le pays, s’il est développé économiquement, n’a pas encore atteint la maturité politique favorable à un climat des affaires pérenne. Il y a eu 19 coups d’État ou tentatives de coups d’État en Thaïlande depuis l’établissement de la monarchie constitutionnelle, en 1932 – le dernier a eu lieu en mai 2014. Cela n’a pas empêché le pays de devenir la deuxième économie d’Asie du Sud-Est, derrière la Malaisie. Mais les manifestations de fin 2013 et début 2014, qui ont littéralement bloqué Bangkok, ont eu raison de la croissance, qui s’établissait entre 4 et 5 % par an. « L’instabilité politique n’a pas eu d’impact sur l’économie jusqu’en 2014. Cette année-là, la croissance n’a été que de 0,9 %. Elle est légèrement remontée à 2,8 % en 2015, et elle sera vraisemblablement entre 3 et 3,5 % cette année, mais c’est inférieur au potentiel du pays, remarque François Petit, chef du service économique de l’ambassade de France en Thaïlande. En 2015, le seul moteur qui a vraiment fonctionné, c’est le tourisme. Il représente 11 % du PNB. Les exportations, qui pèsent pour plus de 60 % dans le PNB, s’essoufflent. Tout cela dans un contexte de ralentissement économique mondial et de chute du prix des matières premières, surtout de celles que fournit la Thaïlande, comme le sucre, le riz ou le caou­tchouc. » S’ajoutent à cela la sous-utilisation de l’outil industriel, un système éducatif qui ne répond pas suffisamment aux besoins du pays et le bas niveau d’investissements, tant publics que privés. De plus, les ménages se sont endettés pour l’acquisition de leur premier logement et lorsque le gouvernement a abondé l’achat d’un premier véhicule. Aujourd’hui, l’endettement des particuliers représente plus de 80 % du PNB. Conséquence : la consommation intérieure stagne…

Ouvert 24 h / 24, le marché aux fleurs de Bangkok est le plus grand marché de fleurs en gros et au détail de Thaïlande. Il approvisionne essentiellement les commerçants et les hôtels.
Ouvert 24 h / 24, le marché aux fleurs de Bangkok est le plus grand marché de fleurs en gros et au détail de Thaïlande. Il approvisionne essentiellement les commerçants et les hôtels. Stevens Frémont

Technocratie économico-financière
Malgré tout, les agences de notation financière ne dégradent pas la note du pays, qui dispose de nombreux atouts. « La Thaïlande n’a pas fait appel aux financements en devises étrangères depuis cinq ans, son système bancaire fonctionne bien, et il y a eu 40 introductions en Bourse à Bangkok rien qu’en 2015 », énumère François Petit. Cette relative bonne santé tient en partie à une technocratie ­économico‑financière née après la crise économique qui a frappé l’Asie en 1997. Formée à l’étranger dans les organisations internationales, cette technocratie forme une haute administration qui veille sur les finances du pays. Autre point fort de la Thaïlande : sa balance commerciale. Le pays exporte 220 milliards de dollars par an alors qu’il n’importe que pour 180 milliards de dollars de marchandises. Son industrie manufacturière, notamment électronique et automobile, assure près de la moitié des exportations. Nombre d’entreprises étrangères, les grands groupes japonais en tête, fabriquent et assemblent leurs produits en Thaïlande, où elles trouvent une main-d’œuvre qualifiée à un coût compétitif. « Le salaire horaire dans l’industrie est de l’ordre de 3 dollars. Il progresse lentement, contrairement à la Chine, à l’Inde et à la Malaisie où les salaires augmentent fortement, souligne Segsarn Trai-Ukos, directeur pays pour Michelin. De plus, la Thaïlande a un bon vivier de techniciens et de cadres intermédiaires qualifiés et bien formés. » Dans les emplois tertiaires, le salaire mensuel moyen est équivalent à environ 750 euros pour un junior, 1 200 euros pour un profil expérimenté et 2 500 euros pour un manager. L’impôt sur les sociétés est de 20 % et la TVA, de 7 %, soit moins que dans les autres pays de la région. Bangkok est le siège de plusieurs grands groupes, dont des leaders mondiaux : PTT (énergie), CP Group (agroalimentaire, télécommunications et commerce de détail), Central Group (distribution), ThaiBev (boissons), Thai Union Group (alimentaire), Mitr Phol (sucre). Une quarantaine de grandes familles, pour la plupart d’origine chinoise, sont à la tête de conglomérats dont le principal est CP Group. Actif dans l’agroalimentaire, la distribution (Makro, Fresh Mart, licence 7-Eleven) et les télécoms (True Corporation), CP Group réalise un chiffre d’affaires de 46,5 milliards de dollars (2013), soit l’équivalent de 10 % du PIB national ! Composé d’une myriade de filiales localisées dans le monde entier, CP Group est dirigé par quatre frères, descendants des fondateurs chinois arrivés en 1921 et classés premières fortunes du pays.

Promenade en bateau sur le fleuve Chao Praya. En 2015, le tourisme était le seul moteur de l’économie du pays.
Promenade en bateau sur le fleuve Chao Praya. En 2015, le tourisme était le seul moteur de l’économie du pays. Stevens Frémont

3 questions à Duangrit Bunnag

Architecte

Duangrit Bunnag

Duangrit Bunnag a ouvert son studio Duangrit Bunnag Architect Limited (DBALP) dans le centre-ville de Bangkok, en 1998. A la recherche de bureaux plus vastes pouvant abriter sa cinquantaine d’employés, il s’intéresse à un terrain situé au bord du Chao Phraya. Ce lieu, qui a ouvert en 2014, est devenu la Jam Factory et a donné le coup d’envoi de la revalorisation des rives du fleuve, qui furent, il y a cent cinquante ans, le cœur de l’activité de Bangkok. Atypique, l’architecte revendique une parole libre quant aux choix faits par le gouvernement dans l’aménagement de la ville et entraîne de plus en plus de monde dans son action.
The Good Life : Comment est née la Jam Factory ?
Duangrit Bunnag : J’ai trouvé ce vieil entrepôt abandonné où tout était en décrépitude. Nous l’avons obtenu pour un bon prix et nous avons tout rénové. A côté se trouvait un autre bâtiment, une ancienne fabrique de glace. Nous en avons fait un restaurant, baptisé The Never Ending Summer, qui a rapidement très bien marché. Grâce à ce succès, nous avons poursuivi en ouvrant un café, une librairie et une boutique de design grâce à laquelle j’ai pu présenter les meubles et objets que nous dessinons sous le nom d’Anyroom. C’est finalement un écosystème qui fonctionne bien et qui nous a permis de présenter régulièrement des groupes de musique. De fil en aiguille, la Jam Factory est devenue un lieu qui permet de voir et d’entendre de nouvelles choses et qui génère vraiment du business.
TGL : Comment le concept de la Jam Factory s’est-il étendu ?
D. B. : L’esprit de la Jam Factory a fini par contaminer les habitants du quartier et nous avons réfléchi avec eux aux façons de l’étendre en misant sur la créativité et sans compter sur l’aide du gouvernement. C’est ainsi qu’est née l’idée d’un Creative District et d’une association, la Bangkok River Partners, qui a été fondée par les grands groupes hôteliers et par les entreprises majeures des rives du fleuve. Un comité directeur se réunit une fois par mois et évalue les projets qui nous sont soumis. Actuellement, nous planchons sur un grand projet à long terme, Brillant Bangkok, en partenariat avec Philips, autour de l’illumination de la ville. Nous avons également monté la Creative District Foundation de façon à lever des fonds en toute transparence et à nous assurer de leur bon usage. Finalement, le ministère du Tourisme et des Sports souhaite nous apporter son aide. Que ce soit pour l’éclairage des rues, pour la signalétique ou pour la plantation des arbres,  nous agissons de façon concrète. C’est, selon moi, une forme d’urbanisme tangible, qui ne se limite pas aux études ni aux grandes idées.
TGL : Quelle est votre opinion quant au futur de Bangkok ?
D. B. : Le potentiel de cette ville est grand. Mais nous ne sommes ni Singapour ni la Chine. Et nous n’allons pas aussi vite que Shanghai ou Pékin, qui peuvent faire table rase d’un quartier et tout reconstruire. Il faut aussi préserver ce qui existe et ne pas se précipiter. Faire disparaître les bidonvilles non pas en les rasant, mais en améliorant le niveau de vie de ceux qui y vivent. Côté transports, il y a eu, dans le passé, un très bon plan directeur qui était sur le point d’être exécuté et qui pouvait vraiment tout changer. Mais quand les militaires sont arrivés, en mai 2014, ils ont tout mis à la poubelle et ont présenté un mauvais plan fait à la va-vite. Il nous faut une planification sérieuse, ainsi que de nouvelles infrastructures. Et il est indispensable de consulter les gens. Il y a eu, par exemple, un projet de route le long du fleuve. Nous avons protesté et, finalement, les autorités ont dit qu’il s’agirait plutôt d’une piste cyclable et piétonnière. Cela n’avait aucun sens : on ne dépense pas 14 milliards de baths pour construire une route que personne n’utilisera ! Si une idée est mauvaise, je le dis. Les gens ont peur de s’exprimer, et ils ont des raisons. Mais s’ils osaient, il n’y aurait de toute façon pas assez de prisons pour enfermer tout le monde ! Il nous faut gagner le droit de nous exprimer. Nous avons le pouvoir de changer cette ville, personne ne le fera pour nous. S. B.

Une place stratégique
« La position géographique de Bangkok en fait une place stratégique, d’autant plus que le pays a fortement développé ses infrastructures », remarque Bruno Jetin, professeur à l’Institute of Asian Studies à l’université de Brunei. Bangkok s’impose effectivement comme un hub asiatique. Aéroports domestique et international, plusieurs ports, dont un en eau profonde, des routes, des chemins de fer et des plates-formes logistiques disséminées dans la grande banlieue facilitent l’acheminement des biens d’équipement et des marchandises vers le monde entier. « En plus des routes, la Thaïlande dispose d’infrastructures pour l’énergie et les communications. Il n’y a pas de coupures d’électricité, les télécoms fonctionnent, et on accède à Internet dans tout le pays », ajoute Bruno Jetin. En matière de télécommunications et de numérique, Bangkok n’a rien à envier aux capitales occidentales. Ce serait même la ville qui compte le plus grand nombre de fans Facebook au monde ! Le taux d’abonnement au téléphone mobile y est de 1,5 par habitant… A titre de comparaison, il est de 1,1 en France. Dans les bars et les restaurants de Bangkok, il n’est d’ailleurs pas rare de voir plus de mobiles posés sur les tables que de convives. « Ici, le numérique concerne tout le monde, les particuliers comme les entreprises. Presque chaque maison thaïe dispose d’un ordinateur, alors que seulement 20 % des foyers en sont équipés au Viêtnam et qu’à peine un tiers de la population birmane accède à l’électricité, affirme Anothai Wettayakorn, directeur général Thaïlande pour Dell. Le seul problème, en Thaïlande, c’est qu’on manque de talents et de compétences ! » Et pas seulement dans le numérique. Longtemps concentré sur l’industrie manufacturière et l’assemblage, le pays n’a pas formé suffisamment de cadres et de dirigeants. Seules les familles les plus riches envoient leurs enfants parfaire leur cursus aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Australie. « Il n’y a pas assez de diplômés dans tous les domaines. On manque d’ingénieurs, d’informaticiens, de managers… » constate Eric de Ghellinck. Ancien responsable commercial de la société MPO en Asie, il a créé Pro Active Asean pour aider les PME européennes à se développer en Asie et il a cofondé l’antenne thaïlandaise de la French Tech, l’écosystème des start-up françaises. La Thaïlande connaît le plein emploi : le taux de chômage y est inférieur à 1 %. Mais les entreprises ont beaucoup de mal à recruter des profils qualifiés et les jeunes diplômés qui parlent bien anglais sont très courtisés, car ils sont rares. « Heureusement, la jeune génération a pris conscience des enjeux et de l’importance des études », poursuit Eric de Ghellinck. Signe des temps : les écoles internationales se développent. De leur côté, les multinationales envoient leurs collaborateurs thaïs les plus prometteurs compléter leur formation sur de grands projets internationaux. Revenus au pays, ils peuvent à leur tour former d’autres employés aux méthodes et aux technologies qu’ils ont apprises. « Le pays est à la croisée des chemins. Pour compenser la baisse des exportations, il doit relancer la consommation et augmenter la valeur ajoutée, autrement dit, monter en gamme. Mais il lui manque les profils adaptés et les activités de recherche et développement, qui sont pour l’instant menées par les entreprises étrangères », résume Paul Dumont, président de Francom Asia, une agence de communication basée à Bangkok.

Conducteurs de tuk-tuk, commerces ambulants… la Thaïlande connaît le plein emploi, mais les entreprises peinent à recruter des profils qualifiés.
Conducteurs de tuk-tuk, commerces ambulants… la Thaïlande connaît le plein emploi, mais les entreprises peinent à recruter des profils qualifiés. Stevens Frémont

Art contemporain

« Que deviennent tous les jeunes artistes que nous formons chaque année ? » se demande le photographe Manit Sriwanichpoom. Depuis cinq ans, le nombre de galeries a certes considérablement augmenté à Bangkok, mais la promotion de l’art contemporain n’est pas encore prise au sérieux. « Les universités ont toutes des départements d’art. Les jeunes veulent y étudier, attirés par un mode de vie qui correspond à leurs aspirations, mais, économiquement, la croissance est lente comparée à la production. » Âgé d’une cinquantaine d’années, Manit Sriwanichpoom a exposé dans de nombreux pays grâce à son Pink Man, une série qu’il a commencée en 1997 et qui critique la fièvre consumériste qui s’est emparée de la société thaïlandaise. Sans être frontalement provocant, Manit Sriwanichpoom s’exprime dans un registre qui n’est généralement pas celui que choisissent les artistes thaïlandais. « Au-delà de la censure, qui existe, bien entendu, il n’est pas dans la culture des Thaïlandais de provoquer. On évite les conflits, les problèmes. Je pense que c’est lié au bouddhisme, qui prône une attitude pacifique et sereine. » Contrairement à la Chine, où les acheteurs ont rapidement soutenu les artistes, les collectionneurs thaïlandais se font rares et les Occidentaux ne se pressent pas à Bangkok, malgré le travail soutenu de certaines galeries pour les présenter dans les grandes foires internationales. Fin 2015, la galerie londonienne Saatchi inaugurait Thailand Eye, une exposition panorama de l’art contemporain thaïlandais présentant des artistes confirmés et émergents. Une initiative soutenue par le ministère de la Culture dans le cadre de la célébration du soixantième anniversaire de la princesse Maha Chakri Sirindhorn. L’exposition a ensuite été présentée au BACC, le seul espace public consacré aux arts contemporains à Bangkok. « Un seul musée, ce n’est pas assez, constate Subhashok Angkasuwansiri, collectionneur et fondateur de Subhashok The Arts Centre. L’ouverture du BACC a généré celle de nombreuses galeries, mais il nous faut davantage de collectionneurs. » Dans un contexte économique et politique tendu, difficile pour les acteurs de l’art contemporain de compter sur l’appui du gouvernement. Les centres commerciaux font leur part en intégrant des expositions ou des galeries d’art dans leur offre. Autant de preuves qu’une nouvelle scène culturelle existe. Mais celle‑ci reste encore en marge de la vie des habitants de Bangkok. « Nous avons beaucoup trop de shopping malls et pas assez de musées, de bibliothèques, de théâtres publics, résume Manit Sriwanichpoom. La culture, personne n’y pense. On parle d’économie créative, mais comment la faire sans infrastructures ? » S. B.

La position géographique de Bangkok en fait une place stratégique, d’autant plus que la ville a fortement développé ses infrastructures, s’imposant désormais comme un hub asiatique.
La position géographique de Bangkok en fait une place stratégique, d’autant plus que la ville a fortement développé ses infrastructures, s’imposant désormais comme un hub asiatique. Stevens Frémont
La position géographique de Bangkok en fait une place stratégique, d’autant plus que la ville a fortement développé ses infrastructures, s’imposant désormais comme un hub asiatique.
La position géographique de Bangkok en fait une place stratégique, d’autant plus que la ville a fortement développé ses infrastructures, s’imposant désormais comme un hub asiatique. Stevens Frémont

Imposer sa différence
Le moment est stratégique pour la Thaïlande, car ses voisins (Viêtnam, Cambodge, Birmanie) montent en puissance et de plus en plus d’investisseurs étrangers comparent les perspectives locales avec la Malaisie avant de se décider. Pour faire la différence, Bangkok mise sur l’un de ses principaux atouts, le ­tourisme médical. La ville héberge 42 hôpitaux publics et une centaine d’hôpitaux privés, sans compter des milliers de ­cliniques. Sa situation géographique, la qualité de ses personnels médicaux et hospitaliers, le niveau d’équipement ainsi que sa culture du service héritée de son industrie du tourisme en font une destination de choix pour les patients qui viennent du monde entier. « La moitié de nos patients sont thaïs, 20 % sont des Japonais qui vivent et travaillent dans le pays et 30 % viennent des États-Unis, d’Europe, de Birmanie et d’Australie », détaille Nicolas ­Leloup, responsable du marketing international de l’hôpital Samitivej. Cet hôpital appartient au groupe Bangkok Dusit Medical Services (BDMS), qui en exploite une cinquantaine dans le pays, mais aussi au Cambodge et en Birmanie. « Beaucoup d’entreprises, pas seulement thaïes, signent des contrats pour tout leur personnel », explique Claus Padkaer, responsable des expatriés au Bangkok Hospital, qui appartient également au groupe BDMS. Les policiers de Dubaï, les employés d’une compagnie minière du Katanga, en république démocratique du Congo, ou les 200 000 expatriés japonais vivant en Thaïlande sont ainsi soignés à Bangkok en cas d’hospitalisation. Résiliente et attractive, Bangkok reste optimiste. La ville connaît ses atouts et sait que son économie redémarrera dès que l’économie mondiale renouera avec un peu de croissance. S. C.

