×
architecture brutaliste africaine
Findeco House (Lusaka en Zambie).
fanny

The Good City // Architecture

L’architecture brutaliste en Afrique mise à l’honneur

Architecture

The Good City

Tenu par Karl Fannar, un Islandais passionné, le compte @african_brutalism répertorie les merveilles souvent méconnues du continent africain. Des bâtiments érigés pour la plupart après la vague d’indépendance de ces pays, qui recherchaient alors une monumentalité nouvelle.

Un centre international de conférences à Nairobi, au Kenya, un monument aux héros nationaux du Burkina Faso à Ouagadougou… Bienvenue sur la page d’@african_brutalism, surprenante petite pépite Instagram dédiée – comme son nom l’indique – aux réalisations brutalistes africaines. Près de 200 000 abonnés y découvrent l’insoupçonné patrimoine post-indépendance du continent.

L’architecture africaine a pris en importance ces dernières années et nous avons vu émerger de grands talents comme le Nigérian Kunlé Adeyemi ou la Sénégalaise Mamy Tall. J’espère que ce n’est que le début de quelque chose de plus vaste encore »


Lire aussi : L’avenir de l’architecture d’intérieur s’écrit dans le Sud


Élargir les regards sur le patrimoine africain

S’y dresse une galerie d’immeubles et de monuments nationaux aux tonalités grises et ocres, mélange détonnant entre esthétique industrielle et couleurs sableuses. L’occasion de contredire les clichés qui voudraient que le continent noir soit le parent pauvre de la discipline architecturale, comme le note Karl Fannar, le créateur du compte. « Beaucoup de personnes ont une image très simplifiée de la culture africaine », déplore cet Islandais de 36 ans, anthropologue de formation, aujourd’hui employé du ministère des Affaires étrangères de son pays.

Lui qui a notamment vécu en Ouganda entend raconter une autre histoire, très éloignée de l’image d’un continent instable miné par la pauvreté. « J’ai toujours été fasciné par les autres modes de vie dans tous leurs aspects, l’urbanisme et l’environnement bâti en particulier », explique-t-il. Fannar veut croire que les bâtiments sont un miroir des sociétés qui les ont érigés. Sa page Instagram est en quelque sorte une manière d’éduquer le grand public en ce sens. Et face aux réactions de surprise, il a le sentiment d’avoir visé juste : « c’est toujours une petite victoire lorsque j’ai réussi à élargir la vision du monde de mes abonnés », dit-il. C’est également l’histoire récente du continent qu’il entend mettre en lumière.

Le Kenyatta International Convention Centr (KICC) à Nairobi.
Le Kenyatta International Convention Centr (KICC) à Nairobi.

Pleins phares sur l’architecture brutaliste en Afrique

Car ces bâtiments sont nés pour la plupart peu après la vague d’indépendance des années 1960, lorsque les dirigeants cherchaient à démontrer au monde la souveraineté de leurs nations, nouvellement établies sur la scène internationale… Même si ces immeubles ont été pour la plupart conçus par des architectes européens. « On peut considérer qu’il s’agit là d’une manifestation du post-colonialisme, conçoit Fannar, mais aussi d’une composante vitale de la modernisation de ces États et de leur rapprochement avec l’Occident », poursuit-il sans néanmoins trancher la question. Citons parmi les réalisations les plus emblématiques la FINDECO House dans le quartier d’affaires de Lusaka en Zambie, immeuble de grande hauteur inauguré en 1978, conçu par les architectes yougoslaves Dušan Milenković et Branimir Ganović.

Quoi qu’il en soit, cette architecture post-indépendance fait désormais partie intégrante du paysage africain, et le public semble apprécier la redécouverte de ces structures brutalistes. « Il y a un intérêt croissant pour ce patrimoine, et celui-ci doit être préservé », avance Fannar. Mais cet amateur regarde aussi vers l’avenir de la discipline. « L’architecture africaine a pris en importance ces dernières années et nous avons vu émerger de grands talents comme le Nigérian Kunlé Adeyemi ou la Sénégalaise Mamy Tall. J’espère que ce n’est que le début de quelque chose de plus vaste encore ». Mais s’il n’y avait qu’un seul nom à retenir, ce serait indéniablement celui de l’architecte germano-burkinabé Diébédo Francis Kéré, premier Africain à décrocher le prix Pritzker en 2022. Une ère africaine est bien en train de naître.


Lire aussi : L’architecture a-t-elle une orientation sexuelle ?


 

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture