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The Good Culture // Gastronomie

Assaf Granit et Tomer Lanzman : « cuisiner n’a jamais eu autant de sens »

Gastronomie

The Good Culture

The Good Life tire le portrait de celles et ceux qui font la restauration d’aujourd’hui à Paris et ailleurs. Rencontre avec Assaf Granit et Tomer Lanzman, à la tête de JLM group avec Dan Yosha et Uri Navon, dont les restaurants célèbrent la cuisine israélienne à travers le monde.

Propriétaires d’une douzaine de restaurants à Londres, Jérusalem, Berlin et Paris qui en compte trois, dont un étoilé, Asaf Granit et Tomer Lanzman restent tout de même sur leurs grades quand on leur parle de succès : « Ce n’est pas vraiment ce qu’on ressent« . Avant qu’Assaf Granit n’ajoute pas peu fier : « Je crois que c’est la première que nous avons plus de restaurants à Paris qu’à Jérusalem. »


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Joueur de foot contre danseur de ballet

Avant de rencontrer Tomer, Assaf Granit enchaîne chaque année les ouvertures de restaurants à travers le monde avec un credo : faire de la cuisine israélienne une fête, où l’on vient tout autant pour l’assiette que pour l’ambiance. Il s’accompagne de chefs venus des quatre coins du monde pour faire tourner ses établissements. Mais quand il veut s’attaquer à Paris, haut-lieu de la gastronomie française, il cherche à être prudent et mettre toutes les chances de son côté : « Tomer dirigeait déjà un établissement à Paris. il connaissait la ville beaucoup mieux que moi. On s’est vus et on a tout de suite su que ça allait marcher entre nous. »

Tomer Lanzam et Assaf Granit.
Tomer Lanzam et Assaf Granit.

Son associé précise : « Pour moi, il ne s’agissait pas d’un coup de foudre professionnel, mais bien d’une amitié. C’était important qu’on devienne d’abord amis avant de travailler ensemble, dans cet ordre-là. » Si Assaf veille aux recettes, Tomer se charge de l’atmosphère, à l’instar d’un directeur artistique. Chaque établissement parisien possède son univers : le restaurant Kapara (anciennement Balagan), est placé sous le signe de la fête et du joyeux bordel, Tékés offre une cuisine végétarienne réjouissante et enfin Shabour est un écrin (étoilé) où tout est fait pour que vous vous sentiez comme à la maison.

Complicité et complémentarité : « Moi en cuisine je suis un joueur de foot, confesse Assaf Granit. Tomer, quant à lui, est un danseur de ballet. Ce n’est pas le même métier ! Il fait quelque chose que je ne sais pas faire. » Mais il n’est pas rare que le ton monte entre ces deux-là… Pour mieux se comprendre ensuite. Les deux complices persistent et signent néanmoins : « travailler entre amis, c’est ce qu’il y a de mieux« .

Itinéraires d’autodidactes

Différents mais semblables dans leur parcours. Aucun des deux complices n’est issu du sérail de la restauration, ils n’ont pas suivi d’école, pas de diplôme non plus — contrairement à Dan Yosha et Uri Navon, les deux autres membres fondateurs du JLM group.

Rien ne prédestinait Assaf Granit à passer sa vie dans les cuisines. Au sortir de son service militaire, il trouve un gagne-pain en tant que barista à Jérusalem : « On me demandait de préparer les salades pour le déjeuner. J’ai servi une dame et à sa première bouchée j’ai vu qu’elle souriait de plaisir. Je me suis dit que c’était le plus beau métier du monde. » S’ensuit des stages et des postes obtenus dans des restaurants de Jérusalem. Puis il bûche à la maison sur les livres de recettes d’Alain Ducasse et du chef japonais Nobu Matsuhisa.

Shabour, le restaurant étoilé du groupe.
Shabour, le restaurant étoilé du groupe. Joann Pai

Tomer, lui, travaille longtemps en tant que cuisinier privé à Paris. Il arrive à l’âge de 24 ans dans la capitale « sans un rond, sans papier et sans parler un mot de français« . Il sait que chef n’est pas son métier. Il est plutôt séduit par le sens du service et de l’accueil d’un restaurant, citant Nadine de Rothschild et l’importance diplomatique de plans de table qui l’a toujours fasciné. Son rêve : ouvrir un restaurant en hommage à sa grand-mère cuisinière, maîtresse de cérémonie des tablées familiales, à l’origine de ses premiers souvenirs de commensalité.

A leur rencontre, la France représente pour tous deux l’excellence de la restauration, à la fois dans l’assiette et dans l’accueil. Ils en reprennent certains codes, comme le fait de balayer systématiquement la nappe à chaque plat servi à Shabour. Sans ambages, les deux s’accordent dans la définition du restaurant : des recettes au service d’un art de recevoir, et non l’inverse. Comme si la fête prédominait sur l’assiette.

Cuisine sous influences

C’est quoi, alors, la cuisine israélienne ?

La question est lancée comme on coupe le son lors d’une soirée. Assaf explique : « La culture israélienne est d’abord très jeune comparée aux pays européens. Je dirais que sa cuisine est à l’image de sa société : un melting-pot. Il y a des influences jordanienne, marocaine, palestinienne, allemande, ouzbek, russe, etc. Mais quand on emprunte, on se doit de bien expliquer. C’est pour cette raison qu’on signale à tous les clients l’origine d’une recette, en revenant par exemple sur les cuisines des pays qui nous ont inspirés pour préparer une sauce à la carte. »

Se délecter des saveurs réconfortantes d’Assaf Granit chez Kapara.
Se délecter des saveurs réconfortantes d’Assaf Granit chez Kapara.

Les recettes des restaurants du groupe sont pensées et exécutées par les deux chefs Dan Yosha et Uri Nevon. Bien loin de reproduire une cuisine traditionnelle qui se franchiserait à travers le monde, le groupe s’engage à créer des ponts avec les pays où ils s’installent. Chez Shabour, le cassoulet est présent mais caché sous le nom de « kügelet » où saucisse de Toulouse et haricots blancs se dévoilent après avoir cassé une croûte de vermicelles dorés. Autre exemple, le filet de rouget snacké recouvert d’une sauce orangée aux tomates et poivrons, accompagné de rouille sur du pain toasté est un clin d’œil certain à la bouillabaisse. Le restaurant vient d’ailleurs de confirmer son étoile au guide Michelin 2024.

Durant tout l’entretien, Assaf jette des regards inquiets à son téléphone : « Désolé, c’est toujours la crise en Israël, je communique avec des proches là-bas. » Le 10 octobre, le chef a été mobilisé en tant que réserviste en Israël. Tomer était à Paris ce jour-là, sous le choc. Qu’est-ce qu’un restaurant peut faire face à la guerre qui se déroule en ce moment ? La réponse des deux amis est univoque : tout.

La cuisine a toujours été « une bonne thérapie post-trauma » pour Assaf. « Il fallait que je retrouve de l’espoir dans tout ce chaos. Cuisiner pour rendre heureux des gens n’avait jamais eu autant de sens. Ça m’a réconforté et rassuré. On est aussi capable du meilleur. » Tomer sent quant à lui quelque peu le poids d’un rôle : « On est comme des ambassadeurs. L’objectif est de montrer qu’on sait faire autre chose que la guerre. On ouvre la porte à tout le monde, on cuisine chaque jour la meilleure nourriture possible. »

Boubalé.
Boubalé.

Shabour
19 Rue Saint-Sauveur, 75002 Paris

Tékés
4 bis Rue Saint-Sauveur, 75002 Paris

Kapara
9 Rue d’Alger, 75001 Paris

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