Les thaïlandais aiment la mode… le pays compte d’ailleurs une importante industrie manufacturière.
Les thaïlandais aiment la mode… le pays compte d’ailleurs une importante industrie manufacturière. Stevens Frémont
Bangkok compte 400 temples bouddhistes. Centres de la vie socioculturelle, ce sont des lieux de culte, mais aussi d’enseignement, de réunions, etc.
Bangkok compte 400 temples bouddhistes. Centres de la vie socioculturelle, ce sont des lieux de culte, mais aussi d’enseignement, de réunions, etc. Stevens Frémont
Bangkok compte 400 temples bouddhistes. Centres de la vie socioculturelle, ce sont des lieux de culte, mais aussi d’enseignement, de réunions, etc.
Bangkok compte 400 temples bouddhistes. Centres de la vie socioculturelle, ce sont des lieux de culte, mais aussi d’enseignement, de réunions, etc. Stevens Frémont

Le business du luxe

Faire de Bangkok une destination pour le shopping haut de gamme, telle est la volonté du ministère du Tourisme thaïlandais. C’est aussi celle de tous les intervenants du secteur, car la clientèle locale ne suffit pas. C’est, du moins, ce que pense Thitiporn Sanguanpiyapan, directrice de Luxellence, un centre de formation et d’études sur l’industrie du luxe disposant de trois campus (Bangkok, Shanghai et Paris). Les trois catégories de tête qui lui viennent à l’esprit quand on parle de luxe sont l’automobile, la mode et les montres. Et les trois marques les plus citées sont Louis Vuitton, Chanel et Gucci. Les dépenses les plus importantes (23 %) sont dédiées à l’acquisition de montres et de bijoux, des achats que les consommateurs préfèrent néanmoins faire à l’étranger. Pourtant, la bijouterie est un domaine dans lequel les Thaïlandais excellent, à la fois en tant que fournisseurs de pierres précieuses de couleur, en sous-traitance pour de grandes marques internationales (Georg Jensen, Pandora…), et avec des griffes haut de gamme basées à Bangkok. Le gouvernement thaïlandais, par l’intermédiaire de son Department of International Trade Promotion, tente de faire revenir un maximum d’exposants au salon Thailand Gems & Jewelry, lesquels préfèrent exposer à Singapour ou à Hong Kong pour atteindre un plus grand marché d’acheteurs. La situation est plus difficile pour les créateurs de mode, même s’il existe une importante industrie manufacturière en Thaïlande, comme le souligne Polpat Asavaprapha, créateur de la marque Asava. « Nous avons néanmoins fait du chemin, car, contrairement à Singapour et à Hong Kong, nous avons de bons manufacturiers locaux. Et même s’ils se consacrent principalement à la production de vêtements de sport pour Adidas ou Nike, nous tentons de maintenir une partie de notre fabrication ici. » Sans être un géant, Polpat Asavaprapha tire son épingle du jeu en créant une mode adaptée à la morphologie et aux goûts des Thaïlandaises. Ses clientes sont des femmes issues d’une classe moyenne émergente, qui n’a pas les moyens de se payer un prêt-à-porter de luxe et qui réserve ses achats de sacs ou de chaussures chez les grandes marques. Les Thaïlandais aussi aiment la mode. Ils se sont d’ailleurs précipités, en février dernier, à l’ouverture du pop-up store de Louis Vuitton. « La mode masculine s’est vraiment épanouie ces dernières années, affirme Ston Tantraporn, rédacteur en chef adjoint de Vogue Thailand. Les grands magasins et les médias lui consacrent une plus grande place. Les Thaïlandais sont très ouverts à la mode, mais il faut tout de même leur apprendre certaines règles ! » Services, lieux, produits, tout est donc en marche pour faire de Bangkok le prochain shopping paradise. S. B.

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