Architecture
The Good City
Avec son festival Archi’ Design, qui se tient en avril depuis 2023, la station des Arcs entend instaurer un rendez‑vous annuel où, en partant de son modèle architectural, designers et architectes réfléchissent à l’habitat de montagne pour demain.
Les stations issues du plan neige des années 60 ont été souvent mal aimées, plus d’ailleurs que réellement boudées par les skieurs, qui en appréciaient tout de même les domaines skiables. Trop de ruptures avec la figure tutélaire du chalet, trop de modernité… Pourtant, leur conception était ô combien innovante à l’époque et demeure encore pertinente. Comme peut l’être la station des Arcs.
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Les architectures de ces destinations connaissent aujourd’hui un véritable regain d’intérêt et de reconnaissance de la part du grand public. Une raison majeure à cela : la glorification des créateurs, architectes et designers qui les ont fait sortir de terre… Le travail du temps a dû passer par là.
La station des Arcs, inaugurée en 1968, est symptomatique de la vision que la designer Charlotte Perriand avait pour l’habitat de montagne. Après s’être construit un chalet à Méribel, elle va rejoindre, en 1967, l’Atelier d’architecture en montagne (AAM) créé par Laurent Chappis et Denys Pradelle.
C’est d’ailleurs sur la proposition de ce dernier à Roger Godino, promoteur visionnaire de la station, qu’elle va non seulement s’employer à concevoir intégralement les aménagements intérieurs – tout est pensé selon les règles du Modulor de Le Corbusier –, mais aussi insuffler une nouvelle dynamique à la réflexion architecturale de l’équipe déjà en place (Gaston Regairaz, Bernard Taillefer, Pierre Faucheux).
Un immeuble couché de 21 étages
Elle imagine des processus de constructions novateurs qui révolutionnent la manière de vivre dans la pente, à l’image du bâtiment la Cascade, avec ses façades à l’oblique. De même, son implantation couchée à flanc de montagne équivaut à un immeuble de 21 étages, mais qui ne coupe pas la vue vers la vallée. C’est ce que l’on apprend en suivant les visites guidées proposées par l’office de tourisme des Arcs.
« Arc 1600 est un vrai challenge à faire découvrir et à faire aimer ! Cette architecture est très conceptuelle, mais le décryptage que l’on en fait change le regard du public. La station devient un lieu de patrimoine qui a toutson sens une fois remis dans son contexte. Et c’est ça, le but d’une visite guidée : proposer des clés de lecture pour apporter un regard nouveau », souligne Jean-Marie Chevronnet, qui a mis en place le dispositif, que l’on peut d’ailleurs suivre skis aux pieds, pour partir à la découverte des aspects moins connus de la station, comme les Chalets Pointus de Bernard Taillefer, pensés au départ pour les saisonniers.
Mais la station voulait aller encore plus loin dans la reconnaissance de cette station labellisée Architecture contemporaine remarquable, en instaurant un rendez-vous régulier qui attire aussi bien les professionnels que le grand public. « Depuis l’exposition consacrée à Charlotte Perriand à la Fondation Louis Vuitton, nous ressentons un énorme attrait pour la station. Archi’ Design permet de capter cette attention et de prolonger la réflexion sur comment raconter Perriand aux Arcs et, par extension, le vivre en montagne », explique Marion Grognet, chargée du marketing et de la communication à la station.
Nourri par des interventions de professionnels, notamment la designer Matali Crasset lors des deux premières éditions, l’événement élargit le débat en dressant aussi des parallèles avec des cités d’architectes, à l’image de La Grande-Motte de Jean Balladur ou encore de Firminy, près de Saint-Étienne, pensée par Le Corbusier.Il offre aussi un temps de création à des étudiants architectes qui concourent pour des projets de micro architectures.
Enfin, ce rendez-vous permet de mettre en lumière des initiatives privées. Comme ces restaurations à l’identique d’appartements de la part de particuliers passionnés ou bien encore la rénovation récente de l’hôtel historique La Cachette par l’agence Patriarche, qui a surtout cherché à retrouver l’esprit Perriand avec du mobilier actuel.
Ce moment d’échanges pourrait bien être l’occasion d’insuffler un débat public plus général, concerté sur le devenir des stations qui approchent la soixantaine. D’autant plus dans le contexte des jeux Olympiques d’hiver de 2030, pour lesquels la durabilité devrait être un mot d’ordre fédérateur.
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