Voyage
Haut lieu du whisky avec ses dizaines de distilleries, toutes plus réputées les unes que les autres, le Speyside est aussi un lieu de villégiature idéal pour se promener de château‑hôtel en bed & breakfast de charme. L’idéal pour un premier bain dans l’atmosphère si particulière et si attachante de l’Ecosse.
Des invitations à la dégustation
Pendant la visite, j’écoute d’une oreille distraite la jeune guide affublée d’un kilt me raconter comment se fabrique le divin nectar. Car si les distilleries ne se ressemblent pas toutes, le processus est, lui, le même : de l’orge maltée fermentée, ce qui donne une sorte de bière, qui est alors distillée deux fois dans des alambics en cuivre. L’alcool patiente ensuite de longues années dans des fûts en chêne. Une fois que l’on sait ça, on peut zapper une bonne partie de la visite et se concentrer sur ce qui fait l’originalité de chacun des grands noms du whisky écossais : le vieillissement.
La plupart du temps, les fûts utilisés ont déjà contenu du bourbon ou du xérès, mais certains s’amusent à varier les plaisirs et à innover. Ainsi, chez Glenfiddich, le maître de chai, Brian Kinsman, a eu l’idée d’utiliser le principe du Solera pour élaborer le 15 ans d’âge. Dans le chai n°8, il a choisi de mettre dans les foudres différents single malts choisis pour leurs spécificités et de les laisser vieillir. Lorsqu’il y a soutirage, les foudres ne sont jamais totalement vidés et sont remplis avec de nouveaux single malts. L’âge du whisky contenu augmente ainsi progressivement, au fil des remplissages ; un principe très utilisé pour les rhums, mais unique dans le Speyside. De retour à l’air libre, je décide de longer un affluent de la Spey, la Strah Isla. Une balade qui me mène inévitablement à la distillerie Strathisla aux jolies tours, avec des toits en forme de pagode.
La visite des chais fait revenir au XIXe siècle avec les rampes en bois pour entreposer les fûts à l’étage… et les toiles d’araignée d’époque. Même si le nom de cette distillerie ne vous dit rien – les bouteilles produites ne sont vendues que sur place –, les whiskies qui en sortent constituent la structure aromatique du Chivas Regal. En remontant la vallée de la Spey, les noms des villages sont autant d’invitations à la dégustation : Craigellachie, où se trouve un incroyable bar à whiskies, le Highlander Inn (@thehighlanderinn). Tenu par Tatsuya Minagawa, un Japonais tombé amoureux de l’Ecosse il y a une vingtaine d’années, il propose quelques bouteilles absolument uniques…
Aberlour, où se trouve l’usine d’où sortent les fameux shortbreads Walkers, mais aussi Glen Grant, ses jardins victoriens et une charmante petite rivière au bord de laquelle il fait bon se promener avant ou après la visite. Et avant d’arriver à Knockando : Ballindalloch. Cette toute jeune distillerie – inaugurée il y a seulement un an par le prince Charles – a le charme de l’adolescence. Deux alambics seulement, des chais éparpillés dans la campagne, mais un propriétaire prévoyant : un pipeline a été installé pour relier une éventuelle future partie à la salle de distillation en cas de succès des whiskies maison. Rendez-vous dans deux ans pour goûter. A Knockando, direction Cardhu. La distillerie, posée sur une colline, domine la rivière. Des bâtiments originels, il ne reste qu’une sorte de manoir qui sert de salle de dégustation, aussi cosy qu’un pub de palace londonien. On y déguste les différents whiskies maison. Certains d’entre eux sont utilisés pour l’assemblage du Johnnie Walker.
L’effigie bondissante de Johnnie Walker est omniprésente.
Mais assez de whisky pour le moment. Longeant la Spey, la route qui m’emmène vers la mer alterne les paysages : tantôt le fleuve apparaît majestueux avec ses cabanes de pêche chic, tantôt la route serpente dans une forêt de pins. Pas farouches, des faisans s’enfoncent tranquillement dans la bruyère au passage de la voiture. Peu ou pas de bruit. Un moment de plénitude totale. Arrivée à l’embouchure de la Spey, j’hésite sur la direction à prendre et me décide à rouler vers Nairn, tout près d’Inverness. Au détour d’une petite route, un panneau indique Boath House et ses jardins et je me retrouve devant une superbe maison dans le plus pur style Régence.
Si la bâtisse est quelque peu intimidante, ses jardins sont un enchantement. Que l’on préfère l’exubérance à l’anglaise, la rigueur d’un potager médiéval ou la simplicité d’un étang caché, le lieu possède une magie certaine. Chaque détail est charmant et quand vos pas vous ramènent vers la maison, le confort enveloppant du petit salon attire inévitablement, comme un prélude à un afternoon tea gourmand. Comme les ombres s’allongent, je reprends la route et l’A98, qui longe la côte, pour rejoindre l’étape du soir, à Banff. Il faut emprunter une longue allée sous les arbres avant d’atteindre une maison un peu cachée, Durn House.
Dans les derniers rayons, on ressent son charme, mais aussi ce qui en fait un lieu couru pour des murder parties, une double personnalité qui disparaît aussitôt la porte franchie. Accueil chaleureux à l’écossaise, chambres de la taille d’un bel appartement parisien, canapés du salon où il fait bon se lover dans les coussins… La soirée sera douce.
Le lendemain, il faut déjà penser au retour et à revenir vers Aberdeen, non sans s’accorder encore quelques étapes. A commencer par le Kildrummy Park Castle Hotel. Face aux ruines d’un antique château, la bâtisse domine un superbe jardin et une petite vallée.
Je décide de m’installer dans le salon bleu pour un dernier high tea. Ambiance digne d’un roman d’Agatha Christie, il ne manque plus que la silhouette rondouillarde d’Hercule Poirot. Canapés profonds couverts de chintz, banquettes confortables sous les fenêtres pour regarder le ballet des oiseaux, en grignotant scones moelleux et sandwichs au saumon délicieux. Le temps s’arrête…
A l’intérieur : le lifestyle écossais dans ce qu’il a de plus douillet à offrir.
Comme la nuit tombe, je décide de m’arrêter de nouveau à Inverurie, mais cette fois à Pittodrie House. Cet immense manoir surmonte collines, prés et forêts. Au réveil, quelques bancs de brouillard sont accrochés par les sommets qui nous entourent, faisant comme un cocon au château, baigné d’une belle lumière dorée. La même qu’à mon arrivée. La boucle est bouclée. Il faut reprendre l’avion. Mais je sais que je reviendrai très vite en Ecosse. Une région aussi addictive qu’un bon scotch, les effets alcoolisés en moins.
